Appréhension de la R&D industrielle par la technologie et le progrès technique

Parmi les modèles qui expliquent l’IDE dans la R&D, il existe ceux là qui tentent de capter le phénomène sans tenir compte en amont d’un lien éventuel qui existerait entre les IDE pour la production et les IDE pour la R&D.

Ces modèles expliquent le plus souvent les déterminants de l’internationalisation de la R&D, c’est le cas du travail que proposent Patel et Vega(1999) dans lequel les deux auteurs se basent sur l’avantage technologique révélé pour classifier les types de R&D et déterminer les différents pays correspondant à tel ou tel type de R&D. Dans cette même lignée se classe le travail de Kummerle (1999) qui définit le rôle des activités internationales de R&D sous la forme de home-based-exploiting et de home-based-augmenting. Nous rencontrons aussi dans la même suite le travail qu’ont proposé Hirschey et Caves(1981) qui est essentiellement basé sur une perspective d’optimisation des rendements de la R&D. Selon les auteurs, les entreprises sont appelées à balancer entre les forces centripètes et les forces centrifuges, les raisons d’efficacité et les économies d’échelles sont donc avancées parmi les forces qui doivent canaliser la prise de décision sur l’internationalisation de la R&D.

Par ailleurs, il existe des modèles issues d’une continuité ou d’une évolution qui prennent en considération le fait que l’internationalisation de la R&D pourrait être en rapport avec l’internationalisation des activités de production.

A cet effet, Lall (1979) a émis l’hypothèse des liens entre les activités des multinationales. L’auteur montre que c’est « la nature des liens inter-fonctionnels» entre la R&D et les autres services principaux de l’entreprise qui détermine la nécessité d’internationaliser les activités de R&D. Autrement dit, la solidité du lien entre le service de R&D et une autre fonction de l’entreprise détermine le besoin d’internationaliser la recherche à la suite des fonctions déjà parties. Auparavant, le cycle de vie du produit modèle évolutif de l’internationalisation des activités aurait pu de la même manière expliquer l’internationalisation des activités jusqu’à la R&D. Sauf que pour Vernon, cette activité constitue le cœur stratégique de la multinationale, et donc, celle-ci devrait garder son contrôle à l’intérieur de la firme mère. Le paradigme OLI revu et complété par son auteur a pu lui aussi estimer les déterminants de la R&D. Le problème avec OLI, est son manque de dynamisme, raison pour laquelle probablement dans sa conception première, il ne fait pas allusion aux IDE dans le domaine de la R&D. C’est dans un autre article que Dunning et Narula(1995) présentent les déterminants de l’internationalisation de la R&D, dont l’une des hypothèses testées est celle de la complémentarité entre les IDE de production et ceux de la R&D. Pour cette raison, les auteurs testent que le degré d’internationalisation de la production expliquerait la décision de l’internationalisation de la R&D. De ce travail, il ressort qu’à travers les stratégies d’internationalisation de la R&D, ces activités sont soit strategic-asset seeking, soit strategic-asset-exploiting, tout comme les IDE dans les activités de production. C’est probablement la première tentative du paradigme OLI d’évoquer la possible continuité entre IDE pour la production et IDE pour la R&D.

Un travail un peu moins récent que celui de Dunning et Narula(1995), mais qui tout comme les deux précédents auteurs tentent d’expliquer les déterminants des IDE dans la R&D est celui de Hewitt(1980). A la différence que pour Hewitt(1980) il s’agissait d’expliquer l’internationalisation de la R&D des multinationales des Etats Unis vers d’autres pays, donc autrement dit, il s’agit d’une étude de cas spécifique. Le modèle qui est appliqué à cet effet est une continuité du travail proposé par Stopford Wells(1972) « the international structural stage model » dont le mérite est d’avoir pu représenter dans un concept évolutif, à la fois les structures d’installation qu’adoptent les multinationales mais aussi les stratégies que celles-ci adoptent. Ainsi Hewitt(1980) va montrer que selon que la structure internationale de la firme multinationale varie (filiale autonome, division internationale, division géographique, division par produit), les activités de R&D vont être associées à ces formes structurelles. Le problème dans cette conception néanmoins est sur le fait qu’on ignore exactement où va se situer la R&D et pourquoi. Chaque forme structurelle regroupe un ensemble de filiales situées dans différentes localisations. A laquelle de ces filiales peut être confiée la R&D ? Le modèle manque de précision sur ce point. Toutefois, la proposition du concept évolutif de Hewitt(1980) est montrée comme un début de réponse à l’explication du comportement de la multinationale. L’auteur tient compte dans son élaboration de l’intensité technologique des secteurs, il suppose donc les secteurs intenses en technologie et les secteurs intenses en dépenses publicitaires (marketing-intensive) donc à intensité de R&D plus modeste. Dans les secteurs intenses en technologie, l’association d’une activité de R&D est plus probable à toutes les formes structurelles que dans les secteurs intenses en dépenses publicitaires. Le premier enseignement de ce modèle est donc que les secteurs les plus susceptibles d’internationaliser la R&D sont bien ceux à forte intensité technologique. A la question donc qu’est ce qui explique ce comportement de la multinationale, Hewitt(1980) souligne surtout dans ses conclusions la place importante des stratégies que poursuit la multinationale, mais il ressort aussi l’existence d’une complémentarité entre la production et les activités de R&D (signe positif et la significativité de la variable XUSI-US export intensity, qui est le rapport entre les exportations des filiales vers les Etats Unis et le total des ventes des filiales). Jusqu’à ces quelques travaux, l’activité de R&D était considérée comme confinée au sein de la triade formée par les pays développés (Etats Unis, Japon, Union Européenne). Mais aujourd’hui avec l’extension des réseaux internationaux de production vers les pays émergents, des questions autrefois posées uniquement pour le cas de la triade commencent à prendre place au sein des pays émergents.

Les raisons qui peuvent expliquer le comportement des multinationales dans leur décision et les conduire à transférer les activités de création de technologie sont multiples. Thévenot(2007) les regroupe en trois principales catégories : apprentissage ou augmentation du stock de connaissances, conquête de nouveaux marchés ou exploitation des stocks existants, et accès à des coûts plus faibles. L’ordre dans lequel ces motivations apparaissent n’est pas du tout anodin, car elles sont présentées par ordre décroissant de préférence de la plus importante vers la moindre. En ce qui concerne notre travail, nous prenons essentiellement en compte l’ensemble des variables liées aux deux premières motivations parce qu’elles sont celles liées à la prise de décision par la multinationale et plus susceptible d’influencer sa décision concernant l’internationalisation de la R&D.

Table des matières

Introduction générale
Section 1 : l’intégration de l’activité de R&D au sein de la firme et ses liens avec l’innovation et la technologie
1-1 L’origine et l’organisation des activités de R&D
1-2 Rôle et importance de la R&D pour l’économie
1-2-1 R&D et la Compétition pour l’innovation
1-2-2 Points de vue théoriques de la compétition à l’innovation et la R&D
1-2-3 Stratégies de compétition à l’innovation et conséquences sur la R&D industrielle
1-3 La relation entre l’innovation et la R&D, déduction sur la base du modèle de persistance à l’innovation
1-4 Stratégie de persistance à l’innovation industrielle et les résultats des activités de R&D
Section 2 : Appréhension de la R&D industrielle par la technologie et le progrès technique
2-1 Revue de l’histoire économique sur la place du progrès technique dans la production
2-2 La composition du résidu et l’identification de la R&D
2-2-1 La place de la R&D et le concept de technologie d’après les théories néoclassiques
2-2-2 La place de la R&D et le concept de technologie d’après la théorie évolutionniste
2-3 La Détermination de la relation R&D et la technologie
2-4 Détermination de la relation R&D et technologie sur la base du modèle de Tassey 2005
Section 3 : La technologie comme facteur de production pour lever le doute sur la nature de la R&D en tant qu’investissement au même titre que celui dans le capital physique
3-1 L’émergence de l’économie de la connaissance et la croissance des investissements de R&D
3-1-1 L’abrègement du cycle de vie du produit
3-2 Compréhension de l’internationalisation des activités de R&D
3-2-1 Définition de la technologie comme facteur de production
1- La mesure de la contribution de la technologie
2- L’obsolescence de la technologie à travers le taux de dépréciation des investissements de R&D
3- Le renouvellement de la technologie
Conclusion générale

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