Analyse descriptive de la maison de transition d’Enghien

Déjà en 1975, Michel FOUCAULT ne pointait que des critiques sur le fonctionnement carcéral. « Les prisons ne diminuent pas le taux de la criminalité : on peut bien les étendre, les multiplier ou les transformer, la quantité de crimes et de criminels reste stable, ou pis encore, augmente. » Il va même jusqu’à dire que la détention engendre la récidive. Ce point de vue est confirmé par une série d’études qui montrent que la prison n’a ni un effet dissuasif ni un effet de protection vis-à-vis de la société.

En Belgique, nous pouvons constater que depuis quelques années des mesures alternatives à la détention ont été mises en place dans le but de diminuer la surpopulation carcérale, réduire le risque de récidive et aboutir à une meilleure réinsertion. Malgré cela, comme le dit Monsieur V. SERON, nous vivons dans une société où la sévérité pénale s’accroît. Il y a une recrudescence du recours à l’incarcération, un alourdissement des peines prononcées ainsi qu’un changement des mentalités citoyennes. En date du 18 novembre 2016, le Conseil des Ministres accepte le Masterplan III , qui se rapporte aux prisons et à l’internement, que l’on appelle « Détention et internement dans des conditions humaines ». Le but de ce plan est selon le Gouvernement de diminuer la surpopulation carcérale et de permettre une meilleure adaptation des infrastructures pour amener à une meilleure réinsertion des détenus et leur donner accès à des alternatives à l’exécution classique des peines. Depuis le 1er septembre 2019 un nouveau chapitre a débuté celui des maisons de transition. Une nouvelle modalité d’exécution de la peine qui se situe au même niveau que la surveillance électronique, la libération conditionnelle et la détention limitée.

Notre travail va donc s’articuler autour de la maison de transition d’Enghien, sujet certes novateur dont le but va être d’en faire une analyse descriptive mais également de voir comment les différents intervenants perçoivent cette phase de transition. Cette maison porte-t-elle correctement son nom ? En effet, il faut savoir qu’au Canada et au Québec, le concept de maisons de transition est présent depuis les années 1950.

La maison de transition d’Enghien se situe dans un quartier résidentiel à l’extérieur de la ville, le long d’une chaussée. Elle est composée d’une coordinatrice, de cinq coachs de vie et de trois coachs de force.

Un peu d’histoire 

Au départ, les maisons de transition n’étaient pas intégrées dans le système pénal, il s’agissait de lieux d’accueil ou de refuge. A la fin du 18ème siècle, la naissance de la première maison de transition a lieu en Angleterre. Cette idée germe petit à petit pour arriver aux Etats-Unis dans la deuxième partie du 19ème siècle où elles ne perdurent pas car elles sont victimes de l’opinion publique, des autorités et de la crise.

Suite à la Seconde guerre mondiale, ce concept, en partie soutenu, par les autorités va réapparaître et se développer dans différents pays tels que l’Angleterre, l’Irlande, les Etats-Unis et le Canada. Leur objectif est de permettre une transition entre la vie carcérale des détenus et l’évolution de la société et ceci afin de leur permettre d’accéder à une vie libre, tout en ayant eu des contacts et des échanges avec la société extérieure. Tout cela afin de leur permettre de retrouver une autonomie ainsi qu’une indépendance ô combien importante. En étant insérés dans ce genre de structures, les détenus jouissent de plus de liberté et d’autonomie qu’en prison même si un règlement d’ordre intérieur est mis en place au sein de chaque maison. En effet, ce règlement est indispensable au bon fonctionnement de la maison bien qu’il puisse différer d’une maison à l’autre. Chacune de ces maisons de transition va être le reflet « des conceptions personnelles de la direction ou des fondateurs au sujet du traitement ». Pour Mc CARTT et MANGOGNA , il est impossible d’obtenir un canevas unique et simple de ces différentes structures car un grand nombre de facteurs peuvent influencer leur fonctionnement : « Les critères d’admission, la durée du stage, les buts du traitement, la population cible, les services offerts, la qualité et le nombre de membres du personnel, la localisation de l’immeuble… ». D’après CUDDINGTON et CHERRY , les maisons de transition ont une vision multifactorielle que ce soit aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni. Leur fonctionnement se base sur une approche cognitivocomportementale (les comportements criminels) mais également sur une vision plus spécifique de chaque situation en proposant à chaque individu un accompagnement dans leur démarche de logement ou de recherche d’emploi. Les maisons de transition vont tantôt se spécialiser dans des domaines spécifiques alors que d’autres vont rester dans des domaines très larges.

Ce concept a également vu le jour aux Pays-Bas depuis les années 1980, tandis que la première maison de transition dans notre pays a été inaugurée en septembre 2018 à Malines. Il est par ailleurs important de souligner que nous nous inspirons de leur fonctionnement puisqu’Exodus fait partie intégrante de notre projet pilote.

En Belgique 

Le placement en maison de transition est fixé dans notre législation par la loi du 11 juillet 2018. Le chapitre 10 de celle-ci ajoute à la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine , un nouveau chapitre nommé: « Chapitre IIbis. Le placement en maison de transition » .

Lors de la Conférence mise en place par la Vrije universiteit Brussel en date du 10 avril 2019 , Koen GEENS, ancien ministre de la justice insiste sur l’importance de la détention à petite échelle. En effet, celle-ci doit amener à une approche plus individualisée. La détention des personnes condamnées aurait pour objectif d’être tournée vers le futur à savoir le retour dans la société libre. Elle ne se baserait plus comme ce fût le cas jusqu’ici sur leur passé et les faits qu’ils auraient commis. Ces derniers ne seraient d’ailleurs pas pris en compte lors de leur entrée dans une maison. En effet, le travail mis en place se baserait sur leurs besoins et non plus sur la commission des faits. Dans le MasterplanIII, il est également explicité : « Un profil qui nécessite une incarcération dans un établissement de haute sécurité ne se retrouve pas chez tout détenu. En outre, une plainte souvent entendue est que la transition de la prison vers le monde extérieur se fait trop brusquement. Les détenus sont insuffisamment préparés dans divers domaines avec toutes les conséquences possibles, et non des moindres le risque de récidive. Aussi, il est proposé de lancer un projet relatif à des maisons de transition, un concept qui peut contribuer à la réintégration et à la réduction du récidivisme. » . Plusieurs directeurs interrogés ainsi que des assistantes sociales confirment les dires affirmant que tout détenu ne mérite pas une incarcération . Cela corrobore également le discours de Monsieur V.SERON qui pose que la société dans laquelle nous vivons actuellement va avoir tendance à alourdir une peine. Il ajoute qu’une insécurité économique va également avoir une influence sur notre population carcérale.

HANS CLAUS, directeur de la prison d’Audenaarde l’a bien compris. Pour lui, lorsque la détention est la seule solution, elle devrait se mettre en place dans des petites structures où la préoccupation principale serait la resocialisation de la personne. C’est d’ailleurs le programme de l’association « De Huizen-Les Maisons » qu’il a créé en septembre 2012 suite à un projet appelé « exécution différenciée de la peine.» .

Table des matières

1) Introduction
2) Partie théorique
2.1) Un peu d’histoire
2.2) En Belgique
2.3) Le projet « De Huizen- les Maisons »
2.3.1) L’organisation en maison de détention
a) La détention à petite échelle
b) L’individualisation
c) La proximité
2.3.2) L’extension du filet pénal
2.4) La maison de transition d’Enghien
2.4.1) Qu’est-ce qu’une maison de transition ?
2.4.2) Les conditions d’accès
2.4.3) La procédure pour y accéder
2.4.4) L’organisation en maison de transition
a) L’axe des forces
b) L’axe de la réparation
c) L’axe de la collectivité
d) Les visites
e) Technologie
2.5) G4S et Exodus
3) Méthodologie
1) Type de recherche
2) Type de données
3) Technique d’échantillonnage et description de l’échantillon
4) Collecte de données
4) Résultats
4.1) Résultats issus des rencontres avec les intervenants de la maison de transition
4.1.1) Partie 1
4.1.2) Partie 2
4.1.3) Partie 3
4.2) Résultats issus des rencontres avec les assistantes sociales du SPS et les directeurs de prison 20
4.2.1) Partie 1
4.2.2) Partie 2
4.2.3) Partie 3
5) Discussion
5.1) Forces et limites
5.2) Implications futures de l’étude
6) CONCLUSION

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