Bref aperçu des contaminations à l’arsenic dans l’histoire

Bref aperçu des contaminations à l’arsenic dans l’histoire 

La forte toxicité de l’arsenic est reconnue depuis longtemps par l’homme. Non seulement cet élément a été utilisé pour éliminer des animaux nuisibles mais historiquement cette substance a également servi aux empoisonnements d’origine criminelle, certains historiens estimant qu’à certaines époques jusqu’à plus de 30 % des empoisonnements criminels seraient liés à l’utilisation de l’arsenic comme poison. La présence fréquente de l’arsenic à faible teneur dans les sols, l’environnement voire les corps humains a été spectaculairement proclamée par le chimiste français François-Vincent Raspail en 1840 à l’occasion du fameux procès dans l’affaire «Marie Lafarge». Les contaminations criminelles à l’arsenic de l’homme, notamment après l’exhumation pour autopsie, ont été des sujets récurrents de controverse en médecine légale, un autre cas célèbre et encore très controversé est celui de l’empoisonnement de Napoléon lors de son exil sur l’île de Saint-Hélène en 1821.

Les propriétés thérapeutiques, à faible dose, de l’arsenic sont déjà connues au XVe siècle et décrites par l’alchimiste Paracelse (de son vrai nom Théophratus Bombast von Hohenheim) et ses effets stimulants dans l’alimentation du bétail étaient soulignés et parfois exploités. Au XIXe siècle, l’arsenic était considéré comme un médicament précieux mais d’un usage délicat, nécessitant les plus grandes précautions pour des usages externes, comme par exemple des maladies de peau difficiles à traiter. L’attitude générale de l’homme au XIXe siècle vis-à-vis de l’arsenic, comme vis-à-vis des autres éléments chimiques, a été marquée par le précepte de Paracelse selon lequel c’est uniquement la dose de l’élément qui fait de cet élément un poison. Il paraissait alors logique de rechercher des actions thérapeutiques à très faible dose. Le principe énoncé par Claude Bernard est alors que les organes humains souffrant suite à l’ingestion d’un élément à forte dose peuvent être stimulés bénéfiquement par de plus faibles doses. L’arsenic a ainsi été utilisé pendant des années à des fins médicinales par l’homme, par exemple les composés organiques de l’arsenic constituaient avant l’apparition des antibiotiques un traitement spécifique pour la syphilis. La notion d’oligo-élément n’est apparue que plus tard au XXe siècle et reste l’objet aujourd’hui d’incertitudes liées à l’existence du seuil de toxicité pour ces éléments.

Les activités humaines (combustion du charbon, fonderies et autres activités industrielles), depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, constituent la majorité des apports d’arsenic dans l’environnement de surface (Reese, 1998). L’essentiel de la production mondiale d’arsenic se fait aujourd’hui sous forme de trioxyde d’arsenic ou « arsenic blanc » (As2O3), la Chine étant le principal producteur et les Etats-Unis, qui ne produisent plus de trioxyde d’arsenic depuis 1985, étant les principaux consommateurs, avec 88,2 % pour traiter le bois de charpente, 5,2 % pour les produits agricoles, 2,3 % pour la fabrication du verre, 3,3 % pour la confection d’alliages non-ferreux et 1 % pour d’autres utilisations (Reese, 1998). Les arséniates de Pb et Ca ont longtemps été utilisés en tant que fongicides, herbicides et insecticides. Le seul pesticide à base d’arsenic encore récemment utilisé en France pour le traitement antifongique de la vigne est l’arsenite de sodium (As2O4Na2). Son utilisation en France a été interdite seulement depuis le 8 Novembre 2001 sans délai d’écoulement des stocks. Outre son utilisation à des fins agricoles, l’arsenic est aujourd’hui principalement employé pour traiter le bois (conservation) avec des sels ou des oxydes à base de As2O5 comme les CCA (Cuivre Chrome Arsenic).

L’arsenic se trouve également accumulé dans les stériles des mines et d’usines d’enrichissement du minerai, à partir desquels il peut être rejeté dans le réseau hydrographique où il peut contaminer les sols attenants. Dans ces conditions, l’arsenic peut être libéré lors des processus d’oxydation des minerais sulfurés (libération chimique) ou il peut être disséminé par l’envol des poussières des stériles dans l’atmosphère (voie physique).

L’inquiétude sur un risque plus général de transfert de ces éléments en traces comme l’arsenic mais aussi d’autres polluants métalliques (Pb, Cd, Hg, …) dans l’environnement est apparue seulement au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Le cas en France de Salsigne, près de Carcassonne, qui fut la plus grande mine d’or d’Europe au XXe siècle, a montré que les envols de poussières n’avaient pas été sans conséquence sur la santé des populations exposées autour du site (Dondon et al., 2005). Le problème de l’accumulation dans les sols et des risques liés aux cycles longs des éléments en traces (Pb, Cd, Hg, As …) n’a été envisagé que dans les dernières décennies et sera certainement un enjeu majeur de santé publique au XXIe siècle.

Risques pour la santé humaine d’une contamination à l’arsenic 

L’arsenic est un oligo-élément essentiel à la vie (Neuzil, 1990). Les besoins en arsenic pour l’homme ont été évalués entre 10 et 20 µg jour⁻¹ (Jacotot et Le Parco, 1990). Un apport trop important peut cependant s’avérer néfaste pour les végétaux, les animaux et l’homme. Par exemple, l’exposition au gaz d’hydrogène arsénié (arsine de formule AsH3) à des concentrations supérieures à 250 mg kg⁻¹ provoque la mort quasi-instantanément et l’inhalation même brève de 100 mg kg⁻¹ entraîne le décès dans les 30 minutes (Testud, 1993). Une dose orale pour l’homme de 110 mg d’arsenic inorganique, présent dans une eau de boisson contaminée, soit 1 à 2 mg As kg⁻¹ de poids corporel, est potentiellement mortelle (Armstrong et al., 1984 ; Testud, 1993). La concentration totale en arsenic ne suffit pas cependant pour évaluer le risque lié à cet élément. La toxicité de l’arsenic dépend en effet de sa spéciation, c’est-à-dire de la forme chimique sous laquelle il se trouve, mais aussi de la voie d’absorption et du type de contamination (aigüe ou chronique).

Voies d’exposition à l’arsenic 

L’arsenic est absorbé par la voie digestive (nourriture ou boisson), plus facilement que par la voie respiratoire. Il est éliminé par les urines ou par les matières fécales (en plus faible quantité) et dans une période de quelques jours (au maximum une semaine). Il peut être accumulé dans certains tissus humains comme les phanères (cheveu, peau et ongles).

Cependant, l’accumulation dans l’organisme humain dans les cas d’une exposition prolongée est encore mal connue. Alors que l’absorption digestive d’arsenic inorganique est très importante, entre 80 à 100 % de la dose ingérée selon la forme chimique, les formes organiques au contraire ne sont pas fixées par les tissus et sont éliminés sans aucune transformation (Testud, 1993). En milieu anaérobie, des bactéries méthanogènes peuvent donner lieu à la production de composés organo métalliques arséniés volatils. Cependant, bien que peu ou pas de données soient disponibles sur l’adsorption et la toxicité de ces composés méthylés volatiles, ils seraient également moins toxiques que les formes inorganiques de l’arsenic. La principale voie d’exposition à l’arsenic est l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Dans les pays où la concentration dans les eaux de boisson dépasse 50 µg L⁻¹, on peut considérer que l’apport par les autres aliments est négligeable. L’eau de boisson contenant de l’arsenic représente donc le plus grand danger pour la santé publique mondiale.

Contaminations aiguës ou chroniques 

L’intoxication chronique par l’arsenic due à une exposition prolongée par le biais de l’eau de boisson est différente de l’intoxication aiguë. Les symptômes immédiats caractéristiques d’une intoxication aiguë comprennent des effets digestifs, de type nausées, vomissements, douleurs oesophagiennes et abdominales et diarrhées sanguinolentes en « eau de riz ». Ces effets sont également observés pour des expositions prolongées à plus faibles doses mais pas systématiquement. Dans les intoxications aiguës ou subaiguës, une toxicité différentielle des différentes formes de l’arsenic existe mais dans le cas des intoxications chroniques à de plus faibles doses, peu de données existent sur une toxicité chronique différentielle des différentes formes inorganiques de l’arsenic. La forme trivalente As(III), l’arsénite, est souvent considérée comme plus toxique que la forme pentavalente As(V), l’arséniate. Les deux formes inorganiques de l’arsenic ont cependant des effets délétères sur le fonctionnement des cellules de l’organisme : les ions arsénite As(OH)3 ont une forte affinité pour les groupements sulfhydriles SH- contenus dans les enzymes perturbant ainsi de multiples réactions cellulaires comme par exemple les synthèses protéiques (Testud, 1993) ; les ions arséniates HAsO₄²⁻ interfèrent avec les mécanismes ATP-ADP inhibant ainsi la phosphorylation oxydative, provoquant une chute du métabolisme (Sanders et Vermersh, 1982). Les organismes internationaux, du fait des phénomènes de transformations et de métabolisation in vivo, ne font d’ailleurs pas de différence entre les deux formes inorganiques de l’arsenic dans l’eau de boisson. L’exposition chronique à l’arsenic entraîne des troubles de type systémique ou cancérigène décrits dans la suite.

Table des matières

1. Introduction
1.1 Bref aperçu des contaminations à l’arsenic dans l’histoire
1.2 Risques pour la santé humaine d’une contamination à l’arsenic
1.2.1 Voies d’exposition à l’arsenic
1.2.2 Contaminations aiguës ou chroniques
1.2.3 Troubles de type systémique ou cancérigène
1.2.4 Résumé
1.3 Biogéochimie de l’arsenic
1.3.1 Propriétés physico-chimiques générales de l’élément As
1.3.2 Les phases minérales riches en As
1.3.3 L’adsorption/désorption d’As sur les (hydr)oxydes de fer
1.3.4 L’adsorption/désorption d’As sur les (hydr)oxydes de manganèse
1.3.5 Rôle des bactéries dans la spéciation de l’As
1.3.6 Résumé
1.4 Le delta du Bengale : une contamination à l’arsenic, naturelle et à grande échelle
2. Matériau et Méthodologie
2.1 Choix des (hydr)oxydes de fer de référence dopés à l’arsenic
2.1.1 Protocole de synthèse de la ferrihydrite 2L avec sorption d’As(V)/As(III)
2.1.2 Protocole de synthèse de la ferrihydrite 2L co-précipitée avec As(V)
2.1.3 Stabilité du solide après 6 mois et après stérilisation
2.2 Choix des différents codes de calcul et des données thermodynamiques
2.2.1 Revue bibliographique sur la modélisation des processus microbiens
2.2.2 Cas particulier de la réduction de l’arséniate As(V) et du Fe(III) solide
2.2.3 Codes et bases thermodynamiques utilisés
3. Expériences de laboratoires
3.1 Réduction de la ferrihydrite arséniée en présence de bactéries ferri-réductrices
“Decoupling of arsenic and iron release from ferrihydrite suspension under reducing
conditions: a biogeochemical model ”
3.1.1 Avant-propos
3.1.2 Abstract
3.1.3 Background
3.1.4 Methods
3.1.5 Experimental results
3.1.6 Discussion and modeling
3.1.7 Conclusion
3.1.8 Acknowledgements
3.1.9 References
3.1.10 Additional file 1 “Composition of growth media and phylogenetic characterization”
3.2 Réduction de la ferrihydrite arséniée en présence de sulfure d’hydrogène
3.2.1 Avant-propos
3.2.2 Expériences en batch avec une atmosphère à 0.001 atm H2S
3.2.3 Premier test avec une bactérie sulfato-réductrice D. norvegicum
3.2.4 Expérience en colonne avec la ferrihydrite As(III)-2LFh
3.2.5 Annexe 1 «Analyse de l’eau arséniée prélevée à Bracieux (Loir et Cher)»
3.2.6 Annexe 2 «Présence de thioarsénites dans la colonne»
3.2.7 Annexe 3 «Milieu de culture pour bactéries ferri-réductrices et gène de fonction dsrAB (dissimilatory sulfite reductase)»
4. Données de terrain et modélisation
4.1 Données 2000-2002 à Chakdaha (Inde) et modélisation “Mobility of arsenic in the sub-surface environment: An integrated hydrogeochemical study and sorption model of the
sandy aquifer materials”
4.1.1 Avant-propos
4.1.2 Summary
4.1.3 Introduction
4.1.4 Materials and methods
4.1.5 Results and discussion
4.1.6 Conclusions
4.1.7 Acknowledgements
4.1.8 References
4.1.9 Appendix A. Supplementary material
4.2 Données 2005 à Chakdaha (Inde) et modélisation 1D “Fe(II)-Fe(III)-bearing Phases as a Mineralogical Control on the Heterogeneity of Arsenic in Southeast Asian Groundwater”
4.2.1 Avant-propos
4.2.2 Abstract
4.2.3 Introduction
4.2.4 Models
4.2.5 Results and Discussion
4.2.6 References
4.2.7 Supporting Information
5. Conclusion

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