Approche théorique de la remédiatisation et de l’éditorialisation

Approche théorique de la remédiatisation et de l’éditorialisation

En tant que média informatisé, le livre augmenté revisite et renouvelle les formes médiatiques précédentes, selon la théorie de la remédiatisation. Il propose une nouvelle expérience de lecture et suggère de nouvelles pratiques éditoriales que nous exposerons sous la notion d’éditorialisation. Nous avons pratiqué la remédiatisation et l’éditorialisation dans le cadre de nos missions à la Bibliothèque nationale de France, en tant qu’éditeur-concepteur multimédia (cf. annexes 2.). La recherche-action, nous l’avons dit, est une forme de recherche spécifique effectuée par des praticiens à partir de leur propre pratique appréhendée comme objet et lieu de production de connaissance. Cette méthode nous permet de développer une approche théorico-pratique de la remédiatisation et de l’éditorialisation, en articulant pratique et discours théorique. Aussi allons-nous discuter les concepts, puis montrer comment nous les avons mis en œuvre dans une pratique professionnelle qui prélude à notre objet d’étude, le livre-application Candide. Nous exposerons ensuite le contexte éditorial et médiatique de Candide, depuis l’établissement du texte par Voltaire jusqu’à notre édition enrichie, laquelle vient s’inscrire dans un continuum de remédiatisations du conte. représentation, l’appropriation et la transformation d’un média dans un autre, caractéristique déterminante des nouveaux médias numériques.

« We call the representation of one medium in another remediation, and we will argue that remediation is a defining characteristic of the new digital media. What might seem at first to be an esoteric pratice is so widespread that we can identify a spectrum of different ways in which digital media remediate their predecessors, a spectrum depending on the degree of « Nous appelons la représentation d’un média dans une autre remédiatisation, et nous soutenons que cette remédiatisation est une caractéristique déterminante des nouveaux médias numériques. Ce qui pourrait sembler d’abord être une pratique ésotérique est tellement répandu que nous pouvons identifier un spectre de différentes manières dont les médias numériques remédiatisent leurs prédécesseurs, un spectre selon le degré de concurrence ou de rivalité perçues entre les nouveaux médias et l’ancien. »  L’acte de remédiatisation emprunte les codes d’un premier média pour les insérer dans un second. L’ancien média se trouve reconfiguré (refashion) par le nouveau dans un processus qui oscille entre fidélité, compétition et rivalité. Il répond à une double logique de d’immédiateté « transparente » (immediacy) et d’hypermédialité (hypermediacy) : medium ». 191 (Bolter et Grusin, 1999 : 272-273) La logique d’immédiateté (transparence) cherche à faire disparaître le médium en créant un espace unifié qui favorise l’immersion et l’accès direct au réel. C’est le cas des interfaces graphiques qui cherchent à s’effacer pour offrir une relation plus immédiate aux contenus.

Elles veulent paraître plus naturelles, plus intuitives, par des analogies avec des objets du monde réel. Le désir de transparence s’exprime tout particulièrement dans les médias audiovisuels, cinéma ou télévision, mais aussi dans l’aspect réaliste des images qui s’affichent sur le web ou sur nos téléphones. Le casque de réalité virtuelle est emblématique des stratégies d’immediacy. L’effacement du médium pose le problème de prendre la représentation pour la réalité. Bien entendu, la transparence est une illusion : tous les médias comprennent une part d’opacité, notamment technique, qu’il s’agit d’appréhender. Au contraire, la logique d’hypermédialité cherche à rendre les médias présents pour les faire apprécier. Elle crée un espace fragmenté où s’exprime la multiplicité des représentations et des signes de médiation. Ainsi des fenêtres multiples du web qui ouvrent sur des contenus hétérogènes. Cela crée une distanciation avec la réalité qui est donnée à voir à travers différents médias, lesquels s’affirment en tant que tels et diversifient les représentations. Ces deux logiques coexistent, l’une conduisant à l’autre : les nouveaux médias oscillent entre immediacy et hypermediacy, entre transparence et opacité, entre immersion et distanciation. « Like other media since the Renaissance – in particular, perspective painting, photography, film and television – new digital media oscilate between immediacy and hypermediacy, between transparency and opacity. This oscillation is the key to understanding how a medium refashions its predecessors and other contemporary media.

Although each medium promises to reform its predecessors by offering a more immediate or authentic experience, Bolter et Grusin s’inscrivent dans une généalogie des médias considérés comme des formes modulables en transformation. Le concept clé est celui de « reconfiguration » (refashionning), d’abord caractérisé par la reprise, la répétition, la trace, implicite ou explicite, de l’ancien média dans le nouveau. Cette théorie est issue de la thèse de Marshall McLuhan (1964) selon laquelle chaque nouveau média se déploie en imitant les formes de celui auquel il succède. Ainsi l’évolution des médias est-elle pensée moins en termes de rupture que de continuité. Si l’émergence d’un nouveau média est, selon les auteurs, toujours issue d’un média antérieur, dont certains aspects et usages se trouvent modifiés, la remédiatisation peut également fonctionner dans l’autre sens et conduire à une transformation de la forme prise par les médias existants. Pour Bolter et Grusin, le désir de transparence marque l’évolution des médias qui se manifeste par une rivalité intermédiale, chaque nouveau média cherchant à améliorer notre accès au réel en produisant de nouvelles représentations du monde.

 

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