Déficits d’origine génétique des autres facteurs de coagulation

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DÉFICIENCE HÉRÉDITAIRE EN PROTHROMBINE

Définition et mode de transmission

La déficience héréditaire en prothrombine est une maladie rare chez l’Homme (1 cas sur 200 000 personnes [108] qui s’exprime soit par une hypoprothrombinémie (la protéine exprimée est fonctionnelle mais en trop petite quantité) soit par une dysprothrombinémie (la protéine synthétisée n’est pas fonctionnelle). Des cas d’hypoprothrombinémie ont été décrits chez moins de 20 familles et les mutations responsables ne sont pas toujours connues. Quant à la dysprothrombinémie, 25 formes de variants non fonctionnels ont été rapportés dans la littérature [173].
Chez le Chien, une dysprothrombinémie héréditaire a été décrite dans une famille de Boxer, chez laquelle l’activité de la prothrombine était réduite malgré un antigène normal [74]. Une étude de Hill en 1982 a rapporté un cas de déficience en prothrombine chez une chienne Cocker mais aucune étude du pedigree n’a été réalisée et le caractère héréditaire n’a pu être déterminé [103]. Une hypoprothrombinémie peut être induite par une déficience en vitamine K, des poisons comme la warfarine ou le dicumarol ou des maladies hépatiques. Il est intéressant de noter que tous les mammifères nouveaux-nés présentent une hypoprothrombinémie physiologique [74]. Chez l’Homme, comme chez le Chien, la transmission est autosomique récessive [74, 108].

Symptômes

Les premières manifestations, chez l’enfant, sont des saignements importants lors de la coupe du cordon ombilical et des épistaxis. Chez l’adulte, comme chez le Chien, les signes cliniques sont moins importants : saignements au niveau des muqueuses et formation d’hématomes suite à des traumatismes [74, 103].

Diagnostic

Le temps de prothrombine et le temps de thromboplastine partiellement activée sont allongés dans le cas d’une déficience en prothrombine. Ses résultats sont associés à une diminution de l’activité du facteur II et lors d’hypoprothrombinémie à une diminution de l’antigène facteur II (FII:Ag). La détermination de l’activité de la prothrombine se fait soit par une méthode ELCA (Enzym-linked coagulation assay) à partir de plasma monodéficient en prothrombine et de hautes concentrations d’extrait de cerveau soit par une méthode colorimétrique en cinétique fondée sur le temps de prothrombine dans laquelle le plasma est activé par de la thromboplastine humaine et du calcium en présence d’un substrat chromogène [74]. Les résultats de ces méthodes sont comparés entre animal sain et animal atteint.

Traitement

Le seul traitement spécifique est l’apport de concentrés de prothrombine mais la plupart du temps en pratique une transfusion de sang total ou de plasma sera réalisée [103].

DÉFICIT EN FACTEUR VII

Définition et mode de transmission

Une déficience héréditaire en facteur VII ou hypoproconvertinémie a été décrite pour la première fois chez le Chien en 1962 chez un Beagle [58]. Depuis, elle a été identifiée chez plusieurs Beagles aux Etats-Unis et au Royaume Uni dans des centres de recherche ou chez des particuliers [58]. L’anomalie a également été rapportée chez un chiot Alaskan Malamute [159], un chien croisé [145] ainsi que chez un Alaskan Klee Kai [119].
La transmission se fait, chez l’Homme et chez le Chien, selon un mode autosomique récessif (Figure 36) ; les hétérozygotes sont asymptomatiques et les homozygotes présentent rarement des signes cliniques [34].
Figure 36. Pedigree d’une famille d’Alaskan klee kai atteinte de déficience en facteur VII [119]
Légende : les chiffres notés sous les symboles correspondent aux valeurs de l’activité du facteur VII (en %).
Une étude de Callan et collaborateurs a permis de caractériser le défaut génétique à l’origine de l’hypoproconvertinémie dans une famille de Beagle [34]. La comparaison des séquences d’ADN des animaux sains et des animaux atteints a permis la mise en évidence d’une substitution d’une base guanidine en adénosine au niveau de l’exon 5 à l’origine de la substitution de l’acide aminé glycine 96 en acide glutamique au niveau du domaine « epidermal growth factor-like ». Cette mutation a également été identifiée chez l’Alaskan Klee Kai [119].

Symptômes

Le facteur VII est un facteur direct d’activation du facteur X par la voie extrinsèque qui est probablement, chez le Chien, beaucoup moins importante que la voie intrinsèque pour la formation de prothrombinase, ce qui explique pourquoi la déficience en facteur VII est dépourvue de signes cliniques la plupart du temps [183, 201]. Par contre, chez l’Homme, les malades présentent des diathèses hémorragiques parfois très sévères. Ainsi les signes cliniques associés dans les divers cas incluent des épistaxis spontanés, des hématomes sous-cutanés, des saignements gastro-intestinaux et génito-urinaires, des hémothorax [58] ou des hémarthroses (sans boiterie) [130]. C’est pourquoi la maladie a été étudiée chez le Chien comme modèle de l’hypoproconvertinémie congénitale humaine.
En effet, chez le Chien, la plupart des cas de déficience en facteur VII sont découverts de manière fortuite soit lors d’étude [181, 200] soit lors de bilan préchirurgical. Toutefois ont été rapportés : des saignements persistants utérins et vaginaux chez une femelle Beagle [201, 221], une tendance à la formation d’hématomes chez un Alaskan Malamute [159] ou des saignements persistants post-chirurgicaux (orchidectomie) chez un chien croisé [145] ou post-traumatiques chez un Alaskan Kee Kai [119].
Les malades semblaient prédisposés aux démodécies systémiques, les défauts extrinsèques de la coagulation fournissant un environnement idéal au développement des parasites [74]. Fogh a rapporté également un cas de déficience en facteur VII acquise suite à une maladie hépatique et une déficience en vitamine K [74].

Diagnostic

Chez les chiens atteints, le temps de prothrombine était prolongé mais le test de Russell au venin de vipère était normal. La mesure de l’activité du facteur VII a montré une baisse chez les chiens atteints : 1 à 5 % par rapport à la normale pour les homozygotes et 35 à 65 % chez les hétérozygotes. Les femelles gestantes présentaient une augmentation de la concentration en facteur VII [].
Le dosage du facteur VII s’effectue soit par une méthode électro-immunologique utilisant la précipitation du facteur en présence d’un anticorps anti-facteur VII marquée à l’iode 125 soit par une méthode colorimétrique de coagulation liée à une enzyme (ELCA : Enzym-linked coagulation assay) où le plasma du chien à tester est mis en présence d’un plasma déficient en facteur VII et utilisant le facteur III comme activateur [74]. Ces deux tests nécessitent des comparaisons avec des plasmas de chiens normaux.
Les laboratoires américains PennGen (http://research.vet.upenn.edu/penngen) et VetGen (www.vetgen.com) disposent aujourd’hui de test génétique pour cette maladie pour l’Alaskan Klee Kai, le Beagle et le Lévrier Ecossais. Le laboratoire VetGen propose en plus des tests génétiques pour l’Airedale Terrier et le Schnauzer géant.

Traitement

Le traitement des saignements incluent des contrôles locaux (compression, sutures, cauthérisation) mais l’administration de plasma frais ou surnageant de cryoprécipités peut parfois être nécessaire. La demi-vie du facteur VII étant courte (4 à 6 heures), des transfusions répétées sont souvent requises pour arrêter les hémorragies.
En médecine humaine sont utilisés aujourd’hui des recombinants activés du facteur VII (rFVIIa) à une dose de 20 µg/kg mais la demi-vie du rFVIIa n’est que de 3 heures par conséquent des administrations répétées sont nécessaires toutes les 4 à 6 heures. L’administration de dose allant de 5 à 30 µg/kg chez des Beagles a permis une normalisation du temps de prothrombine [226]. Le coût reste pour le moment très important (1 300 $ pour 1 à 2 mg) pour remplacer les transfusions de plasma en médecine vétérinaire [119].

DÉFICIT EN FACTEUR X

Définition et mode de transmission

La déficience congénitale en facteur X a été décrite chez l’Homme pour la première fois en 1956 mais c’est une maladie qui reste très rare (décrite dans une cinquantaine de familles) [63]. Chez le Chien, elle est décrite chez le Cocker Américain [63] et le Jack Russell Terrier [54] ; quant aux chats le premier cas décrit date de 1997 [85].
Les études réalisées sur les pedigrees des chiens atteints a montré un mode de transmission autosomique dominant à pénétrance incomplète contrairement à ce qui se passe chez l’Homme ou chez le Chat où la transmission est de type autosomique récessive [54]. Chez l’Homme, le gène a été localisé sur le chromosome 13 en position 13q34 et contient 9 exons ; de nombreuses mutations ont été mises en évidence pour expliquer la diminution d’activité du facteur X. Le déficit d’activité en facteur X semble s’expliquer plutôt par une dysfonction de ce facteur que par une déficience [54].

Symptômes

Des saignements modérés à excessifs ont été rapportés lors de diverses interventions chirurgicales (coupe de queue, ovariohystérectomie). Des saignements ont également été rapportés chez le chiot lors de l’éruption des dents définitives ; d’autre part la période de néonatalité apparaît être une période à risque avec un taux de mortalité important. Les manifestations cliniques chez le Chien comprennent d’une part des saignements fréquents et d’autre part des conséquences des saignements : distension abdominale, ecchymoses, anémie [54]. Chez le Chat, ce sont des convulsions qui ont été le signal d’appel celles-ci ayant été a posteriori mises en relation avec des hémorragies intracrâniennes ; toutefois aucun autre cas clinique n’a été rapporté ce qui ne permet pas de conclure quant à l’importance de ce signe clinique dans le déficit en facteur X, même si, chez l’Homme, sont décrites également des hémorragies intracrâniennes chez des enfants atteints de ce déficit. D’autre part, le chat étudié n’a pas présenté de saignements importants lors de la castration mais des hématomes supra-orbitaires bilatéraux et des pétéchies au niveau de la muqueuse buccale ont été rapportées [85].

Diagnostic

Le factor X intervenant dans la voie commune de la coagulation, son déficit affecte les voies intrinsèques et extrinsèques de la coagulation, ce qui se traduit par une augmentation des temps de céphaline activée et de Quick. La mesure de l’activité du facteur X montre une baisse de cette activité (3 à 13 % dans l’étude de Cook et collaborateurs, en 1993, et inférieure à 2 % chez le chat atteint de ce déficit [54]). Des déficits acquis isolés du facteur X ont été décrits chez l’Homme dans des cas d’amyloïdose systémique, d’infection (notamment de l’appareil respiratoire), de néoplasie (carcinome rénal) ou lors de l’administration de certains médicaments, mais cela n’a jamais été décrit chez les carnivores domestiques [54, 85].

Traitement

Le traitement des saignements prolongés consiste à transfuser l’animal selon les règles vues précédemment. L’ajout de vitamine K ne permet pas de traiter le déficit et ne présente donc pas d’intérêt [54].

DÉFICIT EN FACTEUR XI

Définition et mode de transmission

Le déficit en facteur XI a été décrit chez l’Homme pour la première fois en 1953 par Rosenthal chez un homme et ses deux nièces présentant des saignements importants lors d’extraction dentaire [77]. Le déficit en facteur XI a alors été appelé hémophilie C. La maladie est à transmission autosomique récessive et est de fréquence rare (1 cas sur 1 000 000 d’après Fujikawa [77]) mais dans certaines ethnies comme les juifs Ashkenazi elle peut atteindre 12 %. De nombreuses mutations (plus d’une centaine d’après Fujikawa [77]) ont été décrites à ce jour [236]. Pour la majorité des patients atteints de déficience en facteur XI, la baisse d’activité du facteur XI est due à une baisse de la concentration de la protéine plutôt qu’à une protéine dysfonctionnelle (seulement trois cas décrits dans la littérature [209]). Les patients hétérozygotes ont généralement des déficits partiels (25 à 50 % d’activité par rapport à la normale [74] et sont asymptomatiques.
Chez le Chien, la première description a été faite en 1971 par Dodds dans une famille de Springers spaniels [183]. Depuis la déficience a été rapporté chez le Kerry Blue Terrier [124, 207] et le Montagne des Pyrénées [189]. Le mode de transmission semble être autosomique récessif chez le Kerry Blue Terrier [124].
La maladie est également présente chez le Chat [209] et chez les bovins [161]. Par contre la déficience en facteur XI est physiologique chez la tortue, la poule et le canard [74].
La mutation causale a été identifiée chez le Kerry Blue Terrier. Il s’agit de l’insertion d’un élément SINE (Short Interspered Nuclear Element) dans l’exon 7 du gène codant pour le facteur XI [207].

Symptômes

Chez l’Homme, la déficience en facteur XI n’induit que rarement des hémorragies spontanées mais plutôt des saignements importants suite à une chirurgie ou un traumatisme. Les diathèses hémorragiques peuvent être bénines comme très sévères et se caractérisent par des épistaxis, des ménorragies, des saignements prolongés suite à des extractions dentaires ou tout autre opération chirurgicale.
Chez le Chien ont été rapportés des épistaxis, des hématuries et des formations spontanées d’hématomes (qui se résolvent spontanément). Le premier cas rapporté, chez une femelle Springer Spaniel, l’a été suite à des saignements majeurs suite à une ovariohystérectomie [124].
Troxel et collaborateurs, en 2002, ont décrit chez une chatte de 6 mois des saignements majeurs suite à la stérilisation (hématome en regard de la plaie) et à l’éxerèse des griffes. Ce même animal a présenté un hématome important sur une patte suite à un saut [209].

Diagnostic

La mesure des temps de coagulation montre un allongement du temps de thromboplastine partiellement activée associé à un temps de prothrombine normal indiquant un trouble de la voie intrinsèque de la coagulation. La mesure de l’activité du facteur XI chez le Chien montre alors des valeurs inférieures à 10 % chez les homozygotes et comprises entre 25 et 50 % chez les hétérozygotes [74]. La mesure de l’activité se fait par une méthode dérivée du temps de thromboplastine partiellement activée (système colorimétrique en cinétique) à l’aide de plasma bovin déficient en facteur XI [74].
Le laboratoire américain PennGen (http://research.vet.upenn.edu/penngen) dispose aujourd’hui d’un test génétique pour le deficit en facteur XI dans la race Kerry Blue Terrier.

Traitement

La transfusion de plasma frais ou réfrigéré reste la méthode de choix pour contrôler les hémorragies. Même si Knowler et collaborateurs, en 1994, ont montré que 3 mois après la transfusion, chez le Chien, aucun anticorps inhibant le facteur XI n’était présent, ce phénomène est largement décrit chez l’Homme [124, 208]. La longue demi-vie du facteur XI (30 à 84 heures) permet d’espacer les transfusions [124]. Enfin le surnageant de cryoprécipités peut être utilisé pour créer des concentrés de facteur XI qui pourront alors remplacer les transfusions de plasma.

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