Comportement et endommagement des alliages d’aluminium 6061-T6

Comportement et endommagement des alliages
d’aluminium 6061-T6

Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux

Comme nous l’avons énoncé dans l’introduction, l’objectif de cette thèse est de comprendre et de modéliser le mécanisme d’endommagement de l’alliage d’aluminium 6061 destiné à la fabrication du caisson-cœur du Réacteur expérimental Jules Horowitz (RJH). Nous commençons ce chapitre par une synthèse bibliographique décrivant les phases cristallographiques, les traitements thermomécaniques qui génèrent ces phases et leurs influences sur l’endommagement de cet alliage. La deuxième partie présente la caractérisation de la microstructure des matériaux d’études. Une attention particulière est portée sur les précipités grossiers qui sont à l’origine de l’endommagement. Cette caractérisation qualitative et quantitative est principalement réalisée grâce à une étude bidimensionnelle par Microscopie Électronique à Balayage (MEB) et une étude tridimensionnelle par tomographie X. La troisième partie est consacrée à la caractérisation mécanique des matériaux d’études. Des essais de micro-indentation sont réalisés afin d’obtenir indépendamment les propriétés mécaniques de chacune des phases. Des essais de traction sur éprouvettes lisses permettent d’obtenir des propriétés mécaniques macroscopiques telles que la limite d’élasticité, la résistance mécanique et la ductilité, mais aussi de déterminer les paramètres de la loi de comportement retenue pour l’étape de modélisation. La résistance à l’entaille est ensuite étudiée grâce aux essais de traction sur éprouvettes entaillées et aux essais de ténacité. Une attention particulière est portée dans cette partie sur l’effet du sens de sollicitation, autrement dit, l’anisotropie.

Phases cristallographiques

L’alliage d’aluminium 6061 est un alliage d’aluminium à durcissement structural. Les alliages de la série 6xxx sont enrichis en Mg et Si. Ces éléments forment des précipités nanométriques de type « MgxSiy » et constituent la phase majoritaire assurant le durcissement structural. En plus de ces phases nanométriques, des précipités plus Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux 7 grossiers sont également présents dans cet alliage. Nous commençons par une présentation rapide de chacune des phases cristallographiques présentes dans cet alliage.

Les précipités nanométriques MgxSiy

La formations des précipités de type MgxSiy nanométriques suit la séquence suivante [1-5]:  amas de solutés et/ou zones de Guinier-Preston, cohérents avec la matrice;  précipités métastables ’’, en forme d’aiguille, cohérents avec la matrice;  précipités métastables ’ en forme de bâtonnets, semi-cohérents avec la matrice;  précipités stables -Mg2Si, sous forme de plaquettes, incohérentes avec la matrice. Le magnésium et le silicium sont présents au sein de la solution solide sursaturée. Ils se combinent en amas de solutés riches en Mg et Si. Ces fluctuations de composition, sans interface définie, auraient un diamètre compris entre 1 et 5nm. Leur étude est délicate du fait de leur petite taille. Une question reste à soulever quant à leur dénomination en zones de Guinier-Preston. Ces dernières, visibles dans plusieurs alliages d’aluminium, présentent une structure interne propre, une composition et des interfaces bien définies. Plusieurs auteurs [6, 7] affirment, dans leurs récents travaux, avoir détecté des amas de Mg ou de Si (homo-amas) ou de MgSi (hétéro-amas). Ces amas formeraient, très probablement, des sites de nucléation des phases く’’ [8]. La poursuite du réarrangement des solutés lors d’un vieillissement thermique transforment les zones GP en précipités く’’, sous forme d’aiguilles, mesurant entre 1 à 5 nm de diamètre et entre 10 à 50 nm de longueur. Du point de vue cristallographique, certains auteurs proposent une structure C2/m (monoclinique), avec un motif Mg5Si6. Les paramètres de maille seraient a = 1,516 nm ; b = 0,405 nm ; c = 0,674 nm et く= 105,3°. Du fait de leur forte densité et de leur cohérence avec la matrice (champ de contrainte induit par la différence de paramètre de maille précipité / matrice), ces précipités rendent difficile le mouvement des dislocations. Lors de la poursuite du vieillissement thermique, les précipités く’’ se transforment en précipités く’ sous forme de bâtonnets de taille comprise entre 5 à Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux 8 15 nm de diamètre. Du fait de leur plus grosse taille, la structure cristallographique de la phase く’ est mieux connue : réseau hexagonal de type P63/m de paramètres a = 0,705 nm et c = 0,405 nm. Cette dernière valeur, très proche également du paramètre du réseau g-Al garantit la semi-cohérence des précipités く’ avec la matrice. Les précipités く’ participent également au durcissement structural de l’alliage mais dans une moindre mesure. Les résultats des études les plus récentes montrent qu’en fonction de la composition chimique de l’alliage et des traitements thermiques d’autres types de précipités de type B’, U1, U2 peuvent coexister avec les précipités ’ [1, 4, 9]. Thermodynamiquement, les phases く’’ et く’ sont métastables. Si le vieillissement thermique se prolonge suffisamment longtemps, les solutés Mg et Si se retrouvent in fine dans des précipités く-Mg2Si. Cette phase a une structure cristallographique cubique à faces centrées de paramètre de maille a = 0,639 nm. Cette phase n’est donc pas cohérente avec la matrice. Les précipités く se trouvent dans l’alliage sous forme de plaquettes carrées de quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur et de quelques centaines de nanomètres de longueur de côté. Leur participation au durcissement structural est beaucoup plus faible que celle des précipités く’’ et く’. 

Les précipités Mg2Si grossiers

Des phases stables Mg2Si, dites « grossières » de taille micrométrique se forment lors de la solidification et du refroidissement de l’alliage après coulée. Ces phases n’ont aucun apport en termes de durcissement structural et sont pénalisantes en termes de ténacité. Les traitements à haute température d’homogénéisation et de mise en solution permettent de dissoudre une partie de ces précipités et remettent donc le silicium et le magnésium en solution solide. Les solubilités du Mg et du Si augmentent avec la température, la fraction de Mg2Si grossiers diminue donc jusqu’à une dissolution totale pour des températures généralement comprises entre 550 et 600°C comme représenté sur le diagramme pseudo-binaire Al-Mg2Si (Figure 2). Plus les teneurs en Mg et Si sont élevées, plus la température nécessaire pour la dissolution de tous les précipités est élevée. Cette température ne doit pas dépasser le Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux 9 solidus de l’alliage, pour éviter la fusion des phases ayant les plus bas points de fusion (brûlures). Figure 2 : Diagramme de phase pseudo-binaire Al-Mg2Si [10]. La présence de ces précipités grossiers Mg2Si diminue la quantité de Mg et de Si disponible pour la précipitation des phases く’’ et く’ qui participent au renfort de la matrice, et provoque également une diminution de la ténacité car ils agissent comme des zones de concentration de contraintes. Cette influence sur la ténacité sera décrite dans le paragraphe 

Lorsque la trempe n’est pas suffisamment rapide, des précipités Mg2Si de taille d’environ 1 µm se forment sur les joints de grains. Ces précipités Mg2Si sont dit « hétérogènes de trempe ». 

Les intermétalliques au fer (IMF)

Le fer est présent dans les alliages d’aluminium 6xxx en tant qu’impureté. Sa limite de solubilité dans une matrice d’aluminium est très faible (0,002 % à 20°C). La quasi-totalité du fer présent lors de l’élaboration du métal liquide se retrouve après solidification sous forme de précipités grossiers, appelés intermétalliques au fer : AlFe, AlFeSi et Al(Mn,Cr,Fe)Si principalement. Lassance et Kuijpers [11-13] ont indiqué la présence de deux types d’intermétalliques au fer, de forme et de composition différentes : Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux 10  Phases , monoclinique, qui sont en forme de plaquette avec une longueur de 20 µm et une épaisseur de 0,1-2 µm. La stœchiométrie de cette phase est Al5FeSi. Cette phase apparait lors de la coulée.  Phases  cubiques qui ont une stœchiométrie Al12(FexMn1-x)3Si. Trois types de phases  sont identifiés dans cet alliage : (1) Les phases  formées après la transformation -ont une taille d’environ 1 µm et se présentent comme une chaine de particules rondes situées à l’ancien emplacement des phases ; (2) les phases  formées pendant la coulée ont une forme ellipsoïdale avec une large variation de longueur et une épaisseur de l’ordre de 5 µm. Ces phases ont un rapport Fe/Mn élevé; (3) Les phases  formées dans la matrice d’aluminium durant l’homogénéisation sont uniformément réparties avec une taille moyenne d’environ 50-200 nm. La stœchiométrie pourrait être Al12Mn3Si. Ces phases présentent un rapport Fe/Mn faible. Du fait de leur faible teneur en fer, ces phases sont parfois classées dans la catégorie des dispersoïdes au Mn. Tout comme les précipités Mg2Si grossiers de coulée, les précipités grossiers d’intermétalliques au fer peuvent avoir un impact néfaste sur la ductilité et la ténacité de l’alliage. 

Les dispersoïdes au chrome et au manganèse

Les dispersoïdes au chrome et au manganèse constituent la quatrième classe de précipités. Ces derniers se forment lors de l’étape d’homogénéisation. Ils sont incohérents et répartis de façon homogène. Leur diamètre varie entre 50 et 500nm. Ces derniers existent sous deux formes :  g-Al(Cr-Mn,Fe)Si de structure cubique simple ou cubique centrée. La littérature [14, 15] tend à montrer que lorsque la valeur du rapport des teneurs Fe/Mn ou Fe/Cr est faible la structure cubique simple est privilégiée et inversement pour la structure cubique centrée. La valeur du paramètre de maille vaut entre 12,5 et 12,7Å  g’-AlCrSi de structure cubique faces centrées dont le paramètre de maille vaut 10,9Å [14]. Caractérisations microstructurales et mécaniques des matériaux 11 Les dispersoïdes présentent une bonne stabilité thermique. Ils jouent un rôle d’ancrage des joints de grain ce qui permet d’améliorer la résistance à la recristallisation et à la croissance de grains.

Table des matières

CHAPITRE I INTRODUCTION
I.1 CONTEXTE INDUSTRIEL
I.2 PROBLÉMATIQUE SCIENTIFIQUE
I.3 PLAN DU MANUSCRIT ET MÉTHODES UTILISÉES
CHAPITRE II CARACTÉRISATIONS MICROSTRUCTURALES ET MÉCANIQUES DES MATÉRIAUX
II.1 PHASES CRISTALLOGRAPHIQUES
II.1.1 Les précipités nanométriques MgxSiy
II.1.2 Les précipités Mg2Si grossiers
II.1.3 Les intermétalliques au fer (IMF)
II.1.4 Les dispersoïdes au chrome et au manganèse
II.2 MATÉRIAUX ET TRAITEMENTS THERMOMÉCANIQUES
II.2.2 Traitements thermomécaniques
II.2.3 INFLUENCE DE LA MICROSTRUCTURE SUR LA TÉNACITÉ DE LげAA
II.2.3.1 Ténacité K1C et J1C
II.2.3.2 Influence de la microstructure sur la ténacité
II.3 CARACTÉRISATIONS MICROSTRUCTURALES ET MORPHOLOGIQUES APRÈS FABRICATION
II.3.1 Observations qualitatives en surface
II.3.2 Observations qualitatives par tomographie X
II.3.3 Analyses quantitatives
II.3.4 Conclusions sur la caractérisation microstructurale
II.4 PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES
II.4.1 Étude du comportement mécanique des phases  micro-indentation
II.4.2 Propriétés mécaniques en traction
II.5 BILAN
CHAPITRE III IDENTIFICATION DU MÉCANI“ME DげENDOMMAGEMENT ET CONSÉQUENCE POUR
LげANI“OTROPIE
III.1 ÉVOLUTION DE LげENDOMMAGEMENT DE SURFACE (APPORTS DES OBSERVATIONS SOUS MEB IN-SITU EN TRACTION)
III.1.1 Procédures expérimentales
III.2 ÉVOLUTION DE LげENDOMMAGEMENT DANS LE VOLUME (APPORT DES OBSERVATIONS DES ESSAIS DE TRACTION AE RÉALISÉES
SOUS TOMOGRAPHIE X EX-SITU)
III.2.1 Procédure expérimentale
III.2.2 Résultats
III.3 MÉCANISME DげENDOMMAGEMENT DURANT LA PROPAGATION DE FISSURE (APPORT DE LAMINOGRAPHIE X IN-SITU)
III.3.1 Procédure expérimentale
III.3.2 Résultats expérimentaux
III.4 ANISOTROPIE DげENDOMMAGEMENT (APPORT DES OBSERVATIONS DES ÉPROUVETTES DE TÉNACITÉ)
III.4.1 Procédure expérimentale
III.4.2 Résultats expérimentaux
III.5 BILAN
CHAPITRE IV VALIDATION DES MICROMÉCANISMES ET “IMULATION“ DげENDOMMAGEMENT
IV.1 INTRODUCTION DE LA DEMARCHE METALLURGIQUE DE VALIDATION
IV.1.1 Caractérisation microstructurale des matériaux modèles
IV.1.2 Propriétés mécaniques des matériaux modèles
IV.2 MODÉLISATION DE LA TÉNACITÉ
IV.2.1 Modèles analytiques simples à base physique
IV.2.2 Modèle non-couplé de Rice-Tracey
IV.2.3 Modèle couplé de Gurson-Tvergaard-Needleman (GTN)
IV.3 BILAN
CHAPITRE V CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
V.1 CONCLUSIONS
V.2 PERSPECTIVES
V.2.1 Identification des paramètres du modèle GTN
V.2.2 EaaW
BIBLIOGRAPHIE

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