Comment les médecins généralistes intègrent-ils la pratique de l’échographie ?

Formation et pratique de l’échographie

Si on s’intéresse à l’approche qu’ont les différents médecins vis-à-vis de l’échographie, on peut s’intéresser à la fois à la pratique de l’échographie durant les études de médecine ; mais également aux différentes formations réalisées concernant l’échographie. On s’aperçoit alors que 7 médecins ont pu pratiquer l’échographie durant leurs études, et principalement dans des stages de gynécologie. Cela s’explique facilement par la maquette du DES de médecine générale à Rouen où le passage en gynécologie est quasiment obligatoire, et par le fait que l’échographie est très présente dans les services de gynécologie. Concernant les formations à l’échographie, 7 médecins ont pu participer à au moins une formation. Deux d’entre eux ne pratiquent pas l’échographie en médecine générale. Ces formations sont variées. Elles ont pu être universitaires (DIU, DU) ou s’inscrire dans des formations continues. On retrouve alors des formations continues dans le cadre du SAMU au sein des Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence (CESU), mais également des formations privées dans le cadre du développement professionnel continu (DPC). Enfin, un des médecins pratiquant l’échographie se considère comme autodidacte, car n’ayant pas réalisé de formation officielle.

La Modification de la pratique de la médecine générale par l’échographie

L’Intérêt de la pratique : Les différents médecins interrogés portaient un intérêt certain au développement de la pratique de l’échographie en médecine générale. Certains l’envisageaient dans un futur proche. M6 : « je pense que ce sera un peu des outils qu’on rajoutera, comme on rajoute l’EFR (Epreuve Fonctionnelle Respiratoire), l’électrocardiogramme. […] Je pense que ça fera parti des outils futurs, des futurs médecins généralistes ». M13 se disait «convaincu de l’utilité» et M4 ne manquait pas d’enthousiasme en se demandant en parlant d’un appareil d’échographie : « pourquoi je ne l’ai pas encore » pour pouvoir « aller voir effectivement plus loin que notre stéthoscope, que nos mains ».
Les médecins pratiquant déjà l’échographie ont pu étayer leurs propos. M11 évoquait un apport sur le plan intellectuel : « c’est hyper-enrichissant pour le médecin » ce qui était confirmé par M9 qui nous parlait d’un « coté gratifiant pour le médecin ». M12, enthousiaste, expliquait que : « c’est le renouveau du soin primaire et de la médecine générale » et que l’échographie « relance notre curiosité ». M14 considérait que : « tu peux t’autoriser certaines pratiques que t’aurais pas fait sans écho » et nous donnait l’exemple des infiltrations échoguidées : « moi à terme j’aimerais bien me lancer dans les infiltrations mais ce sera sur des trucs que j’aurais échographié avant ». M14 avait déjà modifié sa pratique : « ça m’a permis de me mettre aux IVG (Interruptions Volontaires de Grossesse) médicamenteuses, un truc que j’aurais pas forcément eu envie de faire avant sans échographie. Parce que du coup pour les IVG médicamenteuses je fais des échos de datation, je ne suis pas obligé de courir après un radiologue, je suis indépendante quoi, je peux me gérer. En gros, je peux gérer toute seule l’IVG médicamenteuse de A à Z ».

L’Examen clinique

Les avis ont pu diverger concernant l’impact de l’échographie sur l’examen clinique. Certains ont considéré que l’échographie ne modifierait pas la manière de le réaliser. M1 : « je ne pense pas que ça changerait l’examen clinique. Tu fais ton examen clinique et après quand tu suspectes quelque chose tu fais ton écho, si c’est nécessaire, mais pour autant je ne pense pas que les gens limiteraient l’examen clinique pour aller plus vite à l’écho ». M7 : « pour moi l’examen passe en premier et l’échographie vient le compléter ».
D’autres admettaient qu’il existait un risque. M3 : « le risque c’est de partir trop vite sur l’échographie […], aller un peu plus vite sur l’examen pour arriver plus vite à l’échographie ». Enfin, certains médecins pensaient que l’examen clinique allait forcément être modifié par la pratique de l’échographie. M4 : « oui, ça va la modifier. On va être, sur certains points, si on a accès au truc on va l’utiliser, forcément, donc on va être moins pointilleux. Oui il y a des choses qui vont changer, après dans l’intérêt du patient, bien, à nous de ne pas oublier les vieilles connaissances mais je suis sûr que déjà il y a plein de chose de la sémiologie qu’on a déjà oublié. […] les vieux, ils sont beaucoup plus cliniques que nous encore ». Cette différence générationnelle sur la pratique de l’examen clinique a pu être mise en évidence sous la forme d’une mise en garde des médecins les plus âgés aux plus jeunes. M13 : « c’est toute la problématique de tout ce qui est matériel d’examen complémentaire. C’est à dire que, c’est le vieux médecin qui va te parler, c’est qu’il ne faut pas oublier la clinique. Et que parfois les jeunes que vous êtes ont tendance à oublier un peu la clinique et de se servir que des moyens modernes. […] on a tendance, parfois, à vouloir se fier trop aux appareils pour oublier la clinique ». M5 : « je pense qu’en médecine, c’est encore un précepte peut être de médecin sur le tard mais l’examen clinique est aussi important que les examens paracliniques. Et les examens paracliniques ne doivent pas remplacer l’examen clinique et la sémiologie est aussi importante que l’examen paraclinique ».
Les médecins qui pratiquent déjà l’échographie confirmaient que cet examen doit arriver dans un second temps, après un examen clinique bien conduit. M11 : « c’est de l’échographie orientée, c’est un complément de l’examen clinique, c’est l’extension du bras du médecin, je suis d’accord, faut pas que ce soit en remplacement. C’est un complément à ton examen ». M9 expliquait que le risque d’aller trop vite à l’échographie existait mais que l’on pouvait diminuer ce risque par une formation solide. M9 : « au début ça interfère forcément, ne serait-ce que quand est-ce que je l’intègre dans mon examen, à quel moment je le fous, donc ça interfère. Et quand je vois plus jeune, nous on a eu une formation qui est assez complète qui est le DU qu’on a passé sur un an, c’est assez rigoureux, c’est assez complet, on passe entre les mains de plein de personnes, et donc on a le temps d’être bassiné sur le fait que évidemment c’est en complément de l’examen clinique, ça n’arrive qu’après l’examen clinique, et que ça ne doit pas palier, que en gros tu ne dois pas te limiter à l’examen pour sauter sur la sonde. C’est ce qu’on essaie d’inculquer aux internes au SAMU. Mais quand on le fait dans des formations un peu moins bordées, carrées, rigoureuses, le risque c’est ça. Et on a quelques exemples d’internes qui sont super chauds pour prendre la sonde et qui n’ont pas touché le malade, qui n’ont pas senti de symptôme, qui n’ont pas touché le malade et qu’ont pas… je pense que c’est une connerie mais… Donc oui il y a un risque, en tout cas moi dans ma pratique, je pense que non, ça ne m’empêche pas de faire mon examen clinique complet, mais ça me demande un effort ». Il faut donc, comme le disait M11 : « prendre en compte ce risque, le connaître et savoir qu’il y a une limite la dessus ».

La Formation durant les études de médecine

Pour les médecins les plus jeunes, la formation à l’échographie dispensée durant les études de médecine semblait limitée avec une approche qui leur a paru très théorique. M3 : « franchement, on ne nous en a pas appris grand-chose, à part les indications, le fonctionnement, que c’est opérateur-dépendant ». M2 : «apprendre théoriquement en regardant des images d’échographie, ça ne me parle pas, je pense que l’échographie c’est dynamique». L’approche de la manipulation d’un appareil d’échographie ou l’apprentissage pratique vont dépendre de l’expérience personnelle de chaque étudiant, acquise au gré des stages réalisés durant son cursus. M1 : « quand j’étais externe en radio, j’ai vu plein d’écho ». M3 : « la seule formation pratique c’était en gynéco, et encore, c’était un peu sur le tas parce que de toute façon il fallait que je la fasse, on comptait sur moi pour le faire. Mais, je pense que c’est aussi parce que tout simplement les médecins qu’on voit en stage ne pratiquent pas. Tout est fait en radiologie quand on est externe au CHU donc si on n’y va pas, on ne voit pas ».
L’apprentissage de l’échographie se développe dans les différentes spécialités médicales. M10 : «les spécialités médicales, la rhumato, la gastro, ils apprennent tous l’écho sur le tas pendant les stages d’interne. Ça va rentrer petit à petit dans les décrets de compétences de chaque spécialité médicale », « il y aura forcément un item échographie clinique pour tout le monde». M9 nous donnait l’exemple du DES (Diplôme d’Études Spécialisées) de médecine d’urgence qui a déjà intégré la formation à l’échographie à travers l’ECMU : « en médecine d’urgence c’est une obligation, on a l’obligation d’être compétent en échographie clinique appliquée à l’urgence et il y a des items, une liste voilà, on est tenu de le savoir ». Plusieurs médecins ont soulevé le fait qu’il existait des différences de formation des externes et des internes selon les facultés en France. M10: « il y a des facultés où ils enseignent l’échographie clinique aux externes. C’est à dire que les étudiants en médecine à partir de la troisième, quatrième, cinquième année, ils sont déjà initiés à l’échographie clinique.
C’est à dire qu’ils savent manier une sonde d’écho, faire des réglages de base, et quand on leur montre des images, ils sont capables de les interpréter ». M11 : « il y a une disparité même en France, il y a des régions où les internes de médecine générale sont formés à faire de l’échographie, alors c’est pas les équivalents de l’échographie clinique (sous-entendu ECMU) mais tu sens qu’ils font de l’échographie en ville. En Normandie là-dessus, je pense qu’on est encore en retard sur ce point ».

Les Moyens de se former à l’échographie

Différents moyens de se former à l’échographie ont été cités par les médecins interrogés. La formation la plus citée fut le DU d’échographie, probablement parce que c’est une formation officielle universitaire et diplômante. M5 : « pourquoi pas éventuellement envisager un DU, sur lequel on pourrait mettre sur sa plaque médicale : DU d’échographie médicale ». D’autres  médecins ont évoqué des formations continues, organisées par des organismes privés, que ce soit en présentiel ou en ligne. M3 : « je sais qu’il y a des formations en ligne, ce qu’ils appellent des webinars avec des intervenants et des images, pas forcément en direct d’ailleurs ça peut être en différé, ça c’est intéressant. En présentiel forcément, avec des formations qui rentrent dans le cadre du DPC ». M8 nous expliquait que les fabricants d’appareil d’échographie organisent des formations : « si on s’équipe chez un fabricant d’appareil, les fabricants proposent des formations en ligne également. Des formations, des tutoriels en ligne, via un site spécialisé, spécifique ». Il nous citait également la possibilité de se former avec certains livres avec toutefois des limites : «comme l’échographie est un examen dynamique, c’est compliqué de se former sur un livre ». Enfin, M4 envisageait la possibilité de se former de façon autodidacte mais en complément : «j’envisage aussi de m’auto-former, c’est-à-dire, bah tu vois les choses, tu vas voir ce que c’est et finalement, après, avec un contre-examen scannographique ou une autre écho, tu sais finalement si t’as bien vu ou t’as pas bien vu ». Tous les médecins s’accordaient pour dire qu’une formation complète doit inclure une partie théorique et une partie pratique, l’idéal étant de se former auprès de radiologues. M5 : « la manière la plus adaptée c’est de former les jeunes médecins à l’université. De façon théorique, pratique, avec stage. C’est de ne pas découvrir dans son exercice l’échographie mais d’être formé à l’échographie pour son futur exercice »

Table des matières

INTRODUCTION
OBJECTIFS DE L’ÉTUDE
MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Type d’étude
1.1. Étude qualitative
1.2. Choix du type d’étude
2. Population
2.1. Population de l’étude
2.2. Sélection des participants
2.3. Nombre de sujets
3. Recueil de données
3.1 Caractéristiques des entretiens
3.2. Guide d’entretien
3.3. Un projet en deux parties
3.4. Réalisation des entretiens
3.5. Retranscription des entretiens
3.6. Analyse des entretiens
RÉSULTATS
Première partie : Résultats quantitatifs
1. Caractéristiques des entretiens
1.1. Nombre d’entretiens réalisés
1.2. Durée des entretiens et du focus group
1.3. Qualité des entretiens
2. Caractéristiques de la population étudiée
2.1 Âge et sexe
2.2 Lieu d’exercice
2.3. Mode d’exercice
2.4. Caractéristiques générales
2.5. Formation et pratique de l’échographie
Deuxième Partie : Résultats qualitatifs
1. La Modification de la pratique de la médecine générale par l’échographie
1.1. L’Intérêt de la pratique
1.2. Les Indications
1.3. L’Examen clinique
1.4. Les Visites à domicile
1.5. L’Influence du lieu d’exercice
1.6. Une Modification du parcours de soins
2. La Formation
2.1. La Formation initiale
2.1.1. Les Freins liés à la formation
2.1.2. La Formation durant les études de médecine
2.1.3. Les Moyens de se former à l’échographie
2.2. Le Maintien des connaissances
2.2.1. La Formation continue
2.2.2. Une Pratique régulière
3. Les Aspects financiers
3.1. Le Coût de l’appareil
3.2. La Question de la rentabilité
3.3. Les Autres coûts
4. Les Aspects législatifs
4.1. L’Aspect médico-légal
4.2. La Justification des compétences
4.3. La Réalisation d’un compte rendu
4.4. La Cotation de l’acte
5. Les Facteurs organisationnels
5.1. Un Outil diagnostic ou un examen complémentaire ?
5.2. Une surcharge de travail ?
5.3. Les Contraintes de temps
5.4. L’Organisation au cabinet du médecin généraliste
5.4.1. L’Organisation des locaux
5.4.2. L’Organisation de l’agenda
5.4.3. Pratiquer en groupe ou pratiquer seul
6. Les Aspects relationnels
6.1. La Relation médecin-malade
6.2. La Relation avec les radiologues
6.3. La Relation avec les autres spécialistes
7. Les autres limites à la pratique de l’échographie en médecine générale
DISCUSSION
1. Réponse aux objectifs de l’étude
1.1. Rappel des objectifs de l’étude
1.2. Freins et a priori concernant la pratique de l’échographie en médecine générale
1.3. Réponses des médecins pratiquant déjà l’échographie
1.4 Intérêt de la pratique de l’échographie en médecine générale
2. Forces et faiblesses de l’étude
2.1 Les Biais de l’étude
2.1.1. Biais de sélection
2.1.2. Biais de représentativité
2.1.3. Biais de mémorisation et de déclaration
2.1.4. Biais de subjectivité
2.2. Intérêt de ce travail de recherche
3. Comparaison avec la littérature
3.1. Thèses de médecine françaises
3.1.1. Les freins à la pratique de l’échographie en médecine générale
3.1.2. Intérêt de la pratique de l’échographie en médecine générale
3.1.3. Quelle organisation pour intégrer l’échographie à la pratique de la médecine générale ?
3.2. Littérature internationale
CONCLUSION
ANNEXES
I. Guide d’entretien quantitatif
II. Guide d’entretien qualitatif, médecin ne pratiquant pas d’échographie
III. Guide d’entretien qualitatif, médecin pratiquant l’échographie
BIBLIOGRAPHIE

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