Démence: une priorité de santé publique

Dans le cadre de notre formation, nous avons effectué des stages en établissement médicosocial (EMS) qui nous ont permis de faire des rencontres uniques, authentiques et d’une grande richesse pour notre future pratique professionnelle. Parmi ces rencontres, des situations d’agressivité ont particulièrement suscité un vif intérêt chez nous. C’est en échangeant nos réflexions sur les expériences vécues en stage que nous avons réalisé que nous avions des situations similaires, stimulant ainsi notre intérêt commun pour ce sujet. Ces situations se sont produites auprès de personnes âgées souffrant de démence présentant des comportements agressifs. L’équipe soignante se sentait parfois démunie et impuissante face à la souffrance du patient et face à la détresse des proches dans ces situations. Les infirmières redoutaient par la suite la prise en soin des résidents.

Nous avons été profondément touchées face au malaise des soignants ayant recours à l’utilisation d’un traitement médicamenteux engendrant de nombreux effets secondaires et à l’utilisation de la contention physique posant des problèmes éthiques. Les résultats d’une étude réalisée en 2010 mettent d’ailleurs en avant que les principales interventions directes des infirmières face à un comportement agressif de la part d’un résident étaient l’administration d’une médication et la mise en place d’une contention physique (Isaksson, Graneheim, Aström & Karlsson, 2010). Bien que nous ne puissions à ce moment-là que décrire le phénomène, nous étions intéressées à l’idée de pouvoir le clarifier davantage et ainsi développer des pistes d’interventions bénéfiques à la pratique infirmière en réalisant ce travail.

Avant de pouvoir formuler notre question de recherche, il nous a été nécessaire d’approfondir nos connaissances et d’éclaircir nos représentations sur la démence d’une part, puis de l’agressivité, d’autre part.

Démence: une priorité de santé publique
La Stratégie nationale en matière de démence 2014-2017 définit la démence comme suit: La pathologie de la démence est caractérisée par une altération progressive de la mémoire combinée à un trouble d’au moins une des fonctions tels que des troubles du langage (aphasie), des troubles au niveau gestuel (difficulté à effectuer des mouvements (apraxie)), un déficit de reconnaissance visuelle et spatiale (agnosie) ou un déclin des fonctions exécutives (perte de la capacité de planifier et d’agir).[…] Ces déficits cognitifs ont pour effet de réduire l’autonomie de la personne atteinte de démence et de la rendre dépendante de l’aide d’autrui pour des activités de la vie quotidienne. Une détérioration du contrôle émotionnel, du comportement social ou de la motivation accompagnent souvent, et parfois précèdent, les troubles de la fonction cognitive. (2013, p. 8)

Il s’agit malheureusement selon la stratégie nationale en matière de démence 2014-2017 (2013), d’un phénomène qui risque de prendre de plus en plus d’ampleur à mesure que la prévalence du nombre de personnes atteintes de démence augmente, en raison du vieillissement démographique. D’après les estimations, 110’000 personnes seraient atteintes d’une pathologie de la démence en Suisse actuellement.

Il s’agit de la 3ème cause de décès en Suisse en 2010. De plus, ⅔ des résidents vivant en EMS sont atteints d’une pathologie démentielle. Selon les prévisions, en 2030, cette population pourrait passer à plus de 190’000 malades en Suisse. L’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2016) considère la démence comme une priorité de santé publique, elle a d’ailleurs publié un rapport portant sur les interventions spécifiques à cette pathologie.

Violence vs agressivité
Jusqu’à 80% des personnes souffrant de démence manifestent un comportement agressif durant leur maladie (Nordgren & Engström, 2014). Nous employons dans ce travail les termes « agressivité », « agression » et « comportement agressif » pour exprimer l’un des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD). La violence a une connotation négative. Par conséquent, ce terme est rarement utilisé dans la littérature pour décrire ce symptôme. La violence peut être définie comme :

la menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté́, qui entraîne ou risque fortement d’entraîner un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un mal-développement ou des privations. (Krug, Mercy, Zwi & Lozano, 2002, p.5)

La personne manifestant de la violence blesse l’autre intentionnellement, tandis que l’agressivité est davantage un moyen d’expression (Pulsford & Duxbury, 2006). L’agressivité peut donc être liée à l’insomnie, la détresse psychologique, la douleur, l’utilisation de contraintes physiques ou chimiques, la surstimulation environnementale, les bruits excessifs ou encore la perte de l’espace vital et de la vie privée, les personnes atteintes de démence étant très sensibles à leur environnement (Enmarker, Olsen & Hellzen, 2010).

Malgré l’existence de plusieurs définitions du comportement agressif, aucune n’est consensuelle et ce concept demeure encore très imprécis. Néanmoins, Patel et Hope (1993) définissent le comportement agressif comme un « acte non accidentel observable qui implique l’émission de stimuli nuisibles envers une personne, un objet ou soi-même » (Voyer, 2006). Cette définition liée au SCPD ne nous convient que partiellement du fait qu’elle ne nous semble pas complète. En effet, il nous a semblé important de mettre en avant que l’agressivité en plus d’être un symptôme de la démence, est aussi une réaction humaine naturelle. C’est pour la personne âgée souffrant de troubles cognitifs un moyen de s’exprimer en raison de sa pathologie.

Le dictionnaire infirmier de psychiatrie (2005), quant à lui, définit l’agressivité comme étant : « la force instinctuelle qui permet à l’individu d’imposer la satisfaction de ses exigences territoriales ou pulsionnelles élémentaires (D. Marcelli). Il s’agit d’une composante fondamentale de la nature humaine. Elle n’est pas synonyme de violence. » (p.11) L’agressivité est un comportement répandu, toutes les infirmières doivent y faire face indépendamment du contexte dans lequel elles se trouvent. Selon une étude, plus de 90% du personnel soignant dans les EMS en Suisse ont vécu des agressions verbales au cours des 12 derniers mois (Zeller, Dassen, Kok, Needham & Halfens, 2012). Selon la même étude, l’EMS est le troisième contexte à subir des agressions après les urgences et les services psychiatriques.

Table des matières

Introduction
Problématique
Démence: une priorité de santé publique
Violence vs agressivité
La question de recherche
Argumentaire de la pertinence de la question en fonction du champ clinique de la
discipline infirmière
Méthode
Résultats
Tableau des articles retenus
Analyse critique des articles
Comparaison des résultats des textes retenus
Discussion et perspectives
Introduction
Traitement médicamenteux
La formation du personnel soignant
Postulats de Watson / approche centrée sur la personne
Recommandations pour la pratique
Consensus professionnel
Perspectives de recherche
Limites de notre revue de littérature
Conclusion 

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