ANALYSE MECANIQUE D’UNE PIECE FISSUREE

ANALYSE MECANIQUE D’UNE PIECE FISSUREE

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté le code FORGE2 Multimatériaux, et plus particulièrement son mailleur et remailleur automatique. Les développements numériques ainsi introduits permettent de gérer plusieurs contours et plusieurs sous-domaines. Ces développements sont très utiles pour la modélisation de structures multimatériaux en grandes déformations. La mécanique de la rupture constitue également un axe de recherche important, et très sollicitant d’un point de vue numérique. Plusieurs auteurs ont essayé, depuis longtemps, de caractériser avec précision les champs mécaniques en pointe de fissure et de modéliser numériquement la propagation de telles fissures. Si notre connaissance théorique en mécanique de la rupture est maintenant assez étendue, les outils numériques permettant de la modéliser peuvent encore progresser. En effet, les importantes variations dans les champs mécaniques à la pointe d’une fissure nécessitent une modélisation fine et bien contrôlée du maillage dans son voisinage. Nous proposons ici d’apporter une contribution à la modélisation numérique de pièces fissurées en utilisant les techniques de gestion de plusieurs contours proposées dans le chapitre I. Puis, dans le chapitre suivant, nous poursuivrons notre étude par la modélisation de la propagation d’une ou de plusieurs fissures dans des pièces homogènes ou multimatériaux. Nous commencerons donc par présenter une étude bibliographique sur la modélisation numérique en mécanique de la rupture, en insistant sur les hypothèses nécessaires à une telle étude. La deuxième partie sera consacrée aux outils numériques nécessaires à une modélisation précise d’une fissure et des singularités qu’elle engendre dans les champs mécaniques. Une fois ces outils mis en place, nous nous attacherons, dans la troisième partie, à calculer le taux de restitution d’énergie. Nous comparerons les résultats obtenus par différentes méthodes et nous effectuerons une étude de sensibilité par rapport à la finesse du maillage en pointe de fissure. Enfin, la quatrième partie sera consacrée à l’étude de la ténacité d’un assemblage collé. Nous verrons l’intérêt de la modélisation numérique par rapport à des résultats expérimentaux et analytiques pour cette étude.

ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la mise en forme des métaux durant les trois derniers siècles, le fer et l’acier ont progressivement remplacé le bois et le ciment comme matériaux structuraux de base. Malgré leurs hautes caractéristiques, les structures réalisées à partir de ces matériaux ont connu des accidents importants dès le milieu du 19ème siècle. L’origine de ces accidents était la rupture inattendue de composants critiques de ces structures. L’un des premiers incidents enregistré sur une structure importante fut la rupture d’une chaîne du pont suspendu Montrose en Mars 1830 en Grande Bretagne. Depuis, il y a eu un nombre important d’effondrements de ponts, dont le King’s Bridge à Melbourne (1962) ou encore le Point Pleasant Bridge en Virginie (1967). Les accidents ferroviaires dus à une rupture brutale des essieux, des roues ou encore des rails ont également été très nombreux. Entre 1860 et 1870, le nombre de personnes victimes d’accidents de train en Grande Bretagne s’élevait environ à 200 par an. De nombreux accidents intervinrent également sur des pipelines, des pétroliers, ou encore sur des avions. En 1950, 2 avions Comet se sont brisés à haute altitude à cause d’un problème de rupture par fatigue sur les trous des rivets près des hublots, lesquels étaient de forme carrée ! Ces risques d’accidents étaient d’autant plus grand que l’utilisation d’alliages à hautes caractéristiques mécaniques (ténacité, rigidité…), permettant la réalisation de structures de plus en plus complexes et sollicitées, a énormément augmenté. En fait, les estimations de tenue des structures, fondées sur les caractéristiques mécaniques classiques, ne tenaient pas compte de la ténacité des matériaux en conditions réelles de service, et les chercheurs étaient alors incapables d’expliquer le phénomène de rupture brusque sous des sollicitations bien inférieures à celles de la limite d’élasticité. Si Griffith est souvent cité comme le premier chercheur à avoir introduit la mécanique de la rupture (en tant que science), ces travaux restent basés sur des études antérieures. On peut notamment citer l’article de Wieghardt, paru en 1907 et récemment traduit en anglais [Wieghardt 1995], dans lequel l’existence de la singularité du champ des contraintes en pointe de fissure dans un matériau élastique linéaire fut reconnue. A partir de ces résultats, Griffith [Griffith 1920] s’est intéressé en 1920 au problème de la rupture, dans un milieu élastique fissuré, d’un point de vue énergétique. Il a ainsi mis en évidence une variable (appelée plus tard taux de restitution d’énergie) caractérisant la rupture, et dont la valeur critique est une caractéristique du matériau. Vinrent ensuite les premiers développements théoriques d’analyse des champs de contraintes et de déformations au voisinage d’une fissure en élasticité. Ces études, menées notamment par Sneddon en 1946 [Sneddon 1946], puis Irwin [Irwin 1957] en 1957, ont permis de définir les facteurs d’intensité de contraintes, caractérisant l’état de sollicitation de la région dans laquelle la rupture se produit.

 

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