Analyse de signaux vibrotactiles et modèles flous de la perception

Durant ces dernières années, le marché des équipements électroniques grand public a été marqué par les progrès technologiques remarquables réalisés par les fabricants dans le domaine des écrans tactiles . Même si le concept et la technologie des écrans tactiles existent depuis quelques décennies, ce n’est que récemment qu’ils sont devenus accessibles à grande échelle, grâce essentiellement aux développements de composants moins chers et plus fiables. En effet, entre 2008 et 2011 les appareils à écran tactile ont connu un rythme de croissance extrêmement rapide, et il est estimé qu’à l’heure actuelle le nombre total de dispositifs à écran tactile a déjà dépassé le seuil psychologique de 1 milliard. L’avantage des équipements à écran tactile, par rapport aux interfaces mécaniques classiques, est qu’ils permettent une interaction naturelle, intuitive et efficace avec le dispositif, où l’écran tactile assume un double rôle : de visualisation et d’interaction. L’emploi de boutons mécaniques est ainsi superflu, ce qui permet d’améliorer à la fois la taille de l’écran, le poids de l’appareil et le coût de production.

Bien que l’évolution des écrans tactiles ait été initialement liée à l’évolution des téléphones portables, la technologie tactile a récemment commencé à conquérir de nouveaux marchés et produits. En effet, nous sommes aujourd’hui les témoins de cette expansion, avec l’apparition de distributeurs automatiques de billets, panneaux d’informations, appareils photo-vidéo, télécommandes, et, très récemment, de montres à écran tactile.

Face à cette évolution fulgurante des écrans tactiles, la prestigieuse revue américaine The Atlantic publie dans son édition d’avril 2013 un article intitulé “La Génération TouchScreen” , où l’effet et la réception de cette technologie par les enfants sont analysés avec des arguments pour et contre. Même si, à ce jour, le débat n’est pas encore tranché, une chose est sûre : les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain et les technologies qu’ils découvrent maintenant seront les technologies qu’ils privilégieront plus tard. Dans cette optique, l’appétence des utilisateurs pour cette nouvelle technologie pousse aussi d’autres fabricants d’équipements électroniques à adopter les écrans tactiles dans leurs produits afin de rester compétitifs sur le marché. La spirale de la technologie tactile, fondée sur les principes de l’offre et de la demande, s’est ainsi installée . Pris dans cette spirale, les équipementiers aéronautiques et automobiles, doivent faire face à une double problématique en ce qui concerne l’installation des écrans tactiles à bord d’avions ou d’automobiles : s’assurer, d’une part, que cette nouvelle technologie ne gêne pas l’activité principale du pilote/conducteur, et d’autre part, qu’elle peut être utilisée pour améliorer la qualité de la sensation perçue et, par là même, le plaisir de l’utilisation.

Les problématiques soulevées par l’emploi de la technologie tactile dans les domaines de l’aéronautique et de l’automobile, sont au cœur d’un projet de recherche FUI, approuvé sous le nom MISAC . Le projet réunit les équipementiers VALEO, pour l’automobile, et THALES, pour l’aéronautique, avec deux P.M.E. du domaine des composants électriques, et trois laboratoires universitaires dans les domaines des sciences cognitives et du traitement de l’information.

Le point de départ de ce projet est l’idée que, dans ces domaines plus conservateurs, l’interaction avec les écrans tactiles peut être améliorée par l’ajout d’un retour vibratoire envoyé directement au doigt de l’utilisateur au moment du contact avec l’écran. Il est donc estimé que, dans un premier temps, cette nouvelle modalité contribuera à rendre l’utilisation des interfaces tactiles plus sûre et plus fiable, grâce à l’engagement actif du sens tactile dans le processus de perception. De plus, avec les progrès technologiques réalisés dans le domaine des composants électriques et actionneurs, des patterns vibratoires complexes, qui vont au delà de la simple “validation de l’action” pourront être créés. Cette deuxième contribution du projet vise essentiellement la satisfaction de l’utilisateur, en essayant de lui offrir une sensation multi-modale adaptée.

Dans les cinq dernières années, le marché des dispositifs tactiles a explosé, avec un nombre total d’appareils qui est passé de 167 millions en 2008 à 665 millions en 2011, et qui est estimé à plus de 1350 millions au-delà de 2014 (figure 2.1) [Lee 2011]. Le taux de croissance annuel moyen du marché des dispositifs tactiles reste aussi très élevé, et bien supérieur à celui des téléviseurs à écrans plats par exemple. Ces données statistiques indiquent sans aucun doute que le marché des dispositifs et interfaces tactiles est en pleine expansion. Même si cette expansion est essentiellement fondée sur l’évolution des smartphones ou des tablettes, qui représentent le principal vecteur de croissance, la technologie des interfaces tactiles a également été adoptée par d’autres dispositifs visant à faciliter l’interaction homme-machine. Par exemple, une bonne partie des distributeurs automatiques de billets ou boissons sont aujourd’hui commandés via des interfaces à écrans tactiles qui ont remplacé les boutons mécaniques. Bien que l’évolution des interfaces mécaniques en interfaces tactiles corresponde à une demande du marché et des consommateurs, elle est aussi très bénéfique pour les fabricants et équipementiers, car elle permet d’envisager de résoudre les problèmes techniques de l’appareil par une simple mise à jour logicielle. Par ailleurs, grâce à la virtualisation des concepts, l’aspect visuel d’une interface tactile, par exemple les couleurs ou les dimensions des différents boutons virtuels, peut aussi être facilement changé. L’industrie automobile ne fait pas exception à ce changement, puisque plusieurs fonctionnalités d’une automobile moderne ne sont plus contrôlées par des boutons mécaniques, mais plutôt par des écrans tactiles élégants embarqués à bord du véhicule [Kim 2014]. De plus, il est estimé que le marché des plates-formes pour l’info divertissement embarquées dans les cockpits de voitures devrait s’accroître de 12 % par an jusqu’en 2016 selon [MarketsAndMarkets 2012], ce qui indique que la technologie touch-screen est à la fois acceptée et demandée par les utilisateurs pour remplacer les interfaces mécaniques dans leur voiture.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Contexte : La génération touch-screen
1.2 Problématique et objectifs : Vers une interaction haptique
1.3 Organisation du document
2 Problématique des interfaces tactiles
2.1 Introduction
2.2 Évolutions des interfaces tactiles
2.3 Généralités sur le Feedback Vibratoire
2.3.1 Avantages de la rétroaction vibratoire
2.3.2 Discrimination tactile
2.3.3 Au-delà de l’haptique : la multimodalité
2.4 Psychophysique du Sens Tactile
2.4.1 Les mécanorécepteurs de la peau
2.4.2 Seuils de détection et effets de la fréquence
2.4.3 L’effet de l’amplitude et la loi de Stevens
2.4.4 Autres facteurs influant sur la perception tactile
2.4.5 La théorie des quatre canaux
2.4.6 Le canal de Pacini et l’intégration neuronale de stimuli temporels
2.4.7 Le canal Non-Pacini I et la vitesse du stimulus
2.4.8 Interaction inter-canaux
2.4.9 Synthèse sur le sens tactile
2.5 Analyse Temps-Fréquence de Signaux Vibrotactiles
2.5.1 La Transformée de Fourier à Court Terme
2.5.2 La Distribution de Wigner-Ville
2.5.3 Représentations Temps-Échelle
2.6 Aperçu des techniques de Computational Intelligence
2.6.1 Computational Intelligence et Soft Computing
2.6.2 Algorithmes génétiques
2.6.3 Réseaux de neurones artificiels
2.6.4 Généralités sur la logique floue
2.7 Conclusion
3 Caractérisation des Signaux Vibrotactiles
3.1 Introduction
3.2 Tâche d’évaluation de dissimilarité perceptuelle
3.2.1 Dispositif expérimental
3.2.2 Procédure expérimentale
3.2.3 Résultats
3.3 Mesures de l’accélération de la surface tactile
3.3.1 Motivation et contexte
3.3.2 Le signal d’accélération de la surface
3.3.3 Rapport signal-bruit pour les mesures d’accélération
3.4 Transformée en ondelettes continue
3.4.1 Motivation et présentation de la méthode
3.4.2 Le scalogramme
3.5 Quantification de l’activation du canal Pacinien
3.6 Quantification de l’activation du canal Non-Pacini I
3.7 Index de complexité du scalogramme
3.7.1 Définition
3.7.2 La divergence de Kullback-Leibler
3.8 Validation des variables caractéristiques
3.8.1 Procédure de comparaison
3.8.2 Résultats et discussions
3.8.3 Matrice de dissimilarité unifiée P–NP I
3.9 Tâche d’évaluation hédonique de signaux vibrotactiles
3.9.1 Dispositif expérimental – Le banc MISAC
3.9.2 Procédure expérimentale et confort global
3.10 Conclusion
4 Conclusion

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