Détermination de sous-classes phénotypiques de lupus systématique par une analyse en cluster

Détermination de sous-classes phénotypiques de lupus systématique par une analyse en cluster

DISCUSSION

En utilisant une méthode d’analyse en cluster non supervisée basée sur des données cliniques, nous avons distingué trois sous-groupes homogènes de patients atteints de lupus systémique avec peu de chevauchements entre eux : les patients ayant un SAPL fréquemment associé au lupus et peu de manifestations cliniques et immunologiques spécifiques du lupus (cluster 1), les patients lupiques pauci-symptomatiques avec une atteinte principalement articulaire représentant la moitié de la cohorte (cluster 2), et les patients avec des manifestations systémiques, dont des glomérulonéphrites lupiques prolifératives, et des auto-anticorps ciblant un large panel d’antigènes (cluster 3). Il s’agit de la plus grande étude d’analyse en cluster réalisée en Europe. La population de cette étude est représentative de la population générale du lupus systémique avec la même prévalence de manifestations cliniques et d’auto-anticorps que celle décrite précédemment dans la littérature (34, 35). Les patients du cluster 1 présentaient de nombreuses manifestations cliniques et biologiques caractéristiques du SAPL, en particulier des thromboses, un livedo, une anémie hémolytique, une thrombopénie et des convulsions, avec en effet 84,6 % d’entre eux porteur d’un SAPL. Ceci est en accord avec d’autres études d’analyse en cluster qui ont également isolé un cluster caractérisé par une biologie antiphospholipide et des manifestations cliniques du SAPL (3,12). A noter, que notre groupe a précédemment montré dans une cohorte de 241 patients atteints de SAPL, que 28% (n=100) des patients ayant un SAPL primaire répondaient aux critères de classification SLICC pour le lupus systémique alors qu’ils ne présentaient pas de lupus (23). Étant particulièrement conscients de cela, nous avons été vigilant avant d’attribuer au lupus des manifestations qui auraient pu être dues au SAPL (comme les convulsions, la protéinurie ou la thrombopénie). Nous pensons ainsi que tous les patients classés comme ayant un lupus systémique dans notre étude avaient effectivement bien un diagnostic de lupus. Le cluster 2, représentant la moitié de la cohorte, comprenait les patients les moins sévères. Les principales manifestations cliniques étaient articulaires et cutanées (mais un peu moins fréquentes que dans le cluster 3 pour ces dernières), tandis que l’atteinte rénale était deux fois moins fréquente que dans le cluster 3. Le panel d’auto-anticorps était restreint. De plus, le cluster 2 comprenait plus de patients avec un syndrome de Sjögren associé (10,9%) comparé aux deux autres, ayant fréquemment des anticorps anti-Ro/SSA et anti-La/SSB (43% et 14,9% respectivement) comme attendu. Ces résultats sont en accord avec une méta-analyse précédente qui a retrouvé des phénotypes de patient différents sur les plans clinique et biologique entre 10 ceux ayant un lupus associé à un syndrome de Sjögren et ceux ayant un lupus isolé, avec notamment moins d’atteinte rénale sévère, plus d’atteinte articulaire, et surtout un meilleur pronostic clinique chez les patients ayant un syndrome de Sjögren associé au lupus (24). Notre cluster 3 comprenait des patients présentant diverses manifestations cliniques spécifiques de lupus (cutanées, articulaires, rénales, pleurales, cardiaques ou hématologiques) et un large panel d’auto-anticorps différents (anti-ADN natifs dans 93,8% des cas, anti-Sm dans 54,7% des cas et anti-RNP dans 46,1% des cas, bien que les anti-Ro/SSA soient également fréquents (53,1%)). Une consommation du complément était significativement plus fréquente dans ce groupe (89,8% contre 61,5% et 54,3% pour les clusters 1 et 2, p<0,001). Les manifestations rénales, plus fréquentes dans ce cluster, étaient principalement prolifératives (classe III ± V pour 27 patients (21,1 %) et classe IV ± V pour 33 patients (25,8 %)), ce qui est en accord avec ce cluster impliquant des complexes immuns et une consommation du complément. Les patients de ce cluster ont eu plus recours à une corticothérapie, comparé aux 2 autres clusters (p<0,001). Ces résultats sont en accord avec d’autres études d’analyse de cluster qui ont trouvé une association entre les anticorps anti-Sm et anti-RNP avec diverses manifestations cliniques du lupus (sérites (7,10), lupus cutané aigu (10,13), arthrite (10), syndrome de Raynaud (3,6,13)). Étonnamment, le cluster anti-Sm/anti-RNP décrit par To et Petri (12) était associé à une fréquence moins importante d’atteinte rénale (définies seulement par une protéinurie ou un syndrome néphrotique et non pas sur des données histologiques), probablement en raison de l’absence d’anti-ADN natifs dans ce cluster plutôt que de la présence d’anti-Sm et d’anti-RNP. Ainsi, notre étude soutient l’idée que plus la diversité des autoanticorps est grande, plus les manifestations cliniques du lupus sont nombreuses, et notamment l’atteinte rénale (25). En ce qui concerne l’origine des patients, on retrouve une surreprésentation de l’origine européenne dans le cluster 1 (81,3%, n=74). Cela rejoint les résultats de To et Petri (12) qui ont retrouvé une association entre l’origine caucasienne et le cluster ADN/LAC/aCL. De plus, nous avons confirmé l’association entre l’origine sub-saharienne et asiatique et un lupus actif ou sévère, la présence de divers auto-anticorps anti-ENA, et la glomérulonéphrite lupique (cluster 3), déjà retrouvée dans des études précédentes avec des patients d’ascendance non-européenne (26–28). Nous avons également noté l’association du cluster 1 avec le sexe masculin (17,6 %, n=16), ce qui n’a pas encore été rapporté, mais probablement simplement dû à l’association avec le SAPL. 11 Ces clusters basés sur les données cliniques sont assez différents de ceux décrits dans les études précédentes (3,6,7,10,12,13), qui étaient réalisées à partir des auto-anticorps. Les autres études ont identifié au moins un cluster avec des auto-anticorps anti-Sm/anti-RNP et un autre avec des auto-anticorps anti-SSA/anti-SSB (3,6,7,12). En utilisant une analyse de cluster basée sur les manifestations cliniques, nous n’avons pas pu distinguer ces deux clusters. Une autre différence avec les autres études est qu’il n’y a pas de différence dans la proportion d’autoanticorps anti-ADN natifs entre nos trois clusters (86,8%, 86,0% et 93,8% respectivement, p=0,079), alors que les autres études ont isolé un cluster anti-ADN natifs associé à une atteinte rénale (3,6,10). Étonnamment, le cluster avec les anticorps anti-ADN natifs décrit par To et Petri (12) est associé à la présence d’un anticoagulant circulant lupique et d’anticorps anticardiolipine, et donc des thromboses. Notre étude et d’autres antérieures ont identifié un cluster avec une biologie antiphospholipide seule, associé à des thromboses et aux manifestations cliniques en lien avec le SAPL. L’originalité de notre étude est que les variables inclues dans l’analyse en cluster sont seulement cliniques, nous n’avons pas pris en compte les autoanticorps. Ainsi, les autres études n’ont pas retrouvé deux clusters opposés comme nos clusters 2 et 3 qui sont très différents dans leur présentation clinique et leur besoin en traitement. De plus, notre étude est le seul travail dans lequel les classes histologiques de néphropathie lupique sont disponibles. 

PATIENTS AND METHODS

Patients. In this retrospective and multicentric study, we included patients registered in the French “Antiphospholipid syndrome (APS) and SLE registry”, a multicenter database including APS and/or SLE patients from 17 centers in France (clinicaltrials.gov NCT02782039, with Institutional Review Board approval, previously described by Morel et al. (14)). We choose to include only the patients from 3 centers (Cochin Hospital in Paris, University Hospital of Lille and Timone Hospital in Marseille), because the other centers contributed to the registry only with severe APS patients. We selected patients fulfilling the Systemic Lupus International Collaborating Clinics (SLICC) classification criteria for SLE (15). Clinical features and immunological data were collected at the inclusion of the patient in the database. Clinico-biological variables. A total of 30 characteristics of clinical and laboratory (autoantibodies excluded) manifestations, selected to cover the broad SLE spectrum were used as input variables in cluster analysis. We included socio-demographic characteristics (sex, age of diagnostic and origin) and all clinical and biological manifestations included in the SLICC classification criteria for SLE (15): acute cutaneous lupus, subacute cutaneous lupus (resolving non-indurated psoriasiform or polycyclic lesions without scarring), chronic cutaneous lupus (discoid lupus), oral ulcers, nonscarring alopecia, arthritis or inflammatory arthralgia, serositis (we distinguished pleuritis and pericarditis), renal involvement defined by proteinuria >0.5 g/day, neurological involvement (seizure, psychosis, peripheral neuropathy or cranial nerves impairment, acute confusional syndrome in absence of other causes, and migraine), hemolytic anemia, leukopenia (<4000/mm3 at least once), lymphopenia (<1000/mm3), thrombocytopenia (<100 000/mm3 at least once), consumption of complement. Other clinical features were also included: Raynaud’s phenomenon, livedo reticularis, and chilblains lupus. Regarding renal involvement, we classified the patients into four histological groups according to the International Society of Nephrology/Renal Pathology Society (ISN/RPS) 2003 classification of lupus nephritis (16): class III ± V, class IV ± V, class V only or another SLE renal lesion (class I, class II, class VI or antiphospholipid nephropathy). We included diagnosis of associated APS (17), and other autoimmune diseases, including Sjögren’s syndrome (18) and Hashimoto disease. The treatments administered (hydroxychloroquine, steroids and immunosuppressive therapies, including azathioprine, rituximab, mycophenolate mofetil, and cyclophosphamide) and the complications during follow-up (infectious complications, admission in intensive care 26 unit and death) were also added in the descriptive analyses (i.e., not included in the clustering process, as the choice of therapy could be investigator-dependent). Damage were scored using the Systemic Lupus International Collaborating Clinics (SLICC)/ ACR Damage Index (SDI) (19). Autoantibodies. Autoantibodies were not included in the clustering process, but included in the descriptive analysis once clinical clusters were formed. The positivity of immunological laboratory tests was defined as follows. Antinuclear antibody (ANA) was considered positive if ≥1/160. Anti-double-stranded-DNA (anti-dsDNA) antibodies were detected by indirect immunofluorescence on Crithidia assay or enzyme-linked immunosorbent assay (ELISA). Anti-extractable nuclear antigens (anti-ENA) were detected by an ELISA technique and included anti-Ro/SSA (60kDa), anti-La/SSB, anti-Sm and anti-RNP antibodies. Anti-cardiolipin antibodies (aCL) were considered positive if IgG or IgM were superior to 40 UGPL. Anti-2-glycoprotein-1 (anti-2GP1) antibodies were considered positive if IgG or IgM were superior to the laboratory norm. Lupus circulating anticoagulant (LAC) was detected by at least two different techniques including dilute Russell’s viper venom time and at least one confirmatory test. Antiphospholipid biology was considered positive if at least one of those three antibodies was present. Cluster analysis methodology. We used the 30 selected variables (auto-antibodies excluded) to perform multiple correspondence analysis (MCA) and then considered the coordinates of the observations of the factorial axes retained as new variables for the cluster analysis. Categorical variables were presented as counts and percentages, and continuous variables as means (standard deviations [SD]) or medians (interquartile ranges [IQR]). The first k axes, which explained at least 90% of the total variability, were considered. We then performed hierarchical clustering based on the Ward method, followed by consolidation (k-means algorithms) to build homogeneous clusters of SLE patients. This technique starts with every case considered to be its own cluster and successive two-by-two mergers of clusters until the final merger with all subjects falling into a single category. The metric used to assess the proximity between two classes is the Euclidian distance, the most commonly used measure of (dis)similarity. The clustering process can then be plotted as a dendrogram, with horizontal branches representing the combination of two clusters and vertical branches the degree of dissimilarity between combined clusters; long distances of the vertical segments indicate large differences between the clusters that have been formed.  

Table des matières

Introduction
Patients et méthodes
Résultats
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
– Tableaux
– Figures
Liste des abréviations
Article soumis

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