L’HOMME-FEMME EN POLYNESIE

L’HOMME-FEMME EN POLYNESIE

Le dictionnaire des Pères maristes de Tonga donne une définition de l’homme-femme, » (Missions Maristes, 1890 : 52). Mais on trouve aussi le terme de fakafāfine dans le dictionnaire tongien-anglais du gouvernement tongien, édité en 1959. Le fakafāfine est utilisé comme adjectif ou adverbe et signifie « comme une femme », « efféminé ». Le terme fakafefine est employé comme verbe et signifie « se conduire comme une femme »1. D’autres mots sont par ailleurs désignés comme synonymes : fakafāite par exemple, qui signifient « comme une femme », « se conduire à la manière de la femme ».

Kerry James travaille sur la société tongienne d’aujourd’hui et selon ses propos le terme d’origine employé pour qualifier l’homme-femme à Tonga était tangata fakafefine. Ce terme désignait « », s’adressant aux hommes qui préféraient le travail des femmes (James, 1994 : 39). Les caractéristiques du tangata fakafefine étaient clairement définies : ces hommes préféraient le travail des femmes et leur compagnie, ils portaient des vêtements de femmes et adoptaient leurs manières, ils n’avaient pas de relations sexuelles avec les hommes, du moins ils n’étaient pas connus pour ça. Les fakafefine excellaient dans le travail des femmes en confectionnant des nattes et des tapas, activités exclusivement féminines. Les ethnologues comme E. Gifford, N. Besnier emploient le terme de fakafāfine pour désigner cet homme qui a des activités de femme et se conduit comme elles. J’utiliserai le terme de fakafefine, car comme l’a précisé K. James, il s’agit du terme d’origine.

Les récits historiques

Alors que les comptes rendus historiques sur le māhū tahitien sont relativement nombreux, bien que discontinus, les sources tongiennes sont quant à elles presque silencieuses sur le sujet du fakafefine à Tonga. Le fait est d’ailleurs aussi observable pour les autres personnages similaires en Polynésie Occidentale en général. Pourtant les efféminés sont bien présents aujourd’hui dans cette région et en nombre important. Ainsi en 1805, le jeune marin anglais William Mariner ne mentionne nulle part le fakafefine, il précise même que les Tongiens « know nothing of certain preposterous habits…which have been said to infecty the natives of some south seas islands » (Martin : 1817). De même le fakafefine n’est pas mentionné dans les comptes rendus des missionnaires qui débutèrent vers 1820, alors que ceux-ci ont décrit avec force détails certaines pratiques tongiennes, en particulier toutes celles qui faisaient apparaître les Tongiens comme des âmes abandonnées aux ténèbres et qu’il fallait sauver. Kerry James note ainsi que l’on ne trouve dans une liste de vocabulaire tongien : le « nom » fakafāfine est défini comme « un monstre » alors que l’adjectif « fakafefine » signifie « efféminé » ou est employé comme un verbe dans le sens « d’agir comme une femme » (James, 1994 : 42). Mais les missionnaires ne donnent pas plus de détails sur ce qui à l’époque devait être considéré par eux comme une perversion sexuelle, un fait contre nature. de 1920 il y a une confusion des termes pour désigner le fakafefine. Puis K. James précise que le fakafefine n’est plus mentionné dans les publications de 1920 à 1960. La rareté des témoignages historiques concernant le fakafefine à Tonga ne permet pourtant pas de mettre en doute l’existence d’un tel personnage dans la société tongienne classique. Le fakafefine était probablement présent avant le contact avec l’Occident mais leur nombre paraît avoir été beaucoup plus restreint qu’à Tahiti (Ibidem : 39).

LE MĀHŪ A TAHITI

Les mythes et traditions orales maohi restent étonnamment muets sur le personnage du māhū. Ainsi toutes les spéculations ont été possibles quant à la présence d’un tel personnage au sein de la société. L’ethnologue Bruno Saura, dans un article consacré aux « Fleurs mâles de Bora-Bora » rapporte deux hypothèses populaires émises par les Tahitiens quant à l’existence des māhū1. La première selon laquelle l’origine des māhū viendrait de la croyance liée aux menstrues des femmes : à cause de leur impureté elles ne pouvaient toucher la nourriture ou les objets des hommes : elles devaient donc être remplacées. Ainsi « les hommes ont alors eu l’idée de transformer l’un des leurs en « demi-féminin » afin qu’il assume les taches féminines. Ça devait être un personnage asexué, sans attirance pour les femmes ». La seconde explication sur l’origine des māhū se base sur les guerres tribales : « les vainqueurs massacraient tous les hommes de la tribu vaincue. Les femmes déguisaient alors un petit garçon en fille, les vainqueurs n’y voyant que de feu, et à la puberté le māhū avait pour mission de reproduire la tribu » (Ibidem).

Ces deux hypothèses sont peu crédibles. D’une part, on peut se demander pourquoi les hommes auraient utilisé un demi féminin pour effectuer des taches féminines alors qu’ils pouvaient le faire eux-mêmes. On ne peut bien évidemment pas expliquer la présence de l’efféminé par des hypothèses aussi simples. Par ailleurs ces deux hypothèses se contredisent car dans la première le māhū doit être asexué et ne pas avoir de rapports avec les femmes alors que dans la seconde il a un rôle de reproducteur, il prend la place des hommes. Or les premiers voyageurs avaient bien noté que le māhū était comme les femmes. Ainsi il est donc difficile au travers de ces récits de se faire une idée précise du statut du māhū dans cette société.

Le dictionnaire tahitien-anglais de la London Missionary Society de 1851, ne donne pas moins de 6 définitions pour le terme de māhū. Ce mot peut par exemple signifier « une brume ou un brouillard sur les collines », « le nom d’un plat à base de taro » ou encore « doux, affable, non irritable ». Mais il peut aussi être employé comme verbe et signifier « supporter, endurer » ou « cesser, stopper »1. Aucune définition de ce terme ne mentionne l’homme efféminé ou travesti. En 1995, Yves Lemaitre dans Le lexique du Tahitien contemporain, mentionne le terme de mahu en tant que verbe : « cesser de couler, tarir » (1995 : 68). Mais il mentionne aussi une autre orthographe du mot : māhū. Ce dernier terme désigne d’une part « un homme travesti, un homme.

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