Conséquences physiopathologiques de la dysbiose associée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Conséquences physiopathologiques de la dysbiose
associée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 

 Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont composées de 2 pathologies : la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH). Leur prévalence est de l’ordre de 1/1000 en Europe occidentale. Elles touchent la population jeune avec le plus fréquemment l’apparition de la maladie entre 20 et 40 ans. L’évolution des MICI est imprévisible, marquée par des alternances de périodes de poussées, plus ou moins sévères, et de remissions. Le suivi, sur 25 ans, d’une cohorte de patient atteints de MC, a permis d’évaluer à 80% les patients ayant une poussée intense l’année d’entrée dans la maladie (2). Chaque année, seule la moitié des patients est en rémission. Ce pourcentage est stable au cours du temps, chaque patient évoluant d’année en année entre poussée et rémission. Après 20 ans d’évolution, 15% des patients sont devenus incapables de travailler. Trois phénotypes évolutifs de la MC ont été individualisés : la forme sténosante, la forme perforative et la forme inflammatoire (3, 4). Le phénotype se modifie, dans près de 50% des cas à 5 ans, passant du phénotype inflammatoire au phénotype sténosant (12%) ou perforatif (40%) (4, 5). Après 20 ans d’évolution, seul 12% des patients conservent un phénotype inflammatoire. Globalement, prés de 80% des patients atteints de MC auront recours à la chirurgie et 10% nécessiteront une stomie définitive, principalement lié à l’évolution vers un phénotype sténosant ou perforatif, au cours de l’histoire de leur maladie. Chez les patients atteints de RCH, les lésions restent généralement superficielles; la colectomie est requise pour 10% à 30% des patients. Le pronostic est difficile à déterminer. La mortalité des patients atteints de RCH n’est pas supérieure à celle de la population, contrairement aux patients atteints de MC qui ont une mortalité plus grande que la population générale. 

Histoire naturelle et stratégies thérapeutiques 

L’évolution de la MC est marquée par la survenue de sténoses, de perforations intestinales ou de lésions ano-périnéales, nécessitant souvent le recours à la chirurgie (4, 5). L’âge moyen au diagnostic se situe entre 20 et 40 ans, la MC peut ainsi durer plus de 50 ans dans le monde occidental. Par conséquent, l’identification des critères prédictifs à travers une aussi longue période reste difficile. Cependant, l’évaluation de la sévérité de la MC ne doit pas être faussée par la prise en compte d’événements occasionnels (6). Par exemple, un patient peut être opéré une fois, puis obtenir une longue phase de rémission. La MC est souvent très active au cours des premières années, devenant par la suite de plus en plus stable (2). On peut considérer chaque complication de la MC comme un   phénomène de courte durée sans récidive, (7) et, en l’absence de séquelles importantes, un tel événement ne devrait donc pas être considéré comme un marqueur de maladie grave. Ces maladies chroniques et invalidantes représentent un défi majeur pour les cliniciens confrontés à des patients complexes. Les multiples aspects de la maladie nécessitent en effet une mise à jour constante pour les gastro-entérologues qui prennent soin des patients atteints de MC comme de RCH. La plupart des stratégies thérapeutiques actuelles visent à éviter les complications à court terme. Ces stratégies thérapeutiques n’ont donc pas modifié de façon significative l’histoire naturelle des MICI. Dans le sillage d’autres maladies chroniques, comme la polyarthrite rhumatoïde, le but de la thérapie est maintenant de passer du simple contrôle des symptômes à la modification de l’histoire naturelle pour éviter d’endommager l’intestin. Une approche visant la cicatrisation muqueuse endoscopique voire histologique est maintenant proposée. Elle est associée à un contrôle rigoureux de l’inflammation basé sur le suivi des symptômes et des biomarqueurs (8). De nombreuses options thérapeutiques sont offertes aux médecins et patients, et les traitements les plus efficaces doivent être instaurés afin de stopper la progression de la maladie ou d’empêcher la survenue de complications (9). Les cliniciens doivent toujours garder à l’esprit que la moitié des patients atteints de MC nouvellement diagnostiqués développera des complications (sténoses, abcès et /ou fistules) à 10 ans (4, 5). L’étape initiale et cruciale dans la gestion des cas les plus difficiles doit toujours favoriser l’optimisation des traitements médicaux conventionnels. En effet, notre arsenal thérapeutique pour les maladies chroniques est encore limité (5ASA, corticothérapie, thiopurines, methotrexate, anti-TNF, chirurgie) malgré l’arrivée de nouvelles biothérapies telles que le vedolizumab et le golimumab (10). La quête de marqueurs cliniques comme biologiques apparait essentielle à notre époque où l’on met en œuvre une prise en charge de plus en plus personnalisée du patient. Ces marqueurs nous servent à évaluer les patients nécessitant un traitement intensif d’emblée pour prévenir le risque d’évolution péjoratif de la maladie vers la sténose, la perforation, voire le cancer. Les marqueurs nous aident également à prédire si un patient peut bénéficier de la reprise d’un traitement en post opératoire et enfin à savoir quand arrêter certains traitements afin d’éviter les effets secondaires et les risques inutiles. Ces questions représentent le quotidien des praticiens dans la gestion de ces patients et y apporter des réponses permet d’améliorer leur prise en charge. Ces marqueurs sont donc d’une importance essentielle en termes de management thérapeutique. Il parait important de traiter plus intensément les patients dont la maladie est potentiellement plus sévère sans surtraiter les autres. 

Facteurs prédictifs de la maladie

Facteurs prédictifs de l’évolution

 Cette question a été étudiée dans 2 cohortes de centres de références (11, 12) et dans des cohortes de populations (13-15). Dans les études de cohortes, l’âge au diagnostic, la localisation de la maladie, la consommation de tabac sont des marqueurs connus. Trois facteurs cliniques au moment du diagnostic ont été associés à une évolution péjorative au cours des 5 années suivantes : l’âge< 40 ans, la présence de lésions périnéales et le recours aux corticoïdes lors de la première poussée (11, 14, 16). Dans la cohorte de patients atteints de MC de l’hôpital St Antoine, le pronostic à long terme n’est pas lié à des caractéristiques anatomiques de la maladie, à l’exception de l’atteinte rectale. Le tabagisme et le faible niveau d’éducation sont associés à une évolution plus grave de la maladie. En outre, cette étude démontre qu’un âge supérieur à 40 ans au diagnostic et la durée de la maladie plus longue sont associés à une évolution moins sévère (17). L’évolution à long terme de la MC est faiblement prévisible par des facteurs cliniques. Parmi les facteurs associés à une évolution grave de la MC, le tabagisme demeure le facteur le plus difficile à surmonter pour les patients. Avant l’ère des études d’association génomique, le rôle des facteurs génétiques dans la sévérité des MICI a été étudié par comparaison des MICI familiales et sporadiques. Même en cas de parent atteint d’une MICI, la gravité de la MC n’est pas affectée par l’histoire de la famille (18). L’identification des facteurs génétiques pronostiques dans les MICI est une option très attrayante car ils sont présents avant même le début de la maladie. Leur avantage principal est leur stabilité à long terme, ce qui n’est pas le cas pour de nombreux autres facteurs prédictifs tels que les paramètres cliniques ou les marqueurs sérologiques. Cependant, malgré un nombre croissant de loci de susceptibilité identifié dans les MC et les RCH, très peu ont été associés à l’histoire de la maladie. La présence d’un polymorphisme de NOD2 est associée à une évolution clinique plus agressive de la MC; c’est à dire un risque plus élevé de sténoses intestinales, un besoin plus tôt d’une première chirurgie et une période de rémission réduite en post-opératoire (19-21). Les polymorphismes des gènes de multi-drug resistance 1 (MDR1), de TNF et d’inhibiteurs de facteurs de migration sont associés une maladie réfractaire aux corticostéroïdes (22-24). En dépit de leur attrait, les marqueurs génétiques ne seront probablement jamais en mesure de prédire totalement l’évolution des MICI et leurs complications, en raison du rôle important des facteurs environnementaux dans la pathogenèse de la maladie. Mais ils pourraient être associés à d’autres facteurs, tels que les données cliniques ou microbiologiques, afin de construire des outils composites de prédiction pertinents. 

Facteurs prédictifs de récidive : le modèle de la récidive post-op 

La récidive post-opératoire peut être définie de différentes manières : endoscopique, radiologique, clinique ou chirurgicale. Le risque cumulé de récidive clinique post opératoire est de 30 à 50% à 5ans et 45 à 70% à 10ans selon les études (33, 34). La rechute clinique est précédée d’une rechute endoscopique, localisée au niveau de l’anastomose et en amont, sur le segment iléal. Les facteurs prédictifs de récidives ont, pour la plupart, été étudiés en post opératoire. Plusieurs facteurs ont été identifiés dont un des plus important reste le tabagisme, avec en moyenne un risque doublé en cas de poursuite du tabagisme actif (35, 36). D’autres facteurs cliniques de récidive post opératoire ont été mis en évidence comme un antécédent de résection, la longueur de grêle réséqué, une maladie non colique, l’ancienneté de la maladie.(35, 36) Le groupe REMIND (groupe de recherche sur les maladies inflammatoires digestives) constitue une cohorte depuis 2010 appelée POP REMIND dans le but d’identifier les facteurs prédictifs de la récidive post opératoire de la MC. Les facteurs étudiés sont cliniques, biologiques, microbiologiques, immunologiques, histologiques et endoscopiques. Les premiers résultats, concernant les facteurs cliniques, ont été présentés récemment, correspondant au risque de récidive endoscopique à 6 mois de l’intervention. Une récidive endoscopique (score de Rutgeerts >1) était observée chez 44% des patients. Le sexe féminin, la présence d’une sténose ou d’une fistule étaient protecteurs de la 17 récidive endoscopique et le tabagisme était un facteur aggravant de ce risque (Allez et al. JFHOD 2015). Une autre étude, réalisée par le GETAID (Groupe d’étude thérapeutique des affections inflammatoires digestives), a été réalisée récemment combinant les différents éléments cliniques et biologiques afin de déterminer les facteurs prédictif de rechute après l’arrêt de l’infliximab chez des patients en rémission clinique (1). L’identification d’un groupe à haut risque de rechute pouvait être faite à l’aide d’une combinaison de facteurs de risques (sexe masculin, absence de résection chirurgicale, leucocyte, hémoglobine, CRP, calprotectine fécale). Sur le plan biologique, au cours de la RCH, dans une situation pré-opératoire, un niveau élevé de pANCA est associé à un risque de pochite chronique (37). Le dosage de pANCA pourrait également être utile pour prédire la réponse aux anti-TNF puisque le statut négatif est indépendamment associée à la réponse précoce à ce traitement au cours de la RCH (38). D’autres marqueurs biologiques ont été étudiés. Récemment, les résultats des dosages de calprotectine fécale et de CRP ultra sensible ont été présentés. La calprotectine fécale a une très forte valeur prédictive négative de récidive post opératoire dans l’année suivant la chirurgie et pourrait permettre d’éviter une coloscopie chez une partie des patients (Boschetti et al. JFHOD 2015).

Table des matières

Remerciements
Abréviations
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
I. Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
1) Généralités
2) Histoire naturelle et stratégies thérapeutiques
3) Facteurs prédictifs de la maladie
a. Facteurs prédictifs de l’évolution
b. Facteurs prédictifs de récidive : le modèle de la récidive post-op
II. Le microbiote intestinal
1) Ecologie intestinale
2) Structure
3) Techniques d’études
III. Rôle de l’écosystème intestinal dans la physiopathologie des MICI
1) Implication du microbiote.
a. Etudes observationnelles humaines
b. Etudes animales
2) Mécanismes impliqués
a. Les bactéries et produits bactériens
b. Les peptides antimicrobiens
c. Les acides biliaires
d. Les phages
e. Les nutriments.
f. Autres mécanismes
IV. Objectifs
DEUXIEME PARTIE
Etude STORI : la dysbiose marqueur prédictif de récidive
Les acides biliaires : conséquences au cours de la dysbiose
Les peptides anti-microbiens
DISCUSSION, CONCLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
la dysbiose marqueur prédictif de récidive
Modification des acides biliaires et conséquence au cours de la dysbiose
Les peptides antimicrobiens aux cours des MICI
Discussion générale et perspectives
ANNEXES.
REFERENCES

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