Développement de nouveaux marqueurs microsatellites à partir du transcriptome du fonio chez les espèces cultivés

Développement de nouveaux marqueurs microsatellites à partir du transcriptome du fonio chez les espèces cultivés

Généralités sur les fonios 

 Les fonios, un potentiel pour la résilience des systèmes agricoles en Afrique de l’Ouest L’agriculture familiale constitue le modèle dominant des systèmes agricoles dans le monde (Morton, 2007) et couvre des millions d’hectares. Elle est restée très largement diversifiée et elle a majoritairement recours aux variétés traditionnelles. La contribution majoritaire de l’agriculture familiale dans la sécurité alimentaire est reconnue par la consécration de l’année 2014 comme « Année Internationale de l’Agriculture Familiale (AIAF) ». Les études de diversité sur les plantes cultivées ont montré que les variétés traditionnelles, bien que moins productives, sont génétiquement plus diversifiées que les variétés améliorées (Ahmadi et al., 1988). Par ailleurs, la sauvegarde de ces variétés traditionnelles, quelle que soit leur modalité (ex-situ, in-situ, etc.), contribue au maintien de leur richesse génétique (Frankel et al., 1995) et permet de conserver le potentiel génétique nécessaire pour faire face à de nouveaux impératifs (Cherifi et al., 1993). Les organisations internationales et nationales se doivent donc de reconsidérer les politiques agricoles afin de prendre en compte la diversité qui caractérise les agrosystèmes africains. Le XXème siècle a vu l’essor d’un modèle d’intensification agricole, qui favorisait la monoculture d’un nombre limité de variétés améliorées. Ce goulot d’étranglement sur la diversité génétique agricole a ainsi créé deux groupes d’espèce selon l’intérêt accordé : les espèces dites majeures et les espèces sous exploitées ou NUS4 (i.e. le fonio, le teff, le voandzou, etc.). Selon la FAO (2010), cette « homogénéisation » de l’agriculture est la principale cause de l’érosion génétique des plantes qui estime encore à 75% la perte de diversité génétique agricole au cours du siècle dernier. Ce terme d’espèces sous-utilisées fait référence à des espèces qui offrent un potentiel pour la sécurité alimentaire et la souveraineté des peuples mais qui sont reléguées au second rang, surtout au niveau de la recherche et de la commercialisation du fait de leur faible compétitivité avec les cultures dites principales. C’est le cas du fonio qui malgré son importance reconnue au niveau local, son adaptabilité à des environnements marginaux, et sa contribution significative dans la résilience des agro systèmes (Vodouhe et al., 2007) reste peu valorisé. 4 NUS : Neglected and underutilized species Revue de littérature 5 La valorisation de ces espèces mineures est considérée comme une des voies de transition vers une agriculture plus durable (Rudebjer et al., 2014). La diversification des cultures et surtout le recours aux espèces moins exigeantes en intrants, et parfaitement adaptées aux conditions rurales sont considérés comme des pistes de résiliences des systèmes agricoles africains. 

 Généralité sur le genre Digitaria 

Taxonomie

 Les Digitaires regroupent plus de trois-cent espèces de la famille des Poacées. Parmi elles, deux espèces sont cultivées en Afrique de l’Ouest : Digitaria exilis Stapf (le fonio blanc) et Digitaria iburua Stapf (le fonio noir). Les deux espèces sauvages apparentées les plus probables sont Digitaria longiflora Pers et Digitaria ternata Stapf. Le Tableau 1 présente une classification selon Cronquist, (1981) du genre Digitaria. Tableau1 : Classification taxonomique du genre Digitaria selon Cronquist (1981) Règne Plantae Embranchement Tracheobionta Division Magnoliophyta (Angiospermes) Classe Liliopsida (Monocotylédones) Sous-Classe Commelinidae Ordre Cyperales Famille Poaceae Sous-famille Panicoideae Tribu Paniceae Genre Digitaria 

Description botanique, aire de répartition et histoire évolutive des fonios 

 Le fonio blanc (D. exilis) Description botanique Selon Haq et Ogbe (1995), le fonio est une petite céréale, à métabolisme C4 avec un cycle végétatif court et une taille moyenne (30-80 cm), au tallage multiple (2-6 talles selon les variétés). Il présente une inflorescence composée le plus souvent de deux ou 3 racèmes ou épis. Il développe des racines fasciculées qui s’enfoncent profondément dans le sol. Revue de littérature 6 Les graines de couleur claire sont de petites tailles (0.5-1 mm de diamètre, 0.75-2 mm de longueur) et lisses avec un poids de 1 000 grains de l’ordre de 0,5 à 0,6 g. Comme le riz, le fonio est une céréale vêtue c’est-à-dire que les grains restent couverts de glumes (Photo 1 et 2) et de glumelles après battage. Il est reproduit par semis direct. Les graines de fonio germent normalement 2–4 jours après semis et se développent rapidement. La floraison survient généralement 6 à 8 semaines après émergence. Le cycle végétatif s’étend de 2 à 6 mois selon les variétés. Aire de répartition : L’aire de culture s’étend entre les 8ème et 14ème parallèles nord ; du Sénégal au lac Tchad (Figure 1). C’est surtout en Guinée dans les régions montagneuses du Fouta Djalon que le fonio représente l’une des bases de l’alimentation. Le fonio est généralement cultivé au Mali, au Bénin, au Burkina Faso, au Nigeria au Sénégal et au Niger. Photo 1 : Plant de D. exilis http://www.cabi.org/isc/datashee t/18915 Photo 2 : Graine de D .iburua (a) et D. exilis (b) (d’après J. Hernandez-USDANRCS PLANTS Database) a b Figure 1 : Distribution de D.exilis et D. iburua en Afrique de l’Ouest (Blench, 2012) Revue de littérature 7 Histoire évolutive : La première référence écrite sur le fonio date de 1068 avec Albakari quand il mentionnait qu’à Sijilmasa (Maroc) « le blé avait de très petit grain ». Les premières références du fonio comme aliment sont rapportées dès le milieu du 19ème siècle par l’explorateur Ibn Battûta lors de son voyage au Soudan (actuel Mali). La primo-domestication du fonio daterait de 5000 avant J-C (Jideani, 2012) et se situerait dans la région de Guinée/Mali. Il aurait été cultivé pour la première fois par le groupe linguistique Mandé (Vodouhe et al., 2003). Le fonio se serait par la suite répandu vers l’ouest et puis vers l’est au Nigéria où il y aurait eu une diversification secondaire. Morales-Payán et al., (2002) ont indiqué qu’il est cultivé en République Dominicaine et qu’il y aurait été introduit lors de la traite négrière. On connait assez peu l’histoire de dispersion du fonio en Afrique de l’Ouest sauf au Togo ou plusieurs scénarii de dispersion ont été rapportés. Au Togo, le premier scénario stipule que les races locales étaient jadis cultivées le long des montagnes de Ouali (à proximité de Atakpamè au Sud du Togo) et de Defale (Doufelgou district dans le Nord Togo) par les ancêtres des ethnies Akposso et Lamba qui ont respectivement occupées ces sites. Le second scenario serait une introduction des races locales du Togo via les pays limitrophes tels que le Burkina Faso, le Bénin, le Ghana et la Côte d’Ivoire suivant la trajectoire d’immigration des peuples et leurs sédentarisations (Adoukonou-Sagbadja, et al., 2006).  Le fonio noir (D. iburua) Description botanique D. iburua est caractérisée par des graines noires (Photo 2). Les variétés botaniques n’ont pas été décrites aussi précisément chez D. iburua. Portères (1946) a rapporté néanmoins l’existence de deux variétés de fonio noir distinctes dans les zones de culture du Bénin et du Togo. Aire de répartition D. iburua est restreinte dans sa distribution (Figure 1). La principale zone de distribution actuelle du fonio noir est le centre du Nigéria et dans les montagnes de l’Atacora au Bénin (Portères, 1946). Revue de littérature 8 Histoire évolutive En ce qui concerne D. iburua, Portères (1946) a lié son nom local « iburu » à la culture Haussa et a indiqué que sa domestication a pu être réalisée dans le nord du Nigeria et la récolte a pu se propager vers le sud après la désertification du Sahara.  Le fonio sauvage (D. longiflora) Description botanique Digitaria longiflora présente un intérêt agronomique de par ses caractéristiques morphologiques (port érigé, tiges longues, grandes, dures, fortes, panicules longues et riches en grains). D. longiflora est une herbe annuelle ou brièvement pérenne, à port variable et haute de 10-60 cm (Photo 3). Les chaumes sont grêles, rampants, stolonifères, radicants aux nœuds inférieurs. Ils sont ramifiés, puis ascendants et dressés, glabres mais souvent ciliés sous l’inflorescence (Poilecot, 1995). La plante est rustique, pionnière, colonisant les plaques de sol restées nues (Bosser, 1969). Aire de répartition L’espèce est commune sous tous les tropiques (espèce paléotropicale, devenue pantropicale). Très peu de références existent dans la littérature quant à sa présence effective en Afrique de l’Ouest exception faite du Nigéria où il semble très répandu. Au Sénégal, D. longiflora se retrouve dans les fourrés ouverts à arbustes épineux et pousse sur des sables rudéralisés : champs, jachères, friches, brûlis, pacages, bord de chemins, etc. (Vanden Berghen, 1991). Photo 3: Plant de D. longiflora (IDAO) 

Relations entre espèces

 Les espèces ancestrales ou parents sauvages du fonio ne sont pas définitivement identifiés. Diverses espèces sauvages ont été proposées, comme ancêtres ou proches parents basés sur leurs affinités morpho-botaniques pour les espèces de fonio cultivées (Adoukonou -Sagbadja 2010). Parmi ceux-ci, D. longiflora et D. ternata sont respectivement les proches parents du fonio blanc et du fonio noir. Dans leur approche phylogénétique moléculaire basée sur des marqueurs RAPD, Hilu et al., (1997) ont confirmé la parenté génétique élevée de D. longiflora et D. ternata à D. exilis et D. iburua respectivement. De même, AdoukonouSagbadja et al., (2010) ont confirmé la proximité génétique entre D. exilis et D. longiflora à l’aide de marqueurs AFLP. Les espèces de fonio ont précédemment été rapportées comme diploïde (2n = 2x = 18), tétraploïde (2n = 4x = 36) ou hexaploide (2n = 6x = 54) (Zeven et al., 1982) mais seulement la tétraploïdie a été récemment confirmée. Le génome est relativement, petit, (1C) s’étendant de 904 à 956 Mbp (Adoukonou-Sagbadja et al., 2007). Le mode de reproduction serait l’autogamie (Barnaud et al., soumis) mais d’autres auteurs suggèrent la fécondation croisée (Hilu et al., 1997) ou encore l’apomixie (Adoukonou-Sagbadja et al., 2007).

La diversité des fonios

 La biodiversité des fonios est importante comme en atteste les nombreuses variétés locales ou écotypes recensés. Portères (1976) a identifié 4 races. Il s’agit de var. stricta trouvée en Casamance (Sénégal), Guinée, Mali et Burkina Faso, de var. rustica trouvée en Casamance (Sénégal), Guinée, Mali et Burkina Faso, de var. mixta rencontrée en Guinée et de var. densa rencontrée au Togo. La caractérisation morphologique au sein de 67 accessions originaires du Niger a permis de montrer cette variabilité dans les paramètres agro morphologiques (couleurs des grains et tiges) mais aussi dans les paramètres quantitatifs liés aux rendements (biomasse sèche, le poids des grains par hectare et poids de la biomasse sèche par hectare etc.) (Saidou et al., 2015). Peu d’étude de diversité génétique se basant sur les marqueurs moléculaires ont été réalisées sur le fonio. Adoukonou-Sagbadja et al., (2010), se basant sur les AFLP ont réalisé une caractérisation moléculaire sur 122 accessions de fonio de 5 différents pays en Afrique de l’Ouest. Ils ont montré trois groupes génétiques majeurs selon l’origine géographique. Cette diversité génétique serait inégalement répartie dans le bassin supérieur du fleuve Niger alors qu’une très faible diversité est présente dans la zone de l’Atacora.

Table des matières

Résumé
Dédicaces
Remerciements
Liste des tableaux
Liste des photos
Liste des figures
Liste des annexes
Liste des sigles et acronymes
Liste des sigles et abréviations
I. Introduction
1. Contexte et problématique
2. Objectifs de l’étude
2.1. Objectif global
2.2. Objectifs spécifiques
II. Revue bibliographique
1. Généralités sur les fonios
1.1. Les fonios, un potentiel pour la résilience des systèmes agricoles en Afrique de l’Oues
1.2. Généralité sur le genre Digitaria
1.2.1. Taxonomie
1.2.2. Description botanique, aire de répartition et histoire évolutive des fonios
1.3. Relations entre espèces
1.4. La diversité des fonios
2. Les marqueurs moléculaires comme outils d’analyse de diversité génétique
2.1. Généralité sur les marqueurs moléculaires
2.2. Les microsatellites (SSR)
2.3. Développement des marqueurs SSR
2.4. Le transcriptome
3. La complexité de l’analyse des données générées par les SSR chez les espèces polyploïdes
3.1. La polyploidie
3.2. L’analyse des données générées par les SSR chez les espèces polyploïdes
III. Matériel et Méthodes
1. Matériel Végétal
2. Méthodologie
2.1. Extraction d’ADN
2.2. Identification des marqueurs SSR
2.3. Test d’amplification des marqueurs
2.4. Génotypage des accessions
2.5. Lecture des résultats
2.6. Analyses des données
IV. Résultats
1. Caractéristiques des marqueurs
2. Diversité allélique et allèles privés par espèces
3. Différentiation et relation génétique entre espèces
V. Discussion
1. Amplification
2. Transférabilité des marqueurs entre espèces
3. Relation entre espèces
5. Comparaison des méthodes de développement des SSR chez le fonio et leurs différentes implications.
6. Ressources génétiques : les fonio cultivés et sauvages un réservoir de diversité à explorer et à conserver
Conclusion et perspectives
References bibliographiques
Annexe

 

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