Cardiomyopathie du péripartum dans le service de cardiologie de l’HNF de Ségou

La cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est définie par la survenue d’une insuffisance cardiaque congestive dans le mois précédent ou les 5 mois suivant l’accouchement, en l’absence de cardiopathie ou de facteur de risque cardiovasculaire antérieurement connus [1]. Décrit pour la première fois par Meadows en 1957 ; son incidence est estimée à 1/3000-4000 naissances [2]. L’incidence la plus élevée en Afrique se situe en zone soudano-sahélienne avec une prévalence à 2 ,7 pour 1000 grossesses [3,4]. Au Mali il représente 2,9% des malades hospitalisés pour cardiopathies au CHU Gabriel Touré [5]. Son origine est encore méconnue, cependant plusieurs facteurs semblent jouer un rôle déterminant : les modifications hormonales au décours de l’accouchement (chute des taux œstrogènes fœtaux cardioprotecteurs et synthèse de 16KDa-prolactine cardiotoxique) [1]. Le tableau classique est celui d’une insuffisance cardiaque (IC) gauche ou globale de survenue inopinée, en générale sévère et d’installation extrêmement rapide. L’échocardiographie transthoracique est l’examen clef, permettant d’affirmer le diagnostic, d’éliminer les diagnostics différentiels et de surveiller l’évolution [1]. C’est une pathologie grave dont le potentiel évolutif est extrêmement rapide et totalement imprévisible, avec possibilité d’installation brutale d’un choc cardiogénique réfractaire dans les premières 24 à 48 heures justifiant une prise en charge dans un centre avec réanimation cardiovasculaire spécialisée [1]. Elle se caractérise aussi par la survenue d’accidents thromboemboliques qui justifient une anticoagulation curative [1].

Cependant une guérison complète de la CMPP est possible chez la moitié des patientes, tandis que l’autre moitié conservera une cardiomyopathie dilatée responsable d’une insuffisance cardiaque chronique plus ou moins sévère [1].

Nous avons mené une étude rétrospective portant sur 70 cas de CMPP. Celles-ci ont été recrutées sur une période allant du 01/01/2014 au 31/12/2015. Sur cette même période, 1145 malades étaient hospitalisés dont 381 pour insuffisance cardiaque soit une prévalence hospitalière de l’IC de 33,27%.

La CMPP représente 6,11% des hospitalisations et 18,37% de l’insuffisance cardiaque. Cette valeur est supérieure aux 11,4% de COULIBALY A [5]. Cela pourrait s’expliquer par la différence de taille de nos échantillons. Les femmes atteintes répondaient en majorité au profil de CMPP : Africaines noires, vivant en milieu rural, disposant d’un revenu faible, soumises à des travaux physiques intenses durant la grossesse, pratiquant des ablutions à l’eau chaude pendant le postpartum, soit respectivement 100%, 75,7%, 70%, 70%, 87,1%. Ce constat corrobore les résultats de la littérature [1,6 9]. Dans notre étude les âges extrêmes était de 16 et 44 ans avec une moyenne de 29,1±8. Ceci est conforme aux résultats de DIARRA : 29,1 ans et proche de ceux de COULIBALY au Mali et du CENAC à Niamey : 30±7. La tranche d’âge de 25 à 34 ans était la plus représentée dans notre étude avec 37,1%, Ceci peut être expliqué par le fait que déjà à cet âge, ce sont les grandes multipares dues au mariage précoce. La multiparité étant décrite comme un facteur favorisant la CMPP [5, 7,8].

Les facteurs de mauvais pronostiques tels qu’il ressort de la littérature dans notre étude sont : l’âge et la multiparité. La majorité des patientes décédées étaient dans la tranche d’âge de 25-34 ans et une parité entre 4-6 soit 66,7%. Il n’existe pas de lien statistiquement significative entre l’âge et le décès ; la parité et le décès (P=0,772 ; P=0,618). Cependant, il faut noter que la faiblesse des effectifs n’a pas rendu puissant le test statistique effectué, ce qui n’a pas permis de vérifier d’éventuelles interactions entre les variables du pronostic. Dans notre études la plus part de nos femmes étaient des ménagères faisant des travaux champêtre soit 70%. Cela met en faveur la cause de travail physique lors de la grossesse pouvant favorise la survenue de cette pathologie. Toutes les patientes décédées avaient un statut socioéconomique défavorisé, résidant en milieu rural, pratiquant un travail physique intense pendant la grossesse. Cependant il n’existe pas de lien statistiquement significative entre le SSE, le milieu de vie, le travail physique intense pendant la grossesse et le décès (P=0,549, P=1, P=0,549). Le régime hyper sodé, considéré comme un favorisant la CMPP est présent chez 65 de nos patientes (92,86%). Ce taux est néanmoins inférieur aux 100% de CENAC à Niamey mais supérieur aux 90% de COULIBALY au Mali [5,9]. Ceci peut s’expliquer par la différence de taille de nos échantillons. La grossesse gémellaire a été retrouvée chez 4,29% de nos patientes, cette valeur est inférieur à celle trouvé par BAGAYOKO et Ouyaga DIOMA, soit respectivement 15,4% et 18,2% [21]. Ceci pourrait s’expliquer par la différence de taille de nos échantillons.

Les premiers signes d’IC étaient survenus dans le post-partum chez 88,6%, ce chiffre est proche des 87% de DIARRA, mais supérieur aux 65% de COULIBALY et aux 67% du CENAC. Ces signes étaient apparus dans le dernier trimestre de la grossesse dans 11,4%. Ce résultat est supérieur aux 7,6% de CENAC. La présentation clinique était essentiellement celle d’une insuffisance cardiaque globale.

Toutes les patientes décédées avaient une insuffisance cardiaque globale ; dans notre étude il n’existe pas de lien statistiquement significatif entre le type d’insuffisance cardiaque et le décès (P=1). Une dyspnée d’effort était constatée chez toutes nos patientes soit 100%. Une dyspnée de repos était présente dans 51,4% des cas contre 73% des patientes de COULIBALY. Ce constat a été fait également par COULIBALY et Ouyaga DIOMA dans leurs travaux, cela peut être expliqué par le fait que la dyspnée est l’un des premiers motifs de consultation. Des œdèmes périphériques étaient présents dans 68,8% des cas contre 59% dans l’étude de COULIBALY. Une turgescence des jugulaires était constatée dans 32 cas contre 29 cas chez COULIBALY. Une hépatomégalie était retrouvée dans 47,1% des cas contre 59% de COULIBALY. Le reflux hépato-jugulaire était présent dans 6 cas (8,6%) et dans 25,6% dans la série de DIARRA. Ces pourcentages des signes physiques dans les études montrent que les femmes sont vues dans des stades avancés de la pathologie.

Le choc de pointe était latéral chez 13 patientes (18,6%). Ce chiffre est inférieur à celui d’Ouyaga Dioma 36,4% [7] ; cette différence Pourrait s’expliquer par l’importance d’épanchement séreux dans l’étude d’Ouyaga Dioma [7]. La tachycardie était présente dans 52,8% contre 81,8% chez DIOMA. Cette tachycardie peut être en rapport avec la survenue brutale de cette pathologie associé à l’anémie. Les râles crépitants étaient présents chez 32 cas (45,7%). Le bruit de galop était retrouvé chez 12 patientes (17,14%). DIOMA avait retrouvé un bruit de galop chez 50% de ses patientes contre 49% dans la série de COULIBALY. La possibilité d’une anémie est décrite, nous la retrouvons chez 20 patientes (28,57%), contre 32% dans la série de COULIBALY et 20% dans celle de CENAC. La présence de cette anémie pourrait être due au suivi irrégulier des consultations prénatales chez la plupart de nos patientes. Dans nos conditions obstétricales, les infections sont fréquentes pendant la grossesse et dans le post partum. Les infections étaient présentes chez 5 patientes (7,14%). Ce chiffre est inférieur aux 16% de COULIBALY à Bamako. La présence d’un syndrome infectieux oriente vers une étiologie inflammatoire et ou infectieuse de la CMPP.

Nous avons enregistré une insuffisance rénale fonctionnelle chez 5 ,71% de nos patientes qui serait en rapport avec une diminution importante du débit cardiaque à l’écho cardiographie chez ces patientes.

La cardiomégalie radiologique a été retrouvée chez toutes nos patientes ayant pu réaliser cet examen ; Par contre Coulibaly B et Ouyaga Dioma ont rapporté des chiffres inférieurs aux nôtres; soit respectivement 60% et 72,7% [5,7]. Cela pourrait s’expliquer par le fait que toutes nos patientes n’ont pas pu réaliser cet examen et que nos malades auraient un stade avancé de la pathologie. Sur le plan de l’électrocardiogramme ; 52,8% de nos patientes avaient une tachycardie sinusale. Ce taux est inférieur à celui retrouvé par Ouyaga Dioma soit 81,8% [7]. L’hypertrophie ventriculaire gauche était présente chez 67,1% de nos patientes, alors qu’Ouyaga avait retrouvé 63,6%. Les troubles de la repolarisation non spécifique ont été retrouvés chez 14,3% de nos patientes. Dans notre étude ce constat sur le plan de l’électrocardiogramme concorde avec la littérature [21]. L’échographie cardiaque était réalisée chez toutes les malades : Une dilatation ventriculaire gauche et une dysfonction systolique était présente chez toutes nos patientes. Une insuffisance mitrale fonctionnelle était présente chez 28,57% contre 26,53% chez DIALLO [8]. Le traitement médical est resté classique.

Table des matières

I. INTRODUCTION
Objectif général
Objectifs spécifiques
II. GENERALITES
1. Définition
2. Epidémiologie
3. Facteurs favorisants
4. Etude clinique
4.1 Circonstance de découverte
4.2 Examen physique
5. Examens Complémentaire
5.1 Radiographie thoracique
5.2 Electrocardiogramme
5.3 Echocardiographie transthoracique
5.4 IRM
5.5 Explorations isotopiques
5.6 Cathétérisme cardiaque
5.7 Biopsie endomyocardique et Anatomopathologie
5.8 Biologie
6. Traitement
6.1 Traitement symptomatique
6.2 Traitement spécifiques
7. Prévention
8. Evolution et Pronostic
8.1 Guérison rapide
8.2 Evolution intermédiaire avec séquelles
8.3 Mort précoce ou tardive
III. METHODOLOGIE
1. Cadre d’étude
2. Présentation de l’hôpital Nianankoro FOMBA
3. Le service de cardiologie
4. Activités du service
5. Type et période d’étude
6. Echantillonnage
7. Critères d’étude
7.1 Critères d’inclusion
7.2 Critère de non inclusion
8. Critères de définition
9. Collecte des données
9.1 Quelques définition opérationnelle
9.1.1 Echocardiographie
9.1.2 Electrocardiogramme
9.1.3 Biologie
10. Analyse des données
11. Ethique
12. Limite de l’étude
13. Estimation du statut socio-économique
IV RESULTATS
1. Aspects sociodémographiques
– Répartition selon les classes d’âge
– Répartition selon la résidence
– Répartition selon le statut socioéconomique
– Répartition selon les autres facteurs de risques
– Répartition selon la profession
2. Aspects cliniques
– Répartition selon les ATCD gynéco obstétricaux
– Répartition selon la CPN
– Répartition selon le moment d’apparition par rapport à
l’accouchement
– Répartition selon le niveau de la TA à l’admission
– Répartition selon les signes fonctionnels
– Répartition selon les signes physiques
– Répartition selon le type d’insuffisance cardiaque
3. Répartition en fonction des examens complémentaires
– Répartition selon les résultats de l’ECG
– Répartition selon les résultats de l’échocardiographie
– Répartition selon la moyenne des paramètres échocardiographie au TM
– Répartition selon la radio thorax de face
– Répartition selon les anomalies de la biologie
4. Répartition selon la complication et l’évolution
– Répartition selon les complications
– Répartition selon l’évolution hospitalière
– Répartition selon l’évolution après 6 mois
5. Répartition selon les traitements reçus
6. Répartition selon les résultats analytiques
– Répartition selon l’âge et le décès
– Répartition selon la résidence et le décès
– Répartition selon le statut socioéconomique et le décès
– Répartition selon le travail physique intense et le décès
– Répartition selon la parité et le décès
– Répartition selon le type d’insuffisance cardiaque et décès
– Répartition selon l’anémie et le décès
V. DISCUSSION ET COMMENTAIRES
CONCLUSION

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