Bétons Autoplaçants : Formulation & Caractérisation

De nos jours, le béton est le « produit » de centrales et le « matériau de construction» utilisé par excellence par la majorité des entreprises de réalisation. Sa composition devient spécifiquement adaptée à la problématique de chaque ouvrage, que ce soit en terme de fluidité pour la mise en place, ou en terme de comportement mécanique pour supporter diverses sollicitations ou encore en terme de durabilité pour résister aux environnements agressifs. Ajoutées à ces performances, d’autres exigences afférentes à la construction moderne comme l’esthétique, la réduction des nuisances sur les chantiers, la remise en service rapide et aussi le développement durable.

L’arrivée du béton autoplaçant a marqué une nouvelle étape dans l’histoire du matériau béton. Ce béton innovant dans le domaine de la construction civile, bâtiment et travaux publics, apporte de « nouvelles » réponses et présente plusieurs intérêts d’ordre techniques (pompabilité, mise en œuvre gravitaire) et socio-économiques (réduction de la pénibilité au travail, gain des ressources). La réflexion sur la nécessité de fabriquer des bétons autoplaçants (BAP) est attribuée aux japonais, pour améliorer la pérennité des structures en béton qui était souvent remise en question, en raison d’un serrage non conforme aux règles de l’art à cause de l’absence de main d’œuvre qualifiée dans les techniques de vibration de béton, pour des éléments à haute densité de ferraillage (Okamura, 1997). La norme NF EN 206-9 définit le béton autoplaçant comme un « béton qui s’écoule et se compacte par seul effet gravitaire, capable de remplir le coffrage avec son ferraillage, ses gaines, réservations, etc., tout en conservant son homogénéité ». Ces bétons dits « spéciaux», sont donc très fluides, et se mettent en place sans apport de moyen de serrage interne ou externe, même dans des coffrages à densité d’armatures élevée. En plus, les BAP ont ouvert la voie par leur fluidité, à un autre registre relatif à la qualité ornementale des parements.

Des avantages environnementaux peuvent aussi être associés comme la substitution du ciment par des additions minérales, à l’exemple des fillers calcaires ou encore par les déchets industriels récupérés comme les cendres volantes, ayant pour intérêt de réduire l’utilisation du ciment, dont la production est énergivore et dégage de grandes quantités de CO2.

La fluidité qui représente le principal avantage des BAP est également son plus grand inconvénient car la dispersion des particules les plus fines (liant) par un superplastifiant peut conduire à une matrice tellement fluide qu’elle peut se séparer des inclusions granulaires les plus grosses (agrégats). C’est la raison pour laquelle ces bétons ne peuvent être qualifiés d’autoplaçants, que si le matériau possède à l’état frais, les deux propriétés complètement contradictoires : la fluidité et l’homogénéité.

Composition des BAP :
Les BAP se distinguent principalement des bétons ordinaires (BO) par un dosage en éléments fins plus élevé et donc un volume de pâte plus important et par conséquent un volume de gravillon plus faible. En général, les BAP possèdent un même dosage en ciment et en eau que les BO, et un volume de sable assez proche. C’est essentiellement l’ajout d’addition minérale qui sert de substitut aux gravillons .

Ainsi, le volume et la dimension maximale (Dmax) des gravillons doivent être réduits pour permettre une meilleure lubrification du système et un enrobage correct et suffisant des granulats par le mortier, ce qui permet d’éviter les phénomènes de blocage (Diederich, 2010). Le volume de la pâte doit en conséquence être optimisé par l’utilisation des additions minérales qui offrent au béton un volume de fines élevé tout en limitant les effets négatifs d’un dosage trop important de ciment. Cependant, il est primordial d’utiliser un défloculant (adjuvant de type superplastifiant) au BAP afin de garantir la fluidité recherchée. D’autres composants chimiques tels que les agents colloïdaux, dits de viscosité, peuvent aussi être introduits afin d’éviter les problèmes de ségrégation et de ressuage, et d’assurer donc une meilleure stabilité au béton.

Formulation des BAP :
Si les méthodes existantes pour la formulation des bétons traditionnels reposent sur l’optimisation de la compacité, en suggérant pour certains de mesurer les compacités intrinsèques des constituants, ou pour d’autres, de s’approcher d’une courbe de référence, supposée donner au mélange des matériaux granulaires utilisés, la compacité maximale (de Larrard, 1999), les méthodes développées jusqu’à ce jour pour la formulation des BAP varient largement avec la méthodologie préconisée. La formulation des bétons autoplaçants passe généralement par le choix des classes granulaires et du volume des agrégats, le volume de la pâte et la composition de la pâte responsable de la rhéologie du mélange.

Shi et al. (2015) ont relevé que les démarches existantes pour la formulation des BAP peuvent être classifiées en cinq catégories où l’approche se base sur :
• l’expérience,
• la résistance mécanique,
• l’empilement granulaire,
• l’analyse statistique,
• la rhéologie.

Méthodes basées sur l’expérience :
Ces méthodes reposent sur la connaissance des ordres de grandeurs des dosages des constituants recommandés. La démarche consiste à déterminer les proportions du mélange initial du BAP, et de les ajuster en passant par la réalisation d’essais d’étude. Okamura et al. (1995) furent les premiers à proposer une méthode de formulation des BAP en se basant sur des expériences. Cette méthode consiste à privilégier le volume de la pâte au détriment des granulats. Elle consiste d’abord à fixer le volume de gravier à 50% du volume du béton et celui du sable à 40% du volume du mortier. Le rapport volumique E/L est fixé entre 0,9 et 1,0 selon les propriétés de la poudre. Enfin, le dosage en superplastifiant et le rapport final E/L sont ajustés jusqu’à l’obtention d’un BAP qui répond aux exigences recherchés. Cette méthode de formulation présente l’intérêt de sa simplicité et reste très sécuritaire, c’est-à-dire que le volume de gravillon est sous-estimé afin de garantir l’absence de tout blocage. Par ailleurs, le volume de la pâte devient très important, ce qui amène aussi à utiliser un dosage élevé en superplastifiants ; ce qui rend la démarche loin d’être économique et peut conduire à des risques accrus de déformations différées. Un autre inconvénient de cette méthode se résume dans le fait qu’elle ne considère pas le confinement réel du béton dans la structure, qui reste le paramètre principal devant piloter le dosage en gravillon. En 2003, Edamatsu et al. ont amélioré la méthode en fixant toujours le volume de gravier à 50% du volume du solide et en déterminant expérimentalement le dosage du sable par des essais d’écoulement au V-Funnel et le rapport volumétrique E/L ainsi que le dosage des superplastifiants par des essais d’étalement au mini-cône et d’écoulement au V Funnel sur mortiers. Comparée à l’approche d’Okamura, cette méthode peut être plus efficace sur des liants et des agrégats de différentes qualités. Cependant, davantage de travail est exigé pour caractériser les propriétés des matériaux utilisés notamment la compatibilité entre les liants et les adjuvants. En 2009, Domone et al. ont également proposé une autre méthode basée sur l’expérience appelée la méthode « UCL ». Les auteurs fixent le dosage initial des gravillons  en fonction des propriétés du béton recherchés, alors que le volume du sable est considéré à 45% du volume du mortier.

En 2014, Khaleel et al. ont proposé une autre méthode de formulation des BAP en substituant partiellement le ciment par le métakaolin. La démarche passe par une optimisation multi-échelle: l’optimisation de la composition de la pâte, du mortier et à la fin du béton. L’optimisation de la pâte inclut la détermination du rapport E/C et du dosage de saturation des superplastifiants. Le volume du sable est déterminé à partir d’essais sur mortiers selon des critères de fluidité et de résistance. Les essais sur des mortiers intègrent aussi l’étude de la substitution partielle du ciment par des métakaolins. Enfin, la teneur des graviers a été ajustée dans le mélange final pour obtenir les meilleures performances rhéologiques et mécaniques.

Table des matières

Introduction Générale
Chapitre 1 : Etat des connaissances sur la rhéologie et la rhéométrie des bétons
I. Introduction
II. La rhéologie
II.1. La contrainte de cisaillement
II.2. Le taux de cisaillement
II.3. La viscosité
II.4. Le seuil de cisaillement
II.5. La thixotropie
III. Modèles mathématiques appliqués au comportement de l’écoulement des bétons.. 12
IV. Rhéométrie des bétons
IV.1. Rhéomètres à bétons
IV.2. Comparaison entre les différents rhéomètres
IV.3. Effets perturbateurs dans les rhéomètres à béton
IV.3.1. Le glissement aux parois
IV.3.2. La fracturation
IV.3.3. La sédimentation
IV.3.4. La migration
IV.3.5. L’évaporation
IV.3.6 Influence de la pâle
IV.3.7. Influence du profil de vitesse
V. Equations dérivées pour rhéomètres coaxiaux
V.1. Comportement linéaire de Bingham
V.1.1. Approche Reiner – Riwlin
V.1.2. Approche d’Estellé et Lanos
V.2. Comportement non linéaire
V.2.1. Modèle Herschel Bulkley
V.2.2. Modèle de Bingham modifié
VI. Conclusion
Chapitre 2 : Bétons Autoplaçants : Formulation & Caractérisation
I. Introduction
II. Composition des BAP
III. Formulation des BAP
III.1. Méthodes basées sur l’expérience
III.2. Méthodes basées sur la résistance mécanique
III.3. Méthodes Basées sur l’empilement granulaire
III.4. Méthodes Basées sur l’analyse statistique
III.5. Méthodes basées sur la rhéologie
IV. Caractérisation des BAP à l’état frais
V. Corrélation entre grandeurs expérimentales et paramètres rhéologiques des BAP
VI. Conclusion
Chapitre 3 : Paramètres influençant la rhéologie des BAP
I. Introduction
II. Influence des composants du béton
II.1. Influence du ciment
II.2. Influence des additions minérales
II.2.1. Influence des fillers calcaires
II.2.2. Influence des pouzzolanes naturelles
II.2.3. Influence des cendres volantes
II.2.4. Influence des laitiers de haut fourneau
II.2.5. Influence de la fumée de silice
II.3. Influence des adjuvants
II.3.1. Influence des superplastifiants (haut réducteur d’eau)
II.3.2. Influence des agents de viscosité (AV)
II.4. Influence de l’eau
II.5. Influence de l’air occlus
II.6. Influence de la pâte
II.7. Influence des granulats
III. Influence des paramètres extrinsèques au béton
III.1. Influence du temps de malaxage
III.2. Influence du malaxeur
III.3. Influence de la température dans la fourchette 0 et 40°C
III.4. Influence du facteur temps
IV. Conclusion
Conclusion Générale

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