Comment les médecins généralistes de la Région Havraise anticipent l’entrée en EHPAD de leurs patients ?

Comment les médecins généralistes de la Région Havraise anticipent l’entrée en EHPAD de leurs patients ?

Le maintien à domicile

Le maintien à domicile est souhaité par la plupart des personnes âgées. (9) Le maintien à domicile s’est beaucoup développé depuis ces dernières années, ceci est dû au souhait de la personne âgée de rester le plus longtemps possible chez elle et à une politique en faveur du maintien à domicile. 

Les aides financières

La principale aide pour le financement des aides à domicile est l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Elle sert à payer en totalité ou en partie les dépenses nécessaires pour le maintien à domicile, et est versée par les services du Département. Pour en bénéficier, il faut avoir plus de 60 ans et être dans une situation de perte d’autonomie. Cette perte d’autonomie se mesure selon la grille AGGIR (Autonomie, Gérontologie, Groupes IsoRessources) qui classe la perte d’autonomie du GIR (Groupes Iso-Ressources) 1 au GIR 6. Les patients GIR 1 étant les plus dépendants, et les GIR 6 les moins dépendants. Seul les GIR 1, 2, 3 et 4 perçoivent l’APA. L’APA peut financer des aides physiques (aide à domicile, transport, ou portage des repas) ou des aides matérielles (aides techniques ou adaptation du logement). En fonction des revenus de la personne, une participation financière pourra être laissée à la charge du bénéficiaire. (10) Il existe d’autres aides financières : L’aide-ménagère à domicile, elle finance les interventions d’une aide à domicile pour les personnes ne bénéficiant pas de l’APA. Elle est financée par le Conseil Départemental et attribuée sous conditions de ressources, elle constitue une avance du Conseil Départemental et est récupérable sur succession. (11) Les aides des caisses de retraite, elles concernent les personnes qui ne bénéficient pas de l’APA, elles peuvent fournir des aides financières et matérielles. (12) Les aides fiscales pour l’aide à domicile, il s’agit d’un crédit d’impôt accordé aux personnes ayant recours à l’emploi à domicile ou à un service d’aide à domicile. (13) Les aides des complémentaires santé, celles-ci peuvent aider de façon ponctuelle leurs adhérents, par exemple lors d’un retour à domicile après une hospitalisation. 

Les services d’aide

Les infirmiers libéraux ou les centres de santé infirmier, ils interviennent sur prescription médicale et sont remboursés à hauteur de 60 % par la sécurité sociale, le reste étant à charge de l’assuré ou de sa mutuelle. Ils dispensent des soins variés tels que soins et surveillances de pathologies chroniques, injection, pansement, perfusion, toilette… (15) Les services d’aide à domicile, ils interviennent pour aider la personne dans les gestes de la vie courante (aider au lever et au coucher, aider à la toilette et l’habillage, faire les courses, préparer les repas, entretenir le logement) et ainsi lui permettre de rester chez elle. Les tarifs varient selon les services d’aide à domicile. Ils peuvent être payés en chèque emploi service universel, et peuvent être pris en charge en totalité ou en partie par les aides citées ci-dessus. (16) Les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) interviennent à domicile pour dispenser des soins aux personnes âgées et handicapées. Leurs interventions se font sur prescription médicale et sont prises en charge par l’assurance maladie. Ils assurent des soins à la personne, ainsi qu’une coordination des différents intervenants. Ils sont autorisés à intervenir auprès d’un nombre limité de personnes. De ce fait, il peut y avoir de l’attente avant qu’ils puissent intervenir. (17) Les SPASAD (services polyvalents d’aide et de soins à domicile) assurent à la fois les services d’un SSIAD, mais aussi ceux d’un service d’aide à domicile. Leurs avantages est l’interlocuteur unique et le fait que la personne n’ait plus besoin de coordonner les deux services. La partie SSIAD est prise en charge par la sécurité sociale et la partie service d’aide à domicile par la personne ou les aides financières dont elle dispose. (18) L’HAD (hospitalisation à domicile) est une forme d’hospitalisation qui permet de réaliser à domicile des soins techniques intenses ou complexes ne pouvant être réalisés par le secteur libéral. Ils interviennent sur prescription médicale avec coordination du médecin traitant et sont pris en charge par l’assurance maladie et les mutuelles au même titre qu’une hospitalisation en établissement. (19) Le portage des repas, par des traiteurs ou des sociétés spécialisées, permet à la personne d’avoir des repas prêts et équilibrés sans avoir à faire les courses ou cuisiner. Ils sont à charge de la personne. La kinésithérapie à domicile est utile pour limiter la dégradation de la marche et les chutes, elle nécessite une prescription médicale et est prise en charge par la sécurité sociale et la mutuelle. Ces services nécessitent la coordination de tous les passages par un aidant, une association ou une entreprise. A ce titre, le rôle de l’aidant est primordial, surtout si la personne âgée a des troubles cognitifs ou du comportement. Le maintien à domicile est donc tributaire de la présence d’un aidant, qu’il s’agisse d’un membre de la famille, d’un ami ou d’un voisin. (20) D’autres services peuvent aider au maintien à domicile. Pour lutter contre l’isolement, il existe les dames de compagnies, l’accueil de jour ou les associations de bénévoles. Et pour soulager temporairement les aidants épuisés, on s’appuie sur l’hébergement temporaire, les associations de famille et l’accompagnement aux aidants.  Souvent la maison de la personne âgée n’est plus adaptée. En effet, la perte d’autonomie progressive, rend le domicile de la personne âgée dangereux. La présence d’escaliers ou de tapis, sont autant de facteurs pouvant entraîner une chute. Si la personne veut rester à domicile, il faut alors penser à adapter le logement pour le rendre plus sûr. Les ergothérapeutes ont leur place dans ce projet d’adaptation du domicile. Cependant les séances d’ergothérapie en libéral ne sont pas prises en charge par la sécurité sociale. Elles peuvent être prises en charge par certaines mutuelles ou caisses de retraite. (21) Enfin, les nouvelles technologies pour le maintien à domicile se développent de plus en plus, on appelle cela la silver economy. On y retrouve : • La télé-assistance et la télé-alarme, qui sont apparues en 1970 et se développent de plus en plus. Il existe des boîtiers que l’on porte autour du cou ou comme bracelet et sur lequel on appui en cas de chute. Mais celui-ci n’est actif que dans l’habitat de la personne, et utilisable uniquement si la personne n’a pas de troubles cognitifs. A côté de cela, il existe des téléphones (du plus basique, jusqu’au smartphone, avec un bouton d’alerte et un service de géolocalisation) qui permettent d’alerter en cas de besoin peu importe où l’on se trouve. • Les piluliers dits intelligents : encore une fois il en existe plusieurs types, ils rappellent à la personne âgée de prendre ses médicaments et lui délivrent le bon médicament au bon moment. Ils permettent donc d’éviter des erreurs de prises. • La domotique commence à se développer petit à petit, avec des maisons dites intelligentes qui permettent l’éclairage automatique lors du passage de la personne âgée, l’ouverture et la fermeture automatisée des volets, la détection d’un danger (détecteur de fumée, de fuite d’eau), la détection de chute (patch, montre, ceinture, etc.)… • La robotique, elle aussi se développe, avec notamment des robots qui permettent de faciliter le lien social comme le robot Buddy (en français « pote ») qui permet d’appeler soit en visioconférence, soit de manière classique un proche, de faire une recherche sur internet, le tout sur commande vocale. Il peut aussi rappeler l’heure de prise des médicaments, et a un service de course avec livraison à domicile, etc. Ou alors des robots plus grands, de forme humanoïde, qui peuvent aussi soutenir les personnes dans les gestes de la vie courante (aide au lever…). Tous ces services peuvent se mettre en place au domicile personnel du patient, mais aussi dans des résidences seniors ou résidence autonomie, anciennement foyer-logements, qui proposent des services complémentaires communs de type hôtellerie. En l’absence d’aidant, ou en cas de perte d’autonomie majeure empêchant un maintien à domicile dans de bonnes conditions, l’institutionnalisation peut être une alternative.

L’institutionnalisation

L’entrée en EHPAD se fait de plus en plus tard chez les personnes âgées, l’âge d’entrée moyen en 2011 était de 84 ans et 5 mois alors qu’il était de 82 ans en 1994. Cela reflète, notamment, le fait que les personnes veulent rester le plus longtemps possible chez elles. (22) Il existe trois axes primordiaux dans la vie d’une personne (d’une personne âgée en ce qui nous concerne dans le présent travail) : la santé, la sécurité et le lien social. Si l’un de ces axes n’est plus satisfaisant à domicile, la personne peut alors ressentir le besoin d’entrer en EHPAD. Elle pourra alors y retrouver ces trois axes. Cependant il arrive que la personne âgée n’ait plus le choix. Suite à un événement aigu, une hospitalisation, une chute, une aggravation de son état de santé, la dégradation de ses capacités cognitives ou l’absence d’aidant, la personne âgée peut se retrouver en situation de faiblesse, et si la perte d’autonomie n’a pas été anticipée, elle se retrouve alors totalement démunie à domicile. Dans ces cas l’institutionnalisation paraît être le meilleur choix. Dans sa thèse sur les représentations sociales des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, Hélène HAUTH interroge des personnes âgées de plus de 65 ans sur la représentation qu’elles ont des EHPAD. Elle note dans les avantages qu’ils trouvent à une entrée en EHPAD, le lien social, la sécurité et la relation d’aide. (9) Le lien social, avec la présence d’autres personnes âgées et celle du personnel, peut être un argument pour une entrée en EHPAD. En effet, les personnes âgées à domicile sont souvent très isolées, surtout si elles ne sortent plus de leur domicile. Elles ont généralement peu de visite, le nombre d’amis de leur génération diminue, et leurs familles sont souvent très occupées. Par ailleurs les activités sont limitées si elles sont cloîtrées dans leur domicile. En EHPAD, il y a souvent des activités organisées (jeux, séances de sport, activités artistiques), des animations quasi quotidiennes, ainsi que la possibilité de jouer et converser avec d’autres personnes. La vie en collectivité peut être bénéfique pour stimuler les personnes âgées, notamment du point de vue cognitif. D’autre part, pour les personnes ne se sentant plus en sécurité dans leur domicile, par exemple du fait de chutes à répétition, l’EHPAD peut être un lieu sécurisant, où la présence permanente du personnel rassure la personne âgée, mais aussi sa famille. Ils savent qu’en cas de besoin, il y a toujours quelqu’un pour les aider. C’est sur ces éléments positifs que le médecin peut s’appuyer pour initier une démarche d’entrée en EHPAD. Les représentations négatives que Mme HAUTH retrouve dans sa thèse sont le prix, le manque de liberté, l’enfermement et le confinement. (9) Le prix de l’EHPAD est un frein que l’on retrouve assez souvent. Le prix d’un EHPAD comprend, le forfait hébergement (prestations hôtelières de l’établissement), il varie d’un établissement à l’autre et est à la charge de la personne âgée ou de sa famille ; le forfait dépendance (prestations en rapport à la prise en charge de l’état de dépendance), il peut être pris en charge par l’APA en cas de dépendance élevée ; et le tarif soins, il couvre les prestations médicales et paramédicales, il est réglé par l’assurance maladie directement à l’établissement. En fonction des EHPAD, le forfait hébergement comprend ou non la blanchisserie. Au niveau des financements possibles, il existe là encore l’APA, celle-ci couvre en totalité ou en partie le forfait dépendance fixée par l’établissement. Elle est soumise aux mêmes conditions d’âge et de dépendance que l’APA à domicile (personne de plus de 60 ans, avec une dépendance évaluée entre le GIR 4 et le GIR 1), auquel on ajoute des conditions pour l’établissement d’accueil, il faut que celui-ci soit situé en France et héberge au moins 25 personnes âgées dépendantes. Si l’établissement reçoit une dotation globale APA des services du Département, il n’est même pas nécessaire d’en faire la demande. Sinon, il faudra en faire la demande comme pour l’APA à domicile. De même, une participation financière, peut être laissée à la charge de la personne âgée. (10) Cependant les frais d’hébergement, principal coût, restent à la charge de la personne ou de sa famille. Si la solidarité familiale ne suffit pas, l’aide sociale départementale peut prendre en charge tout ou partie de ces frais. Pour pouvoir en bénéficier, il faut être âgé d’au moins 65 ans, résider en France de façon habituelle, disposer de ressources inférieures au montant de la dépense envisagée, et résider dans un établissement habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale. Les montants d’aide sociale versés sont récupérables du vivant ou au décès du bénéficiaire sur la succession du bénéficiaire, si la situation financière du bénéficiaire s’améliore (en cas d’héritage par exemple) ou sur donation faite par le bénéficiaire dans les 10 ans ayant précédé la demande d’aide sociale ou après celle-ci. (23) Le temps d’attente est parfois long avant d’obtenir une place en EHPAD. D’autant que lorsque la décision d’entrée en EHPAD est prise, la personne souhaite que cela se fasse rapidement, le moment où elle décide d’aller en EHPAD, coïncidant souvent avec une majoration de la perte d’autonomie et un maintien à domicile qui devient difficile. Les demandes de précaution d’entrée en EHPAD ont leur place pour éviter une attente trop longue avant l’entrée en EHPAD. Mais pour cela, il faut l’avoir anticipée. À partir de quand fait-on une demande de précaution, et à qui la proposer ? Faut-il en faire de façon systématique, ou plutôt cibler les personnes qui pourraient être à même d’entrer dans les années à venir en EHPAD ? Malheureusement, les places en EHPAD sont limitées. En 2014 le nombre de places en EHPAD en France était de 557 648 lits. (24) Le nombre de personnes de 60 ans et plus était de 15 647 709, et les 75 ans et plus était 5 892 998. (5) Soit environ 1 lit en EHPAD pour 28 personnes de 60 ans et plus, et 1 lit pour 10 personnes de 75 ans et plus. Il faut donc rechercher à qui proposer en priorité une entrée en EHPAD. Mais sur quels critères sélectionne-t-on les personnes auxquelles la proposer ? Autre constat : la représentation des EHPAD des soignants et des patients est plutôt négative, et peut limiter la discussion autour de l’EHPAD.

Table des matières

I. Introduction
1. Un défi démographique
2. Faible augmentation de l’espérance de vie en bonne santé
3. Le maintien à domicile
3.1 Les aides financières
3.2 Les services d’aide
4. L’institutionnalisation
5. Représentations négatives des EHPAD
6. Rôle central du médecin généraliste
7. Les EHPAD sur le territoire de la CODAH
II. Matériel et Méthodes
1. Type d’étude
2. Objectifs de l’étude
3. Constitution d’un échantillon
4. Recueil des données
5. Analyse des données
III. Résultats
1. Caractéristiques de la population étudiée
2. Rôle du médecin généraliste dans l’entrée en EHPAD
2.1 Compétences médicales
2.2 Relation médecin – patient
2.3 Aider l’aidant
2.4 Coordination des soins
3. Aborder un sujet délicat
3.1 Identifier la population concernée
3.2 Pourquoi anticiper
3.3 Les moyens d’anticipation et les mesures mises en place
4. Les déterminants du choix
4.1 Du côté médecin
4.2 Du côté patient
4.3 Les critères du choix de l’EHPAD
4.4 Les difficultés rencontrées par le médecin généraliste
5. Les ressources
5.1 Les aidants
5.2 Les assistantes sociales
5.3 Les avis spécialisés
5.4 Le CLIC (centre local d’information et de coordination)
5.5 ViaTrajectoire
IV. Discussion
1. Les forces et faiblesses
1.1 Les forces
1.2 Les faiblesses
2. Comparaison des résultats à la littérature
2.1 Dépistage de la fragilité
2.2 Anticiper l’entrée en EHPAD, une étape difficile, mais pas impossible
2.3 Le relation médecin – patient
2.4 La vision des EHPAD par les médecins généralistes
2.5 Le rôle de l’entourage
2.6 Le rôle du médecin généraliste vis-à-vis de l’aidant
2.7 Cadre légal de l’institutionnalisation
3. Ouverture
Conclusion
Bibliographie

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