Comportement hydromécanique d’un loess naturel

Les sols effondrables, comme les sols gonflants, attirent depuis longtemps l’attention des chercheurs de par les problèmes de stabilité qu’ils posent aux bâtiments, aux ouvrages géotechniques et aux infrastructures linéaires. D’après Dudley (1970), Terzaghi et Fröhlich (1936) avaient déjà observé la tendance que peuvent avoir certains sols non saturés à s’effondrer lorsqu’ils sont inondés. Les recherches menées jusqu’à présent sur ce thème et sur le thème plus général de la mécanique des sols non saturés ont permis l’élaboration de lois de comportement couplées hydromécaniques. Mais le développement de ces lois est dans la plupart des cas basé sur des résultats expérimentaux obtenus sur des échantillons reconstitués ou compactés et très peu de données concernent les sols naturels intacts.

La susceptibilité à l’effondrement peut concerner les dépôts alluviaux, colluviaux et les sols éoliens. Le lœss est un dépôt limoneux éolien, transporté dans des conditions périglaciaires et déposé dans des environnements froids de steppe, près des principales nappes glaciaires du Quaternaire, principalement autour du parallèle 50°N dans l’hémisphère Nord, mais aussi en Amérique du Sud. On les rencontre sur des plateaux, des pentes et des grands bassins alluviaux. En Chine, les épaisseurs de “ lœss du Plateau ” peuvent atteindre 300 m. Des dépôts existent aussi dans le plateau de la Sibérie en Russie, dans les bassins des rivières du Danube, du Rhin et du Mississippi (Amérique du Nord) ainsi que dans la Pampa (Argentine) (Pecsi 1990).

Des dépôts lœssiques ont été détectés en France suite à des problèmes d’effondrement sous les fondations de la ligne à grande vitesse (LGV Nord). Ces problèmes sont apparus lors de périodes de pluies intenses en hiver 2001 et au printemps 2002 en relation également avec des fuites d’un système d’écoulement d’eau. Au-delà des travaux de renforcement de sols, la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) et l’équipe géotechnique (CERMES) du laboratoire Navier (Ecole des Ponts ParisTech) ont entamé une étude approfondie sur la problématique d’effondrement de ce loess pour le compte du Réseau Ferré de France (RFF).

C’est dans ce contexte qu’il a été décidé de mener une étude du comportement hydromécanique du lœss naturel, non saturé. Pour ce faire, les blocs de lœss ont été extraits à proximité du remblai de la ligne LGV nord sur un site proche de la ville de Bapaume. Un programme d’essais sur ces échantillons a été effectué à l’aide d’un nouvel appareil triaxial pour les sols non saturés, spécifiquement développé, et permettant le suivi local à mi-hauteur, pendant le chargement, de l’ensemble des variables caractéristiques de l’éprouvette non saturée : déformations axiales et radiales, teneur en eau et succion. Des observations complémentaires sur les propriétés de rétention d’eau et sur la microstructure ont été également réalisées ; elles ont permis la mise en évidence de certains couplages entre les propriétés hydrauliques et mécaniques.

Pendant une longue période, l’étude du comportement des sols non saturés avait été mise à l’écart, au profit des études sur les sols saturés, alors même qu’il existe de grandes étendues de sols partiellement saturés dans le monde. D’après Dudley (1970), Terzaghi et Fröhlich (1936) avaient déjà remarqué la tendance qu’ont les sols partiellement saturés à s’effondrer lorsqu’ils sont inondés. Récemment, l’étude des conditions de non saturation en mécanique des sols a fait l’objet de nombreuses recherches, tant du point de vue expérimental que théorique. En particulier, de nombreux modèles constitutifs tenant compte des phénomènes de couplages entre les composantes mécaniques et hydrauliques du comportement de ces sols ont été développés. Du point de vue expérimental, bien qu’il existe un nombre important d’essais réalisés sur divers types de sols (Maatouk et al. 1995 sur un limon compacté du Québec, Cui et Delage 1996 sur un limon compacté de Jossigny, France, Romero et Vaunat 2000 sur une argile compactée, Cunningham et al. 2003 sur une argile limoneuse reconstituée, Tarantino et De Col 2008 sur une argile compactée, Jotisankasa et al. 2009 sur un limon argileux compacté, entre autres) et faisant appel à des techniques de plus en plus avancées, les échantillons testés sont souvent préparés à partir de matériau reconstitué ou remanié. Ainsi, les données expérimentales sur des échantillons de sol naturels ou intacts sont relativement peu courantes. Les sols naturels non saturés sont pourtant très fréquents dans des régions arides ou semi-arides (Dudley 1970). Dans ces régions, il existe une grande variété de sols non saturés tels que les argiles gonflantes très plastiques (gonflement et retrait suite à des cycles d’humidification et séchage, respectivement), les dépôts alluviaux (risque d’effondrement s’ils présentent une structure très ouverte), les sols colluviaux ou encore les sols éoliens (dont le lœss) entre autres.

Les sols sont formés de particules de sable, de limon, d’argile, d’oxydes colloïdaux et, si le sol se situe à une profondeur faible, de matière organique (Pedro 1976). L’assemblage de ces particules comporte nécessairement des vides (pores). L’existence de cette porosité, qui peut être remplie par un ou plusieurs fluides, confère aux sols un comportent géomécanique particulier. L’eau coexiste avec l’air dans le cas des sols non saturés et l’interface entre l’air et l’eau est constitué de ménisques eau-air qui engendrent un état de succion (ou pression négative) de l’eau dans le sol. La distribution des ménisques dans l’ensemble des contacts n’est pas uniforme et la succion est une contrainte locale. Ainsi, lorsqu’on applique un chargement mécanique sur un échantillon de sol non saturé, il n’existe pas de relation directe entre la contrainte externe appliquée et celle qui se produit entre les particules. La succion matricielle correspond localement à une contrainte agissant sur la surface du ménisque, normale au contact entre les grains. L’action de « collage » de la succion matricielle sur les contacts provoque l’augmentation de la résistance du sol (Jennings et Burland 1962). Si le sol est alors saturé, il perd cette résistance additionnelle due à la succion et l’on observe, pour certains types de sols suffisamment lâches, le phénomène dit d’effondrement (Jennings et Burland 1962) et qui correspond à des déformations volumiques contractantes et irréversibles.

Buckingham (1907) fut le premier à étudier la capillarité dans les sols partiellement saturés. Richards (1928) a défini le potentiel total de l’eau dans les pores du sol comme la somme des potentiels capillaire et gravitationnel. Dans un profil de sol non saturé au-dessus de la nappe phréatique, le potentiel capillaire augmente linéairement à partir de zéro au niveau de la nappe. Le terme potentiel de l’eau, ou succion, concerne toutes les forces capables de retenir l’eau dans la structure du sol. Le potentiel d’eau dans le sol joue un rôle important dans la compréhension du comportement mécanique des sols partiellement saturés et des sols saturés (Alonso et al. 1987).

Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1. Comportement des sols non saturés – Application aux lœss naturels
1.1 Introduction
1.2 Comportement des sols non saturés
1.2.1 Succion dans les sols
1.2.2 Courbe de rétention d’eau
1.2.3 Contraintes dans les sols non saturés
1.2.4 Points faibles du concept de contrainte effective
1.2.5 Variables d’état dans les sols partiellement saturés
1.2.6 Structure des sols partiellement saturés
1.2.7 Aspects du comportement mécanique des sols non saturés
1.2.8 Couplage hydromécanique
1.3 Le Lœss
1.3.1 Le lœss de Bapaume
1.4 Le phénomène d’effondrement
1.4.1 L’effondrement lié aux caractéristiques spéciales des dépôts lœssiques naturels
1.4.2 Caractéristiques de la structure
Chapitre 2. Propriétés de rétention d’eau
2.1 Introduction
2.2 La courbe de rétention d’eau The water retention properties of a natural unsaturated loess from Northern France
Introduction
Results and discussions
Conclusions
2.3 Effet des cycles d’humidification et de séchage sur la microstructure A microstructure analysis of the hysteresis of the water retention curve of a natural loess
Introduction
Tested material, equipment and procedures
Tests results
Discussion
Multiscale modelling of the water retention curve
Conclusions
CONCLUSION

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