Pré-traitement des échantillons
L’étape de pré-traitement des échantillons est très importante car elle peut impacter le résulat final et est souvent en fonction de l’objectif de la mesure. Cette étape inclut la stabilisation, le conditionnement, les conditions de conservation, la filtration.
Pour la stabilisation des RMV, différents agents peuvent être ajoutés dans les échantillons, avec des objectifs spécifiques. De l’éthylènediaminetétraacétique (EDTA) est parfois ajouté aux échantillons d’eaux naturelles comme d’eaux traitées. L’EDTA constitue un agent chélatant, empêchant certains antibiotiques comme les tétracyclines de se lier aux ions métalliques (par exemple Ca2+, Mg2+) présents dans l’échantillon ou à la surface de la verrerie (Mompelat et al., 2013). Dans Tong et al. (2009), l’EDTA a permis d’améliorer les taux de recouvrement de 20% pour les tétracyclines et de 10% pour les autres analytes. Dans l’étude de Hu et al. (Hu et al., 2014), c’est de l’acide citrique qui a été ajouté pour éliminer les éléments métalliques en présence. Pour l’analyse de l’eau potable, Ye et al. (Ye et al., 2007) a ajouté de l’acide ascorbique dans l’échantillon comme agent de neutralisation du chlore, afin d’éviter la dégradation des composés d’intérêt et la formation de sous-produits de dégradation chlorés.
Dans un objectif de mesurer l’exposition humaine aux RMV par ingestion d’eau du robinet, uniquement la phase dissoute sera considéré. Les échantillons d’eau de surface et d’eau souterraine sont filtrés. Les filtres utilisés dans la littérature pour éliminer les particules en suspension dans les eaux naturelles possèdent des tailles de pores comprises entre 0,45 μm (Gao et al., 2016; Hu et al., 2014; Iglesias et al., 2012; Martínez-Villalba et al., 2009; Ok et al., 2011; Tong et al., 2009; Xue et al., 2015; Zhang et al., 2014; Zrnčić et al., 2014) et 0,65 μm (Wei et al., 2011). Concernant les eaux traitées, les pratiques sont plus variables. Les échantillons d’eau potable sont filtrés à 0,45 μm (Cimetiere et al., 2013; Gros et al., 2012) ; 0,22 μm (Paíga et al., 2017), voir non filtrés avant analyse (Ye et al., 2007).
Traitement de l’échantillon
Le traitement de l’échantillon correspond à l’extraction des RMV de l’eau, parmi les techniques utilisées l’extraction sur phase solide (SPE) est le plus souvent mis en œuvre pour extraire les molécules les plus polaires ou amphotères.
La SPE utilise un principe proche de la chromatographie pour extraire par absorptionet/ou adsorption un ou plusieurs composés à partir d’un échantillon liquide (eau, urine) sur une phase stationnaire (adsorbant ou absorbant). C’est d’ailleurs une étape préliminaire à la chromatographie ayant aussi pour but d’éliminer les composés interférents ou de changer la matrice contenant l’échantillon (i.e. transférer les RMV de l’eau vers un solvant). Enfin, la SPE permet de concentrer l’échantillon, ce qui est essentiel pour l’analyse d’éléments présents à de faibles concentrations de l’ordre du nanogramme par litre.
Elle présente plusieurs avantages par rapport à l’extraction liquide-liquide. En effet la SPE permet à la fois l’extraction des composés polaires et des composés apolaires, ce qui n’est pas le cas avec une extraction liquide-liquide (Kinsella et al., 2009). De plus, elle consomme peu de solvant et constitue une méthode rapide et automatisable qui aboutit à l’obtention d’éluats très purs. Enfin, la méthode peut être optimisée en modifiant la phase stationnaire ou les conditions d’extraction.
Comme on peut le voir sur la figure 12, la SPE se réalise en quatre étapes :
Le conditionnement de la cartouche ;
La percolation de l’échantillon à travers la cartouche ; Le lavage et le séchage de la cartouche ;
L’élution des composés d’intérêt.
Conditionnement Rinçage Élution
Dans un premier temps, le conditionnement de l’adsorbant. Cette étape est nécessaire afin d’assurer des interactions reproductibles avec l’analyte et d’activer le support en éliminant les contaminants qui pourraient s’y trouver. Elle consiste à imprégner l’adsorbant d’un ou plusieurs solvants passés au travers de la cartouche.
Ensuite, le dépôt de l’échantillon est réalisé par pression ou aspiration au travers de la phase solide (on parle de cartouche). Les composés d’intérêt doivent être retenus prioritairement, tandis que les impuretés le sont peu ou pas. La vitesse d’écoulement de l’échantillon est contrôlée et il est possible de percoler des échantillons allant de quelques mL jusqu’au litre selon la quantité de phase solide utilisée.
Dans un troisième temps, la cartouche peut être rincée par un solvant ayant une forte affinité avec les impuretés retenues par la cartouche et une faible affinité pour les analytes d’intérêt. Cette étape n’est pas toujours réalisée, surtout lorsqu’il est question d’analyse multi-résidus avec des mélanges de molécules polaires et apolaires. Après cette étape, le support d’estaction est généralement séché pour éliminer toute trace de solvant de lavage et améliorer le rendement d’extraction. Enfin, l’élution doit être réalisée avec un solvant adéquat pour les composés d’intérêt avec un débit pas top rapide. Le volume de ce solvant doit être faible pour obtenir une pré-concentration importante. Plusieurs paramètres peuvent être optimisés lors de l’étape de la SPE : (1) le pH des échantillons, (2) le choix de l’adsorbant et (3) le choix des solvants de conditionnement, de rinçage et d’élution. Le pH des échantillons est un paramètre crucial qui influe sur la rétention et l’élution des analytes ciblés en fonction de la nature de la cartouche. La plupart des RMV ont un caractère amphotère, et pourront être présents sous différentes formes (cationique, neutre ou anionique) dans l’échantillon d’eau (pH environ de 7). Selon les méthodes indiquées dans le tableau 20, le pH acide entre 2 et 5 est généralement utilisé pour l’extraction des antibiotiques (Iglesias et al., 2012; Tong et al., 2014, 2009; Xue et al., 2015; Yao et al., 2017, 2015), et un pH plus neutre (autour de 7) pour les antiparasitaires (Krogh et al., 2008; Thompson et al., 2009; Zrnčić et al., 2014).
La cartouche doit être choisie avec soin en fonction des analytes ciblés. Pour l’analyse multi-résidus des RMV, les sorbants avec un copolymère de DiVinylBenzène lipophile et de N-vinylpyrrolidone hydrophile sont largement utilisés, comme l’Oasis HLB (Hydrophilic Lipophilic Balance) de Waters et la Strata X de Phenomenex.
L’élution se fait le plus souvent avec des solvants polaires. Le méthanol est le solvant de choix, utilisé seul (Cimetiere et al., 2013; Gros et al., 2012; Iglesias et al., 2012; Paíga et al., 2017, p. 201; Tong et al., 2014; Wei et al., 2011; Ye et al., 2007; Zrnčić et al., 2014) ou en mélange par exemple avec du méthyl-tert-butyléther (Tong et al., 2009), de l’acétone (Krogh et al., 2008) ou avec des solutions aqueuses (Gao et al., 2016; Xue et al., 2015).
Séparation des RMV par chromatographie en phase liquide haute performance
La chromatographie est une méthode de séparation des constituants d’un mélange en phase liquide ou gazeuse. Le principe repose sur les équilibres de partage des composés entre deux phases non miscibles, une phase dite mobile et une phase dite stationnaire constituée ici d’une colonne. La séparation est effectuée selon l’affinité des composés pour l’une ou l’autre de ces deux phases. Les composés sont transportés par la phase mobile jusqu’à la phase stationnaire qui va les retenir plus ou moins longtemps selon leur affinité pour celle-ci. On parle de rétention. En chromatographie liquide, cette séparation s’effectue sous pression, ce qui justifie son appellation de chromatographie haute performance, ou haute pression (HPLC) ou de chromatographie liquide à ultra haute performance (UHPLC). Les colonnes UHPLC utilisent des particules de diamètres inférieurs à 2 µm, tandis que les phases stationnaires HPLC utilisent généralement des particules d’un diamètre d’environ 3-5 µm. Le diamètre réduit en UHPLC permet de travailler à un débit élevé, ce qui diminue le temps d’analyse tout en conservant une efficacité de séparation similaire et permet même d’améliorer la résolution. Ainsi, les équipements UHPLC sont conçus pour supporter des pressions plus élevées dues à des débits plus élevés (Gros et al., 2012; Guillarme et al., 2010; Steene and Lambert, 2008). Différents paramètres peuvent être optimisés afin d’obtenir une séparation optimale des composés, c’est-à-dire la meilleure sélectivité et résolution possible.
Il convient de choisir une phase stationnaire (colonne chromatographique) adéquate pour les composés d’intérêt, ainsi qu’une phase mobile adapté à la phase stationnaire et aux composés.
Le tableau 22 détaille les différents paramètres sélectionnés dans les méthodes d’analyse des RMV de la littérature scientifique.
D’après le tableau 22, les phases stationnaires les plus couramment utilisées sont les colonnes dites en phase inverse, et plus spécifiquement phase inverse greffées par des chaînes linéaires d’atomes de carbone C18 (Gao et al., 2016; Martínez-Villalba et al., 2009; Thompson et al., 2009; Tong et al., 2009; Xue et al., 2015; Zrnčić et al., 2014). Les colonnes en phase inverse sont apolaires et vont retenir plus longtemps les composés apolaires que les composés polaires. Les composés les plus polaires seront donc les premiers élués.
L’utilisation d’une colonne en phase inverse apolaire implique l’utilisation d’une phase mobile polaire tel que c’est le cas dans le tableau 22, où les phases mobiles sont généralement composées d’un mélange d’eau ultra pure et d’acétonitrile parfois acidifié 0,1% d’acide formique (Gao et al., 2016; Hu et al., 2014; Iglesias et al., 2012; Martínez-Villalba et al., 2009; Tong et al., 2009). Cet ajout d’un faible pourcentage d’acide formique (0,01%-0,3%) dans la phase mobile peut améliorer la résolution des pics et la stabilité des temps de rétention (Norme XP T90-223, Afnor, 2013). Les débits identifiés pour l’analyse multi-résidus des RMV varient de 0,15 mL/min (Iglesias et al., 2012) à 0,8 mL/min (Krogh et al., 2008).
Détection par spectrométrie de masse en tandem
La spectrométrie de masse est une méthode de détection régulièrement utilisée en sortie de chromatographie pour identifier et quantifier de façon spécifique les résidus séparés au préalable. Cette méthode est basée sur le rapport masse sur nombre de charges (m/z) de molécules individuelles ionisées et de leurs produits de fragmentation.
Pour déterminer ce rapport, plusieurs étapes doivent avoir lieu dans le spectromètre de masse. Ces étapes sont retranscrites par la figure 13.
Tout d’abord, les molécules doivent être ionisées. Ce phénomène se déroule au sein de la source d’ionisation. Les ions sont ensuite accélérés et focalisés vers l’analyseur par le biais de lentilles ioniques. C’est dans l’analyseur que les ions vont ensuite être séparés en fonction de leur rapport m/z. Il doit régner un vide suffisant dans l’appareil pour que les ions ne soient pas déviés ou détruits par colision.
Dans le cadre de la spectrométrie de masse en tandem, deux analyseurs sont couplés l’un à l’autre. Une fois séparés, les ions vont être détecté et le signal obtenu sera amplifié et enregistré.
L’ionisation:
En HPLC-MS, Les sources d’ionisations sont dites « douces » car utilisé à Pression atmosphérique et générent des ions moléculaires à nombre pair d’électrons, qui seront suffisamment stables pour arriver jusqu’à l’analyseur.
Dans le cadre de l’analyse des RMV, des systèmes d’ionisation douce de type electrospray (ESI) sont utilisés.
L’ionisation par électrospray (figure 14) consiste en la formation de gouttelettes chargées sous l’effet d’un champ électrique. En effet, l’échantillon arrive dans la source d’ionisation grâce à un capillaire porté à haut potentiel électrique. Sous l’action du champ électrique et d’un courant gazeux co-axial, la solution forme un cône dynamique en sortie du capillaire, appelé cône de Taylor. Ce cône s’allonge pour former un filament liquide jusqu’à finir par se disperser en gouttelettes chargées de petit diamètre. Sous l’effet d’un second courant d’air chauffé, le solvant contenu dans les gouttelettes va s’évaporer progressivement jusqu’à ce que les gouttelettes deviennent instables du fait d’une tension superficielle inférieure à la répulsion électrostatique. Les gouttelettes éclatent par explosion coulombienne pour former une multitude de microgouttelettes. Ce phénomène se répète jusqu’à l’obtention de microgouttelettes ne contenant plus qu’une seule charge. Durant ce parcours, les gouttelettes vont également entrer en collision avec des molécules de gaz ou de solvant, ce qui va compléter leur désolvatation.
Ce type d’ionisation peut conduire à la formation d’ions monochargés de type [M+H] en mode positif ou [M-H] en mode négatif, mais également à la formation d’ions multichargés [M+nH]n+ ou [M-nH]n-. Des adduits peuvent parfois être formés avec des impuretés comme par exemple des ions sodium Na+.
L’analyseur de masse
L’analyse des RMV (voir Tableau 18) s’effectue par la spectrométrie de masse en tandem (MS/MS), avec un triple quadripôle (QqQ-MS) dans la majorité des cas (Gao et al., 2016; Krogh et al., 2008, 2008; Thompson et al., 2009; Tong et al., 2009, 2014; Wei et al., 2011; Xue et al., 2015; Yao et al., 2015, 2017; Zhang et al., 2014) ou avec un piège à ions (IT-MSn) (Martínez-Villalba et al., 2009; Tong et al., 2009). D’autres analyseurs de masse innovants apparaissent dans la littérature comme le temps de vol (TOF) ou les analyseurs de masse Orbitrap, conduisant parfois à des technologies hybrides comme le quadripôle – temps de vol (Q-tof), le piège à ions – Orbitrap ou le quadripôle – piège à ion QqLIT (Gros et al., 2012; Iglesias et al., 2012; Zrnčić et al., 2014). Ces instruments modernes fournissent les masses exactes des analytes et des informations sur les masses de fragments qui peuvent être utilisées pour identifier la structure des composés (Martínez-Villalba et al., 2009).
Nous détaillons ci-dessous le principe de l’analyseur triple quadripolaire utilisé dans la méthode d’analyse développée pour ce travail de thèse.
La dénomination de triple quadripôle s’explique par le fait qu’il s’agit de trois analyseurs dont deux de type quadripôle (Q1 et Q3) reliés entre eux par un analyseur type hexapôle utilisé comme cellule de collision (Q2) comme le montre la figure 15. Le premier quadripôle Q1 permet de sélectionner un ou plusieurs ions précurseurs issus de la source d’ionisation. La cellule de collision Q2 va être le lieu de la fragmentation des ions précurseurs en ions produits par le biais de collisions avec un gaz, en l’occurrence d’azote. Ce processus s’effectue en deux étapes, la première étant la collision entre l’ion cible et le gaz qui amène une partie de l’énergie cinétique de l’ion à se transformer en énergie interne et conduisant l’ion à un état d’excitation. La deuxième étape consiste en une décomposition unimoléculaire de l’ion. Les ions produits seront sélectionnés et analysés par le troisième quadripôle Q3.
Le mode SIM (Single Ion Monitoring, figure 17) : L’un des quadripôles, par exemple Q1, sera fixé sur un ou plusieurs rapports m/z précis. La cellule de collision et le troisième quadripôle seront éteints et laisseront passer tous les ions. Un chromatogramme correspondant à la ou les masses choisies est ainsi enregistré.
Le mode balayage des ions de fragmentation (Product Ion Scan, figure 18) : Q1 sélectionne un ou plusieurs ions précurseurs, qui seront par la suite fragmentés dans la cellule de collision Q2. Q3 va balayer tous les ions produits obtenus.
