APPRÉHENSION ET APPRENTISSAGE DE LA CONCEPTION MÉCANIQUE

APPRÉHENSION ET APPRENTISSAGE DE LA CONCEPTION MÉCANIQUE

Ce chapitre de notre étude présente la conception mécanique sous l’angle de la sémantique qu’elle peut receler, des modèles théoriques ayant servi de soubassement à l’analyse d’une telle activité, ainsi que du sens donné à l’apprentissage de la conception et des pratiques qui y ont cours. L’évolution de la théorisation de la conception y est mise en relief avec les modèles essentiels qui l’ont marquée. De manière spécifique, en conception mécanique, l’activité se résume en une transformation partant d’un besoin vers une description complète d’un système technique (Hubka & Eder, 1982), en une activité de prise de décision créative visant à spécifier des dispositifs physiques répondant à un besoin exprimé (D. G. Ullman & Dietterich, 1987), en une synthèse d’un objet ayant des propriétés désirées (Brown & Chandrasekaran, 1989), en une activité contrainte de prise de décision, d’exploration et d’apprentissage (Gero, 1996), ou en une description détaillée d’un artefact à fabriquer (Cross, 2008).  Nous retiendrons la synthèse qui suit et pour laquelle la conception mécanique peut être appréhendée comme étant le processus partant d’idées initiales vers la description ou la représentation univoque, en vue de sa réalisation, d’un système matériel dont la morphologie et la structure répondent à une fonctionnalité bien définie. Les idées naissent généralement de l’expression ou de l’identification de besoins que les fonctions du produit conçu devront justement satisfaire (French, 1985 ; Pahl, Beitz, Feldhusen, & Grote, 2007 ; D. G. Ullman, 2010). Cette activité de conception de système matériel est distinguée de celle de fabrication de ce dernier, elle conduit à une représentation  D’autres définitions de la conception mécanique ont cours, avec des nuances plus ou moins importantes, au sein d’organisations d’assurance qualité de dimension mondiale regroupant des professionnels du domaine et chargées d’accréditer les formations d’ingénieurs. Il s’agit de celles auxquelles se réfèrent le réseau Européen pour l’accréditation des formations d’ingénieurs (European Network for Accreditation of Engineering Education – ENAEE) et le bureau Américain d’accréditation pour l’ingénierie et la technologie (Accreditation Board for Engineering and Technology – ABET).

“The Accreditation Board for Engineering and Technology (ABET) defines engineering design as the process of devising a system, component, or process to meet desired needs. It is a decision-making process (often iterative), in which the basic science and mathematics and engineering sciences are applied to convert resources optimally to meet a stated objective. Among the fundamental elements of the design process are the establishment of objectives and criteria, synthesis, analysis, construction, testing, and evaluation.” (Ugural, 2015, p. 5) L’activité de conception se caractérise ainsi par un phasage. Ce dernier est constitué d’étapes telles que la clarification de la tâche, la génération des concepts, la conception morphologique et structurelle et la conception détaillée. Ces étapes sont inter reliées dans un processus dynamique et itératif fait d’actions relevant de l’analyse, de la synthèse et de l’évaluation (Cross, 2008 ; Pahl et al., 2007).  Les définitions qui précédent, issues d’organisations internationales, ne sont pas en désaccord ou en contradiction car l’ABET est membre de l’IEA. Elles reprennent des éléments de caractérisation du processus de conception précédemment introduits (French, 1985), avec la survenue d’un besoin comme élément générateur et la définition complète des caractéristiques en vue de la réalisation, comme finalité. Il convient toutefois de distinguer les formes essentielles de tâches de conception : celles dites routinières de celles non routinières. Les tâches de conception non routinières peuvent être soit innovantes, soit créatives (Brown & Chandrasekaran, 1989). Il est également fait usage d’une taxonomie distinguant les activités de conception de refonte ou redesign de celles originales (D. G. Ullman, 2010).

Il est opportun de remarquer que le concept de redesign peut aussi bien renvoyer à une activité routinière qu’à une activité innovante tandis que la conception originale renvoie à l’activité créative (voir figure 1-1). D’un autre point de vue, le concept de conception réglée qui renvoie à la prédominance dans l’activité, d’une démarche systématique reposant sur la connaissance et la maîtrise des paramètres de conception, est mis en opposition avec le concept de conception créative qui par essence postule une activité non prévisible et non programmable avec des paramètres de conception dynamiques, partiellement ou pas du tout maîtrisés (Le Masson, Weil, & Hatchuel, 2017). Une typologie largement partagée distingue deux grandes familles de modèles en ce qui concerne la théorisation de la conception : les modèles descriptifs et les modèles prescriptifs (Andreasen, Hansen, & Cash, 2015 ; Blessing & Chakrabarti, 2009 ; Cross, 2000 ; Evbuomwan, Sivaloganathan, & Jebb, 1996 ; Visser, 2004 ; Visser, Darses, & Détienne, 2004), bien qu’une troisième catégorie comprenant les modèles informatiques ait été introduite (Finger & Dixon, 1989). Une classification plus récente conduit à la prise en compte de deux dimensions que sont la portée du modèle et le type de modèle (Wynn & Clarkson, 2018).

 

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