Comprendre le fonctionnement de la régulation (QR2)

Comprendre le fonctionnement de la régulation (QR2)

L’une des caractéristiques fondamentales de la régulation souple que nous avons relevée dans le premier chapitre est son adaptabilité à la situation de chaque régulé (Ayres et Braithwaite, 1992; Drahos et Krygier, 2017; Scott, 2017). En outre, les intermédiaires opèrent le plus souvent dans des chaines complexes de régulation impliquant des régulateurs secondaires (Havinga et Verbruggen, 2017). Comprendre le fonctionnement d’un régime de gouvernementalité employant des dispositifs de régulation souple intermédiée (QR2) implique par conséquent de rendre compte de la manière dont ces dispositifs sont adaptés localement par les régulateurs secondaires et utilisés par les régulés. Si notre analyse de la transformation de la régulation au cours du Plan triennal (QR1) permettait de saisir la technologie et les processus d’ensemble de ce régime de gouvernementalité, elle considérait l’adoption et la réinterprétation des cadres d’organisations véhiculés par les dispositifs de régulation souple (Wedlin et Sahlin, 2017) simplement comme des produits des processus mis en mouvement par cette technologie. Or, pour répondre à notre deuxième question de recherche (QR2), il convenait d’examiner également comment les régulateurs secondaires et les régulés ont dirigé ces processus, c’est-à-dire comment ils se sont appropriés les dispositifs de régulation pour conduire le changement de cadre d’organisation visé par le virage ambulatoire. Nous allons voir successivement comment nous avons abordé cette appropriation au niveau des régulateurs secondaires puis au niveau des établissements régulés.

Comprendre le fonctionnement de la régulation secondaire

Nous avons noté au deuxième chapitre que, dans le cadre du Plan triennal, les régulateurs primaires se sont positionnés comme animateurs de deux réseaux, celui des ARS et celui des CRAM, qu’ils ont essayé de coordonner. Ce positionnement laissait aux ARS et aux CRAM une grande latitude dans la définition des actions à conduire pour atteindre les objectifs contractualisés dans les CPOM État-ARS et dans les CPG. Les ARS et les CRAM demeuraient ainsi libres de déterminer le niveau de contrainte juridique et financière qu’elles souhaitaient imposer aux établissements relevant de leur compétence territoriale afin d’accélérer le virage ambulatoire dans leur région. En effet, la fixation des objectifs du virage ambulatoire aux établissements, tout comme l’allocation éventuelle de crédits exceptionnels pour soutenir financièrement cette transition, dépendaient des CPOM signés entre les ARS et les établissements de santé. De la même manière, l’initiative des MSAP ou des contrôles d’application de la circulaire frontière était du ressort des services déconcentrés de l’Assurance Maladie. Les dispositifs de régulation dure touchant au virage ambulatoire pouvaient donc varier d’une région à l’autre. Pareillement, nous avons noté que les ARS se sont diversement saisies des dispositifs de régulation souple proposés par l’ANAP. Certaines ont ainsi largement relayé les outils de monitorage conçus par l’ANAP alors que d’autres n’ont pas ou peu favorisé leur diffusion. Les ARS ont aussi fait un usage hétérogène des modalités d’appui de l’ANAP, puisque que la sélection des établissements devant participer au mentorat ne s’est pas faite partout à l’identique, et que ces établissements ont été les principaux utilisateurs des autres modalités d’appui de l’ANAP. En outre, les ARS se sont différemment associées à la mise en œuvre de ces modalités. Comprendre le fonctionnement de la régulation secondaire qui s’est opérée dans le cadre du Plan triennal requiert par conséquent d’expliciter les multiples formes d’articulation entre régulation dure et souple qui ont été constituées à l’échelon régional.

Pour rendre compte de cette diversité et tenter de l’expliquer, nous avons bâti une typologie des modes de fonctionnement régionaux du Plan triennal. Pour nous aider dans l’élaboration de cette typologie, nous avons utilisé, en application de la méthode décrite par Miles et al. (2014), une matrice de regroupement conceptuel. La matrice de regroupement conceptuel est un outil analytique permettant de résumer la diversité d’un ensemble de cas sur quelques variables correspondant aux questions que se pose le chercheur. Avant de construire une telle matrice, il est d’abord nécessaire d’identifier les variables à retenir et de lister dans un même tableau les données de chacun des cas sur chacune de ces variables. Puisque nous cherchions à savoir comment les dispositifs de régulation du Plan triennal avaient été articulés à l’échelon régional pour promouvoir le virage ambulatoire, nous avons pris comme variables d’analyse les trois types de dispositifs de gouvernement du Plan qui avaient été déclinés régionalement : la contractualisation, le monitorage et l’accompagnement. Nous avons donc extrait de notre structure générale les données concernant l’usage des ces dispositifs dans chaque région et nous les avons placées dans un même tableau avec, en ligne, le nom des régions, et, en colonne, les trois variables. Nous avons ensuite, conformément aux recommandations de Miles et al. (2014), cherché des points communs et différenciateurs entre les régions sur chaque variable. Nous en avons induit plusieurs modalités types de chacune des variables sur l’ensemble des régions26. En indiquant ces modalités dans notre tableau, nous avons obtenu la matrice de regroupement conceptuel pour le fonctionnement régional du Plan triennal.

 

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