De la coproduction de la ville à la conception et la production des projets d’aménagement

L’ELABORATION DES PROJETS D’AMENAGEMENT URBAIN : DEPLACEMENTS PROBLEMATIQUES ET METHODOLOGIQUES

Le chapitre précédent fait émerger une nouvelle problématique centrée sur l’élaboration collective des projets et sur leur pilotage. Mais, si la faible connaissance des processus d’élaboration, explicitée en introduction générale, constitue alors une des motivations de cette thèse, elle en fonde aussi la principale difficulté : faire de l’élaboration des projets l’objet de ce travail ne va pas sans poser de problèmes et place la construction d’un dispositif théorique et méthodologique comme un enjeu à part entière de la recherche. On commencera ainsi par exposer pourquoi l’étude de l’élaboration des projets d’aménagement urbain suppose d’opérer des déplacements problématiques et méthodologiques. On soutiendra d’abord l’idée selon laquelle l’élaboration des projets comme leur pilotage ne peuvent se comprendre indépendamment de la finalité irréductiblement productive de l’aménagement urbain d’une part, ni du caractère spécifique de l’activité de conception mise en jeu avec les injonctions et/ou les pratiques d’élaboration collective des choix de transformation de l’espace, d’autre part. Ensuite, on montrera les difficultés théoriques et méthodologiques auxquelles se heurte la recherche. On verra qu’elle s’inscrit dans un contexte où le projet urbain n’est adossé à aucune théorie formalisée et où plusieurs recherches récentes mettent en évidence la nécessité de rompre avec les modes de raisonnement classiques, les notions et les catégories traditionnelles d’analyse. En somme, un état des lieux qui invite à opérer des déplacements méthodologiques en regard des approches habituellement développées dans l’étude des projets et peu adaptées à l’analyse d’un modèle émergent de production. Dans un second temps il s’agira précisément d’élaborer le dispositif théorique et méthodologique de la recherche. Cette élaboration procédera en quatre points complémentaires. Premièrement, face à la confusion des débats consacrés à la notion de projet urbain et à sa faible dimension théorique, il s’agira de positionner clairement la recherche dans le champ. Deuxièmement, on exposera les raisons et l’usage du recours au modèle industriel du projet ainsi que les fondements et les orientations du projet et du management de projet dans les firmes. Il s’agira ici de montrer en quoi le modèle industriel du projet peut être mobilisé non pour apporter des réponses ou transférer un modèle d’action mais comme un guide d’investigation qui sert à poser des questions et à fournir des outils conceptuels. Suite à quoi, le troisième point sera précisément consacré à faire fonctionner ce guide d’investigation pour construire une grille d’analyse et passer ainsi des enseignements du modèle industriel du projet à l’exploration du processus d’élaboration des projets d’aménagement urbain. Quatre grands types de questionnements en émergeront : la dynamique de l’activité de projet dans le temps ; les spécificités des activités de conception ; la question de l’organisation des projets et, enfin, la question de l’innovation. Pour finir, le quatrième point exposera les tenants et les implications d’une démarche compréhensive sur les choix méthodologiques et sur l’enquête, la priorité à la description « narrative » et dynamique, les critères de choix des études de cas et leur présentation sommaire ainsi que le type de corpus recueilli et mobilisé. En définitive, ce chapitre poursuit deux objectifs clés : construire un cadre d’analyse systématique pour procéder à l’exploration du processus d’élaboration des projets retenus ; rendre compte des modes de raisonnement, outils théoriques et conceptuels dans le cadre desquels vont s’opérer l’enquête et l’analyse et avec lesquels les projets étudiés seront décrits.

De la coproduction de la ville à la conception et la production des projets d’aménagement

 « Combien de projets urbains sont en cours de réflexion et se réalisent vraiment ? Très peu et, en tout état de cause, trop peu » déclare J.L. Poidevin, alors président du Club Ville Aménagement représentant les grands opérateurs publics et para-publics de l’aménagement urbain (Poidevin, 2001, p. 13). Il rappelle ici un constat régulier : les projets ont bien du mal à dépasser le stade des intentions, connaissent des ruptures de continuité dans le cours de leur déroulement, voire restent lettres mortes. En soulignant le problème récurrent du passage à l’acte, J.L. Poidevin amène à soulever un paradoxe singulier. En effet, si l’on suit O. Ratouis et M. Segaud, on relève que « le développement local c’est avant tout mobiliser, travailler ensemble, sinon construire des points de vue communs. Il n’est pas nécessaire, à la limite, de travailler sur un projet entièrement déterminé et ficelé ; tous les paramètres ne sont pas forcément connus et résultent justement des multiples adaptations, mutations qui sont issues de la mobilisation et de la négociation » (Ratouis et Segaud, 2001, p. 139). Partant de leurs travaux de recherche sur le projet urbain dunkerquois, les auteurs expriment ici une analyse – ou une position, selon les cas – devenue dominante dès qu’il s’agit de « penser » l’intervention urbaine. Ils poursuivent ainsi en considérant que « même s’il s’agit encore souvent d’aménager en créant de nouveaux objets (bâtiments universitaires, multiplexe, halle commerciale etc.), l’aménagement se trouve au service d’autres objectifs » (Ratouis, Segaud, 2001, 132). Dans la même lignée, Y. Janvier considère que l’aménagement est passé du statut de « moteur » à celui de « moyen » du développement urbain (Janvier, 1999) tandis que pour J.M. Roux et A. Desmarest « la fabrication des objets urbains est moins qu’autrefois un objectif en soi (…). (l’aménagement) est compris comme un des moyens d’asseoir et de promouvoir le développement et le rayonnement de l’agglomération » (Roux et Desmarest, 2001, p. 52). Du côté des promoteurs du « modèle du projet urbain », on retrouve le même type de considérations avec, par exemple, A. Masboungi qui défend la position selon laquelle « l’opération d’aménagement n’est pas une fin en soi, même s’il paraît trivial de le rappeler.

 

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