Contexte et theorie de la contamination particulaire

L’industrie des « salles propres » est née d’un besoin industriel dans les années 1960. A l’époque, le développement de nouvelles technologies de plus en plus sensibles incita les usines de production à se questionner sur l’influence de l’environnement sur la qualité des produits. Les recherches montrèrent, entre autre, le rôle déterminant de la température, de la pression et de l’humidité dans la qualité des procédés mais également la présence néfaste des poussières pour garantir la fiabilité des produits manufacturés. Les poussières sont aujourd’hui plus largement regroupées sous la dénomination de particules, et leur présence indésirable sous les termes de contamination particulaire. La construction de salle à environnement contrôlé s’est alors développée, et de nombreuses industries y ont porté un intérêt croissant : la micro-électronique fut notamment un acteur majeur dans l’essor des salles blanches, aujourd’hui connues sous le nom de salles propres.

L’évolution du domaine du spatial au cours des dernières décennies du XXème siècle mena rapidement les constructeurs de satellites à intégrer ceux-ci dans des salles propres. Actuellement, tous les satellites sont assemblés dans des salles classées ISO 5 à ISO 8 . La nécessité de garantir l’extrême fiabilité des satellites a imposé à l’industrie du spatial un contrôle de la contamination particulaire de plus en plus rigoureux. Aujourd’hui, les salles propres voient leur taux de contamination surveillés via des compteurs optiques qui indiquent la quantité de particules dans un volume d’air prélevé dans la salle. La classification des salles et plus précisément, des zones de propreté dans la salle, se fait par ce moyen métrologique. La mesure de la contamination particulaire volumique est faite en temps-réel afin de connaître l’état de la salle à tout moment. Tous les modes de production sensibles à la contamination fonctionnent sur le même modèle.

Néanmoins, les méthodes jusqu’alors acceptées sont devenues limitantes vis-à-vis des exigences croissantes des salles propres. En effet, les compteurs optiques de particules couramment utilisés fournissent une information qui n’est pas représentative de l’ensemble des événements locaux de contamination particulaire susceptibles de se produire.  De nos jours, il est devenu indispensable de pouvoir maîtriser la contamination particulaire durant tout le cycle de vie d’une salle propre et ce de manière précise et quantitative. Plus précisément, c’est la contamination des surfaces qui est critique pour les procédés de fabrication et d’assemblage. En effet, les particules en suspension dans un aérosol ne viennent pas entraver le bon déroulement des opérations dans une salle propre. En revanche, leur dépôt sur des surfaces sensibles à la contamination est particulièrement décisif pour atteindre les exigences de fiabilité imposant l’utilisation d’une salle propre. Dans le domaine du spatial, l’assemblage et l’intégration des satellites et de ses instruments font partie d’un procédé unique (i.e. qui ne s’intègre pas à une chaîne de fabrication industrielle) très peu automatisé. Cette spécificité implique l’intervention de nombreux opérateurs au cours de la vie à terre du satellite. L’homme étant une source de particules considérablement importante, son intervention peut engendrer une contamination locale du satellite. Afin de protéger les surfaces sensibles des particules, de nombreuses précautions sont prises, à commencer par la protection des surfaces dont la contamination serait particulièrement critique.

La mesure de la contamination particulaire surfacique est un challenge dans l’industrie des salles propres. Le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) a défini un axe de recherche et développement afin de proposer un nouveau type d’instrumentation pour réaliser le monitoring de la contamination des surfaces dans les salles d’assemblage, d’intégration et de test des satellites.La norme ISO 14644 s’appliquant aux salles propres impose depuis 2012 la classification des salles en fonction de la quantité de particules par mètre carré, et ce pour différentes tailles de particules. Les deux informations indispensables pour contrôler le taux de contamination des surfaces sont donc d’une part le nombre de particules, et d’autre part la taille de ces particules. La mesure de ces deux paramètres sera donc indispensable pour caractériser la propreté des surfaces. L’objectif d’une telle évaluation est de pouvoir garantir les niveaux de propreté définis dans le cahier des charges des produits. En outre, si un événement de contamination a lieu, des mesures pourront être prises afin de remédier à ce problème. La remédiation sera d’abord locale, en procédant au nettoyage des surfaces concernées avec un procédé adapté au type de contamination, et ensuite globale en améliorant les processus de prévention de la contamination particulaire surfacique.

Afin de satisfaire le besoin grandissant de mesurer le taux de contamination des surfaces, des recherches ont été menées au cours des dernières années afin de proposer des instrumentations adaptées. Jusqu’à présent, les mesures sont essentiellement passives, c’est-à-dire qu’elles nécessitent l’intervention d’un opérateur pour réaliser la quantification des particules. Outre l’influence que peut avoir l’opérateur sur la mesure, celle-ci ne peut pas être réalisée en temps-réel et présente des limites en termes de résolution de par le nécessaire transfert des particules vers les moyens de mesure. Les développements récents proposent de résoudre ces problèmes grâce à des instrumentations tempsréel. Ces appareils sont destinés à être installés directement dans la salle propre afin de procéder à un suivi de la contamination particulaire surfacique.

Contexte de la contamination particulaire surfacique

La maîtrise de la contamination requiert la connaissance des phénomènes de transport et de dépôt des contaminants, ainsi que des facteurs physiques pouvant affecter ces processus. Ce premier chapitre a pour objectif de regrouper un certain nombre de connaissances portant sur la contamination particulaire surfacique. Le but in fine est de pouvoir orienter correctement la recherche d’un principe de détection de la sédimentation des particules. En outre, le contexte de l’étude sera présenté en abordant les problématiques liées à la contamination dans le domaine du spatial. Cette étude servira en partie de base à l’élaboration d’un cahier des charges dans la troisième partie du mémoire. La bibliographie s’appuie principalement sur des ouvrages de références portant sur la science des aérosols et des contaminants.

Le concept de contamination particulaire est directement associé au développement des salles propres . Une salle propre est définie comme une enceinte fermée dans laquelle la concentration de particules est maîtrisée. Des règles de construction et d’utilisation précises sont établies afin de limiter l’introduction, la production et la rétention de particules à l’intérieur de l’enceinte. Les paramètres relatifs au fonctionnement en condition de propreté, comme par exemple la température, la pression ou l’humidité, sont contrôlés.

Au début des années 1950, les Américains ont observé que certaines fabrications ou assemblages ne pouvaient plus se faire dans les conditions habituelles des ateliers, sous peine d’échec de la fabrication ou de problèmes ultérieurs de fiabilité du matériel. La raison principale de ces difficultés est la poussière, qui est un composant naturel de l’atmosphère terrestre, mais qui est généralement invisible car les tailles des particules en suspension sont inférieures à la limite de visibilité de l’œil (Figure 3). De nombreuses pièces sont touchées : les gyroscopes présents dans les missiles, les roulements à billes miniatures, les contacts électriques, etc.

Des nouvelles méthodes de production « hors poussières » sont alors imaginées. L’US Air Force, avec la Sandia corporation, va soutenir les efforts de recherche technique qui vont porter sur tous les aspects du problème (Figure 1). Dès 1960, des solutions pratiques sont proposées telles que le développement des compteurs optiques de particules, la mise au point des filtres à haute efficacité et la maîtrise de la technique de « l’écoulement laminaire » (Figure 2). Cette technique, impliquant la génération de flux d’air verticaux, permet de plaquer les poussières au sol, hors des zones de travail. Très rapidement, la notion de propreté est définie avec la publication d’une norme militaire puis fédérale, la Fédéral Standard 209, qui va être utilisée jusqu’à la reprise du dossier par le CEN puis l’ISO. Au début des années 1960, un nouveau secteur économique est né : l’industrie des salles propres ou zones à contamination maîtrisée. En revanche, la communauté scientifique n’a réellement pris conscience de l’importance de la contamination particulaire que dans les années 1970. En effet, la création de l’ICCCS (International Confederation of Contamination Control Societies) en 1972 a permis de regrouper les sociétés scientifiques spécialisées dans ce domaine dans la plupart des pays alors industrialisés. L’ASPEC (Association pour la Prévention et l’Étude de la Contamination), fondée en 1970, est l’organisme français officiel représentatif au sein du Comité international.

Inventé par Schmauss en 1920, le mot aérosol désigne la suspension, dans un milieu gazeux, de particules solides ou liquides ou les deux, présentant une vitesse de chute négligeable. Dans l’air et dans des conditions normales, cette définition correspond de manière conventionnelle à des particules de dimensions inférieures à 100 µm (PM100) ; la taille limite des particules les plus fines est arbitraire et on considère usuellement qu’elle est de l’ordre du nanomètre (la limite de taille des clusters moléculaires). Les aérosols sont les vecteurs de la pollution et de la radioactivité atmosphérique, en intervenant dans des phénomènes naturels tels que la formation des nuages, les modifications de la couche d’ozone ou les échanges océan-atmosphère (1). Depuis que l’Homme maîtrise la science des aérosols, de nombreuses utilisations industrielles en sont faites : la filtration, l’épuration de l’air, la climatisation et la construction de salles à environnement contrôlé. Toutefois, la micro-électronique, et les nanotechnologies de manière générale, voient les propriétés fonctionnelles de leurs dispositifs altérées par la présence de contamination. Citons également les industries agroalimentaires et pharmaceutiques qui, soumises à des normes strictes, mettent en place des chaînes entières de production dites « propres ». Enfin, la maîtrise de la contamination est essentielle à une très grande échelle : celle de la population. En effet, la sûreté des réacteurs nucléaires nécessite la mise en place d’une « hygiène industrielle ». Les hôpitaux et autres établissement de santé sont également très sensibles à la contamination, celle-ci étant en partie responsable d’un très grand nombre d’infections tous les ans.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I . CONTEXTE ET THEORIE DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE
I.1. CONTEXTE DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE SURFACIQUE
I.1.1. Introduction
I.1.2. Historique
I.1.3. La notion d’aérosol
I.2. NOTIONS FONDAMENTALES SUR LA CONTAMINATION PARTICULAIRE
I.2.1. Les trois types de contamination
I.2.2. Notions fondamentales sur les particules
I.3. ASPECTS DYNAMIQUES DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE
I.3.1. Les mécanismes de transport
I.3.2. Dépôt d’une particule sur une surface
I.3.3. Influence de la taille des particules sur leur taux de dépôt
I.3.4. Interaction particules-surface et particule-particule
I.3.5. Remise en suspension des particules
I.3.6. Modélisation des aérosols
I.3.7. Paramètres influençant le taux de sédimentation des particules
I.4. LA CONTAMINATION PARTICULAIRE DANS LE DOMAINE DU SPATIAL
I.4.1. Intérêt de la compréhension des phénomènes de sédimentation des particules
I.4.2. Les risques de contamination particulaire pendant les phases d’intégration au sol
I.4.3. Effets de la contamination particulaire sur les surfaces sensibles
I.5. CONCLUSION DU CHAPITRE I
II . ÉTAT DE L’ART DES MOYENS DE MESURE DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE
II.1. INTRODUCTION
II.2. MOYENS DE MESURE DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE VOLUMIQUE
II.2.1. Le système d’impaction
II.2.2. Mesure gravimétrique
II.2.3. La pesée de filtre
II.2.4. Les cristaux de quartz
II.2.5. Les microbalances à élément oscillant
II.2.6. Mesure optique
II.2.7. Utilisation de MEMS pour la mesure de masse des particules déposées
II.2.8. Autres types de mesures volumiques
II.3. LES MOYENS DE MESURE PASSIFS DE LA CONTAMINATION DES SURFACES
II.3.1. Caractérisation des dépôts particulaires
II.3.2. Les méthodes directes de caractérisation sur la surface exposée
II.3.3. Les méthodes indirectes de caractérisation de particules après détachement de la surface de collecte.
II.3.4. Le PFO-photomètre : analyse de l’obscurcissement sur une surface témoin
II.4. INTERET D’UNE MESURE DE LA CONTAMINATION PARTICULAIRE SURFACIQUE LOCALE EN TEMPS REEL
II.4.1. Mise en perspective des objectifs
II.4.2. Différence entre les contaminations particulaires volumique et surfacique
II.4.3. Expériences menées
II.4.4. Mesure de la contamination particulaire surfacique en temps-réel par détection optique
II.4.1. L’holographie appliquée à la détection de particules sédimentées
II.4.2. Mesure des particules par analyse d’images
II.4.3. Détection optique des particules sédimentées par rétrodiffusion
II.5. COMPARAISON ET LIMITES
II.6. CONCLUSION DU CHAPITRE II
III . ETUDE DES SOLUTIONS DE DETECTION DES PARTICULES SEDIMENTEES SUR UNE SURFACE
III.1. INTRODUCTION
III.2. LES CONTRAINTES DE DETECTION
III.2.1. Etude du milieu « salle propre »
III.2.2. Spécifications du capteur
III.3. ETUDE DES MODES DE DETECTION ENVISAGEABLES
III.3.1. Etude de différents principes de mesure
III.3.2. Choix du principe de mesure
III.4. ETUDE DU PRINCIPE DE DETECTION OPTIQUE
III.4.1. Les différentes interactions particules-lumière
III.4.2. Les composants de la cellule de mesure
III.4.3. Description et analyse des différents systèmes
III.4.4. Choix technologiques réalisés
III.5. CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE

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