Test rhéologique et essai sur le modèle numérique

La chirurgie laparoscopique – besoins en simulation

Les progrès réalisés ces dernières années en chirurgie ont été marqués par un nouveau type de chirurgie dite chirurgie non invasive. En effet, la tendance générale en chirurgie est de réduire les traumatismes des opérations, en diminuant notamment la taille de l’accès de la zone à opérer. En chirurgie endoscopique, le principe revient à ne pas ouvrir le corps du patient comme on avait l’habitude de le faire, mais à pratiquer des micro incisions qui serviront de passage pour l’insertion d’outils chirurgicaux (pinces, ciseaux, aspirateurs, pointes coagulantes, etc.). Le premier constat est que la vision directe de la zone d’intervention du chirurgien est supprimée. Par conséquent, il est nécessaire d’introduire une micro caméra par l’un des trocarts : c’est ce qu’on appelle l’endoscope. Cet endoscope est raccordé par un faisceau de fibres optiques ou via une caméra CCD à un moniteur couleur et on visualise l’image prise par la caméra. On visualise ainsi l’intérieur du corps du patient : le chirurgien opère donc via un écran vidéo (figure 1.1). C’est une technique qu’il faut maîtriser, de nou- veaux repères, de nouvelles sensations qu’il faut acquérir. Pour cela il faut s’entraîner, et le malade n’est certainement pas le cobaye idéal pour faire ses premiers pas. La plupart des chirurgiens se sont entraînés sur des animaux, en particulier des cochons.

Si on fait abstraction de toutes questions éthiques, les animaux ont été un bon moyen d’apprentissage, mais à l’heure actuelle, il est interdit d’opérer des animaux dans nombre de pays, et le coût est élevé. Il est encore possible d’opérer sur des cadavres humains, mais on perd énormément de réalisme du fait de l’absence de saignement, de respiration et de battement cardiaque, et leur coût reste élevé. Les médecins peuvent s’entraîner sur des systèmes mécaniques prévus à cet effet, nommés « endotrainers ». Les endotrainers permettent au chirurgien d’utiliser les mêmes types d’instruments que ceux qui sont utilisés en chirurgie mini-invasive, insérés par les ouvertures d’une boîte transparente. Le chirurgien peut ensuite interagir avec des objets en plastique représentant les divers organes. Ceci constitue une approximation très grossière mais surtout statique de la réalité, qui ne restitue pas la nature dynamique des tissus, la déchirure potentielle des organes et autres facteurs. Les chirurgiens n’ont donc plus de choix : en l’absence d’autres méthodes d’entraînement réalistes, ils font leurs premiers essais sur le malade, c’est le cas des méthodes d’apprentissage par compagnonnage.

Les risques d’erreurs sont donc beaucoup plus importants et le danger d’une médecine à deux vitesses n’est pas à écarter : les chirurgiens expérimentés seront beaucoup plus chers que les novices. Il est donc indispensable que les chirurgiens aient rapidement une bonne maîtrise de leurs instruments et des gestes opératoires avant d’opérer leur patient. Il en va de la santé du malade et de la crédibilité de la chirurgie. C’est pourquoi on a recours à la simulation, surtout que les techniques opératoires de la chirurgie mini-invasive ne nécessitent pas de visualisation directe du champ opératoire. Les simulateurs chirurgicaux restent un environnement sûr et confortable pour l’apprentissage. Ces simulateurs permettent, en plus de l’apprentissage des gestes de manipulation des instruments chirurgicaux, de provoquer des événements inattendus à n’importe quel moment, l’élève chirurgien pourra donc être confronté à des difficultés qui ne sont rencontrées que très rarement lors des opérations réelles. Un simulateur chirurgical peut même servir à un chirurgien expérimenté, ce dernier pourra se préparer en amont d’une opération chirurgicale délicate pour avoir la main lors de l’intervention directe avec le patient. Enfin, un simulateur chirurgical sert à standardiser l’évaluation en chirurgie à partir de critères précis.

Simulateurs existants

La simulation est couramment utilisée dans le domaine de l’aviation commerciale puisqu’elle est la méthode la plus rentable pour former les pilotes. Les pilotes doivent atteindre un certain degré d’adresse dans le simulateur avant d’être autorisés à voler aux commandes d’un avion particulier et doivent passer régulièrement des épreuves de compétence dans le simulateur pour conserver leur brevet. Les Forces armées utilisent des techniques semblables pour favoriser l’acquisition des habiletés de base. Elles considèrent également que la simulation est utile dans la formation visant l’acquisition des habiletés de combat dans des situations tactiques complexes. La collectivité médicale commence à utiliser la simulation dans quelques domaines pour former certaines catégories de personnel médical telles que les chirurgiens et les anesthésistes. De nombreux simulateurs chirurgicaux sont déjà mis sur le marché par un certain nombre de sociétés, et sont toujours des sujets de recherche et de discussion dans des grands centres de recherche. Le premier simulateur de chirurgie laparoscopique pourrait être le Minimally Invasive Surgery Trainer (MIST), développé dès 1995 et commercialisé en 1997 par la société Virtual Presence Ltd. C’est un simulateur simple qui consiste surtout à reproduire l’in- terface habituelle du médecin et lui permettre d’apprendre à manipuler et à connaître les organes représentés.

Ce simulateur est caractérisé par son environnement pédagogique permettant aux étudiants de bien se familiariser avec les instruments de la chirurgie laparoscopique. Ce simulateur a bénéficié de nombreuses améliorations après l’acquisition des activités médicales de Virtual Presence Ltd par la société Mentice1. Après Virtual Presence Ltd, un grand nombre d’entreprises se sont lancées dans la simulation de chirurgie. C’est le cas de la société Boston Dynamics, dont les simulateurs de chirurgie avec retour d’effort permettent la simulation d’arthroscopie. Certains simulateurs proposent des modèles déformables, généralement surfaciques. Le modèle déformable le plus utilisé étant le modèle masse-ressort, du fait de la simplicité de sa mise en oeuvre. L’opération la plus simulée est la cholécystectomie c’est-à-dire l’ablation de la vésicule biliaire, disponible sur le LapChole de la société Xitact2, le LapSim de Surgical Science3 ou encore le RLT de ReachIn4. Le produit Virtual Patient de Xitact permet de simuler des gestes de chirurgie miniinvasive avec retour d’effort. Ce simulateur est issu des recherches menées par l’équipe des professeurs Hannes Bleuler et Reymond Clavel de l’Institut de Systèmes Robotiques5 de Lausanne (EPFL).

Le RLT de ReachIn est un simulateur de chirurgie laparoscopique avec retour d’effort, et peut être utilisé pour un grand nombre d’applications. On trouve aussi des simulateurs d’opérations gynécologiques ou d’appendicectomie comme par exemple le LapMentor de la société Simbionix6 ou le VSOne de Select-It7. La société Simbionix commercialise aujourd’hui quatre simulateurs, le GI Mentor pour l’endoscopie, le PERC Mentor pour la radiographie et la fluographie, le URO Mentor pour l’urologie, et le Lap Mentor qui est un simulateur multidisciplinaire pour un entraînement à la chirurgie laparoscopique. Le VSOne de Select-It a été réalisé dans le cadre de KISMET à l’université de Karlsruhe. Il a été conçu comme un prototype de chirurgie laparoscopique abdominal [Kuh96] [Küh97]. Il a été ensuite étendu à la chirurgie gynécologique avec les travaux de thèse de H.K. Çakmak [Çak00][Küh99]. Il est caractérisé par une interaction complète avec les modèles déformables. Il utilise un système de retour d’effort développé dans la même université. De manière générale, les produits commercialisés de nos jours sont basés sur des modèles relativement simplifiés, afin de garantir une bonne fluidité de la visualisation et du retour d’effort. Le laboratoire d’Informatique Fondamentale de Lille (LIFL) a développé un simulateur de coelioscopie gynécologique SPIC muni d’une interface sans retour d’effort[Mes00].

Le modèle éléments finis La méthode des éléments finis apparaît comme la plus intéressante pour simuler des déformations mécaniques avec une bonne précision physique. Elle est basée sur un modèle volumique et continu de matière : le système est découpé en un maillage d’éléments volumiques et à l’intérieur de chaque élément les champs de forces et de déplacements sont approximés par des fonctions d’interpolation continues. Elle offre aussi une certaine flexibilité, car à l’aide du choix des fonctions d’interpolation il est possible de modifier la précision des calculs tout en conservant le même maillage. Malheureusement les calculs qu’elle implique sont en général lourds et on a longtemps considéré que cette méthode était inutilisable pour des applications en temps réel. Pour des renseignements généraux concernant la mécanique des milieux continus et la méthode des éléments finis, le livre de [Rap98] est particulièrement intéressant. Bro-Nielsen et Cotin ont démontré le contraire en introduisant un certain nombre d’innovations [Bro98]. Avec un modèle mécanique élastique linéaire, _ = E » où _ représente le tenseur des contraintes,  » celui des déformations et E le module d’Young, la discrétisation en éléments finis des équations d’équilibre d’un système volumique conduit à un système linéaire d’équations de dimension 3n, n étant le nombre de noeuds du maillage : f = Ku où u est le champ des déplacements dans le système, f est le champ des forces extérieures appliquées au système, K est la matrice de raideur du système. Bro-Nielsen et Cotin ont introduit une condensation de ce système, consistant à extraire les noeuds de surface.

En effet, seuls les noeuds de surface jouent un rôle dans la visualisation du résultat ou le retour de forces. La dimension du système à résoudre tombe ainsi à 3 ns, ns étant le nombre de noeuds de la surface du maillage. La matrice est alors inversée explicitement. Cette opération est très longue, mais elle peut être effectuée dans une phase préliminaire de pré-calculs. Puis au cours de la phase de simulation en temps réel, la matrice inversée est utilisée pour le calcul des déplacements. Le produit est rapide à effectuer car le vecteur force contient en général un grand nombre de termes nuls. Le comportement obtenu est quasi-statique, car on a supposé le système à l’équilibre. Cette méthode qui permet de réaliser des applications en temps réel s’avère inutilisable lorsque la topologie du maillage change. Or, pour des simulateurs chirurgicaux, le maillage doit pouvoir être déchiré, coupé…etc. ce qui engendre une nouvelle matrice de raideur et alors, les pré-calculs effectués ne sont plus utilisables. Récemment, de nouveaux modèles à éléments finis autorisant les changements topologiques ont été introduits, il s’agit des modèles masses tenseurs.

Table des matières

Résumé
Abstract
Remerciements
Introduction
1 Les simulateurs chirurgicaux
1.1 La chirurgie laparoscopique – besoins en simulation
1.2 Classification des simulateurs médicaux
1.3 Principes techniques d’un simulateur chirurgical
1.4 Simulateurs existants
1.5 Problématiques
2 Modélisation temps réel des organes
2.1 La modélisation des corps déformables
2.1.1 Critère pour un bon modèle déformable
2.1.2 Modèles non-physiques
2.1.3 Modèle déformable physique
2.2 Principaux modèles déformables
2.2.1 Le modèle masse ressort
2.2.2 Le modèle éléments finis
2.2.3 Le modèle masse tenseur
2.2.4 Le modèle à barres
2.2.5 Comparaison des différents modèles
2.3 Le modèle masse-ressort-amortisseur détaillé
2.3.1 Maillage
2.3.2 Homogénéité des masses
2.3.3 Identification des raideurs
2.3.4 Test rhéologique et essai sur le modèle numérique
2.3.5 Limitations du modeles
2.4 Intégration numérique
2.4.1 Intégration explicite
2.4.2 Intégration implicite
2.4.3 La méthode d’Euler retrograde
2.4.4 Résolution par la méthode du point fixe (Point fixe de Banach)
2.5 Conclusion
3 Modèle viscoélastique non-linéaire de déformation
3.1 Introduction
3.2 Rappels de la Mécanique des Milieux Continus
3.2.1 Rappel des tenseurs
3.2.2 Rappel de la loi de Hooke
3.2.3 Elasticité non linéaire : L’hyperélasticité
3.3 La méthode Masse liaison étendue
3.3.1 Configurations initiale et déformée
3.3.2 Gradient de déformation, Tenseurs de dilatation et de déformation
3.4 Algorithme et implémentation
3.5 Validation de la méthode
3.5.1 Résultat analytique
3.5.2 Comparaison analytique-numérique
3.6 Le modèle Visco-élastique
3.6.1 Différents modèles de Viscoélasticité
3.6.2 Formulation Viscoélastique
3.7 Conclusion
4 Interaction avec les organes modélisés
4.1 Introduction
4.2 Détection des collisions
4.2.1 Méthodes de détection de collision approximative
4.2.2 Méthode choisie
4.3 Gestion des collisions
4.3.1 Méthodes classiques de gestion des collisions
4.3.2 Implémentations testées pour la gestion des collisions
4.3.3 Temps réel et stabilité
4.4 La découpe
4.4.1 Les trois méthodes pour la découpe
4.4.2 Les méthodes implémentées
4.5 Conclusion
5 Système haptique dédié à la chirurgie virtuelle
5.1 Les interfaces haptiques
5.2 Les interfaces haptiques pour l’apprentissage du geste chirurgical
5.3 Conception d’une nouvelle interface : trocart actif
5.3.1 Les gestes du chirurgien – analyse du besoin
5.3.2 Analyse fonctionnelle d’une nouvelle interface
5.3.3 Contraintes techniques et réalisation du cahier des charges
5.4 Réalisation du dispositif
5.4.1 L’architecture mécanique
5.4.2 Choix des composants
5.4.3 Architecture électronique
5.4.4 Commande du trocart actif
5.4.5 Validation du prototype
5.5 Conclusion
Conclusion Générale et Perspectives
Bibliographie

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