Culture organisationnelle de la volte, terreau de l’autogouvernance

LES COMPOSANTES DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE

A. LES CROYANCES Il s’agit des postulats de base, des croyances, qui composent les principes de sa raison d’être (les valeurs) et qui conduisent les comportements (les normes) ; ils sont l’essence de la culture de l’organisation. Ces croyances portent sur des questions telles que la nature de l’Homme, le rapport au temps, la notion de vérité, etc. Elles ne sont quasiment jamais remises en cause. « Les hypothèses (ou croyances) fondatrices sont les éléments inconscients et invisibles, difficiles à discerner. Il s’agit des évidences, tout ce qui est considéré comme acquis sans besoin d’être justifié. » (Shein, 1991) Il est compliqué de travailler sur cette partie de la culture car elle implique une introspection de l’organisation en allant questionner ce qui relève de l’inconscient collectif. « Si vous changez un état interne, cela transparaît dans le comportement externe : les gens bougent différemment, changent leur tonus musculaire, respiration, ou le tempo. Si vous changez un ordonnancement interne, les yeux bougent et les autres gestes changent en synchronie. Si vous changez des croyances, vous sentez, pensez et agissez différemment. » (Shein, 1991) Comme nous l’invite à le faire C.Cudicio, « Pour découvrir les croyances qui structurent la carte de la réalité d’un individu ou d’une organisation, il faut identifier et comprendre les valeurs auxquelles les personnes obéissent. » (Cudicio, 2014)

B. LES VALEURS Les valeurs sont à la croyance ce que les branches sont au tronc de l’arbre. Elles sont des idéaux, des principes moraux qui donnent de grandes orientations à l’action du groupe et s’organisent en systèmes cohérents par rapport à la croyance. La valeur renvoie à la qualité d’une chose par rapport à une autre, en fonction de laquelle on la trouve plus ou moins désirable, utile, estimable, importante, etc. Si tout a la même valeur, rien n’a de valeur. « Une chose a plus ou moins de valeur qu’une autre à l’intérieur d’un continuum, d’une échelle ou d’un spectre de valeurs. Aussi, les valeurs sont partout dans notre modèle de croyances. Une expérience peut avoir plus de valeur qu’une autre ; un critère, un présupposé, une croyance peut être préférée à une autre. Les êtres humains ont besoin de hiérarchiser leurs valeurs, faute de quoi, il.elle.s ne peuvent pas prendre de décision. »12 Les valeurs organisationnelles sont l’expression consciente de la culture d’entreprise. Selon M.J.Hatch (2009), auteure en théorie des organisations, « Il s’agit des normes de comportement, des stratégies, des objectifs et de la philosophie choisis de manière consciente et qui sont diffusées par la direction et le management de l’entreprise. » (Hatch & Cunliffe, 2009) S.H. Schwartz, psychologue social reconnu pour avoir développé une théorie des valeurs, a répertorié une dizaine de valeurs universelles ou fondamentales présentées sous la forme d’une modélisation circulaire :

– Toutes les valeurs sont présentes chez chaque individu.e et dans toutes organisations, à des niveaux plus ou moins élevés. Elles sont ensuite hiérarchisées pour ne garder que celles qui se manifestent le plus.

– Les valeurs proches les unes des autres partagent des affinités et sont dites compatibles. À l’inverse, plus on s’éloigne sur le cercle plus les valeurs rencontrées s’opposent et entre en conflits.

– Chaque valeur « universelle » peut se décliner en plusieurs valeurs « secondaires » permettant de nuancer et donc de se différencier

Dans un contexte organisationnel, les valeurs peuvent-être un indicateur stratégique pour questionner l’organisation du travail, interpréter et comprendre les diverses fonctions et processus organisationnels, mais aussi pour aider les organisations à diagnostiquer leur culture existante et/ou souhaitée. A travers les valeurs d’une organisation on peut par exemple identifier si l’accent est plutôt mis sur le bien-être et le développement des personnes dans l’organisation ou si l’organisation s’oriente plutôt vers une cible externe et le développement de l’entreprise elle-même. Ou encore d’identifier comment se positionne l’organisation entre stabilité/ contrôle et flexibilité/ changement. Les valeurs se matérialisent au travers d’artéfacts, des indicateurs visibles de la culture organisationnelle.

POSITIONNEMENT, ANCRAGE PERSONNEL

« A la Volte ?! J’ai encore un pied dedans et un pied dehors ! » Nous avons pu suivre l’évolution de La Volte depuis sa création. D’abord dans le cadre d’un poste de déléguée régionale au sein de l’association Concordia, en bénéficiant d’un accompagnement en 2015, pour la création de la délégation régionale en Midi Pyrénées. Puis comme amie proche de Marie et Jérôme, les 2 fondateurs.rice.s. Nous avons été régulièrement témoin de discussions sur les questions de modèle économique, de choix des client.e.s/ bénéficiaires, d’enjeux liés à l’ouverture du collectif a d’autre membres, d’organisation du travail, etc. Ces échanges passionnants nous ont ouvert sur un nouveau champ des possibles autour des méthodes de gestion et d’organisation du travail. Nous avons suivi les avancées de La Volte jusqu’en juillet 2018. Puis un peu moins dans les mois qui ont suivi…et c’est à peu près à ce moment-là que La Volte s’est ouvert à de nouveaux membres. C’est aussi l’époque où nous avons intégré le M2 GESS, dont les enseignements ont permis une sensibilisation à de nouveaux concepts et de nouveaux outils pour identifier et analyser les dynamiques des organisations, ce qui nous a aussi donné envie d’aller creuser la question auprès de collectifs en auto-gouvernance.

Nous nous sommes de nouveau rapprochée du collectif vers mars 2019, souhaitant bénéficier de leurs interventions en tant que participante à leurs formations et ateliers, et les soutenir dans l’organisation et la mise en oeuvre d’événements pour continuer à nous former via la pratique de terrain. C’est alors que nous avons pu voir que La Volte n’avait plus tout à fait la même configuration qu’avant : des entrées et des sorties régulières, des profils et des attentes divers et variés, de nouvelles modalités d’intervention, etc. Et plein de nouvelles questions au coeur du collectif : comment s’organiser pour prendre des décisions? comment se répartir les tâches? comment s’assurer que tout le monde ait l’information? que tout le monde se sente légitime pour prendre des décisions? etc. Bon nombre de ces questions faisaient écho à certains contenus du M2 GESS… C’est ainsi que le collectif La Volte nous est apparue comme un terrain d’étude pertinent : à la fois pour notre intérêt marqué à ce qui s’y passe, mais aussi parce qu’il vient questionner, alimenter et mettre en perspective bon nombre d’éléments abordés au cours du M2 GESS. Connues de tous.te.s ses membres, il a été facile d’obtenir des rendre-vous d’entretiens, d’être invitée aux réunions ou d’accéder aux bases de données existantes. Nous avons participé a plusieurs réunions et également commencé à animer quelques ateliers en binômes (arpentage, formation de deux jours à la coopération et aux projets de solidarité, réunion de rentrée pour les nouveaux, etc.) Nous continuons de participer aux différents temps de rencontre et proposons un soutien régulier au montage de leurs interventions. Nous sommes dans l’attente d’un rendez-vous avec la Maison de l’Initiative, qui réalise le portage salarial des entrepreuneur.e.s salarié.es de La volte, en vue d’envisager de créer notre propre activité économique avec La Volte afin de :

A. LE TRAVAIL EST UN SPORT COLLECTIF

16 # Autonomie et coopération Quand il.elle.s ont créé La Volte, Jérôme et Marie, les 2 fonda.teur.trice.s se sont demandé quelles étaient « les alternatives en terme de modèle d’organisation, comment facturer les activités, comment se salarier, etc. » (Marie) Le statut d’indépendant.e a vite été écarté, car chacun.e souhaitait être rattaché.e à une organisation du travail qui soit collective. Le statut associatif ne convenait pas non plus car il induit une gestion désintéressée de l’organisation. Or il était question pour eux.elles de créer/générer leur propre activité économique. Et il ne leur était pas non plus possible d’être en même temps dans les instances décisionnaires. Se constituer en association n’était donc pas cohérent. Quant aux SCOP, elles s’engagent à assurer un volume d’Equivalent Temps Plein (ETP) au bout du premier exercice. Jérôme et Marie connaissaient Le Vent Debout, une Scop d’éducation populaire sur Toulouse, dont il.elle.s ont eu écho de l’expérience, et notamment de comment la pression financière pouvait être importante et comment des choix avaient été faits au regard d’aspects budgétaires, avec des impacts conséquents pour certaines décisions, etc. Or Marie et Jérôme ne voulait pas de cela non plus. Puis il.elle.s ont rencontré la Maison de l’Initiative, une Coopérative d’Activité et d’Emploi, qui propose une forme coopérative de portage salarial et un accompagnement à la création d’activités. Il.elle.s ont dû y rentrer à titre individuel (chacun.e a son chiffre d’affaire, contrats individuels, gestion administrative et financière individuelle, etc.), mais en continuant de porter l’identité de La Volte en tant que collectif. Travailler en coopération avec la Maison de l’Initiative les rattache à une organisation collective du travail, leur assure un statut de salarié.e et les exonère de la TVA pour des facturations internes au collectif, entre-eux.elles. Cela permet également à chacun.e d’être libre dans la gestion et l’organisation de ses activités (volume de travail, choix des activité portées, etc.). D’autres volté.e.s ont par la suite également intégré la Maison de l’Initiative.

Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
I. LA CONFIGURATION ORGANISATIONNELLE
1. LES PARTIES DE BASE DE L’ORGANISATION
2. LA COORDINATION DU TRAVAIL
3. LES MODÈLES DE CONFIGURATIONS ORGANISATIONNELLES
A. Pour une organisation avec hiérarchie pyramidale
B. Pour une organisation auto-gouvernée
4. CONFIGURATION ORGANISATIONNELLE DE LA VOLTE
A. Ses Facteurs de Contingence
B. Ses Parties de Base
C. Ses Mécanismes de Coordination
D. Sa Configuration Organisationnelle
II. LA CULTURE ORGANISATIONNELLE
1. LES COMPOSANTES DE LA CULTURE ORGANISATIONNELLE
A. Les Croyances
B. Les Valeurs
C. Les Artefacts
2. CULTURE ORGANISATIONNELLE ET ORGANISATION DU TRAVAIL
3. LA CULTURE ORGANISATIONNELLE DE LA VOLTE
A. Ses Artefacts
B. Ses Croyances et ses Valeurs
III. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
1. POSITIONNEMENT, ANCRAGE PERSONNEL
2. DÉMARCHE INDUCTIVE ET ETHNOGRAPHIQUE
A. Observations participantes
B. Documentation
C. Entretiens
IV.LA CULTURE ORGANISATIONNELLE DE LA VOLTE, TERREAU DE L’AUTOGOUVERNANCE
1. ANALYSE DU CAS D’ÉTUDE:DES PRINCIPES FONDATEURS À L’ORGANISATION DU TRAVAIL
A. Le travail est un sport collectif
B. Adopter des mécanismes horizontaux de coordination du travail
C. Avancer chemin-faisant
2. RETOURS RÉFLEXIFS : DES ENVIES MANIFESTES ET DES PISTES QUI SE DESSINENT…
V. CONCLUSION
VI.ANNEXES
1. ANNEXE 1 – COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DE RENTRÉE DE LA VOLTE (SEPT. 2019)
2. ANNEXE 2 – GRILLE D’OBSERVATION SUPPORT DES OBSERVATIONS PARTICIPANTES
3. ANNEXE 3 – EXTRAITS DE L’ENTRETIEN DE MICA
4. ANNEXE 4 – TABLEAU D’ANALYSE DU RÉCIT DE VIE DE JONAS
5. ANNEXE 5 – EXTRAIT DE L’ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF DE MARIE
BIBLIOGRAPHIE

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