Développement d’une horloge atomique sur puce à atomes

Développement d’une horloge atomique sur puce à
atomes

Introduction 

Le début du vingtième siècle a été une période extrêmement prolifique pour la physique fondamentale. Nombreuses sont les théories élaborées à cette époque dont les prédictions furent vérifiées expérimentalement à partir des années 1945-50, et dont nous bénéficions aujourd’hui dans notre vie quotidienne. Nous pouvons ainsi citer, pèle-mêle, le four à micro-onde, le laser, l’ordinateur ou encore les systèmes de navigation par satellites qui équipent voitures et téléphones portables. Nombre de ces applications, des semi-conducteurs à la cryptographie quantique, reposent sur les lois de la physique quantique. C’est notamment le cas des horloges atomiques : la découverte de la quantification des niveaux d’énergie atomiques, et le lien entre fréquence et énergie dans les phénomènes d’absorption et d’émission des photons établi par Albert Einstein [1] et décrit par la loi de Planck, ont conduit au choix des atomes comme références de fréquence, préférés aux trajectoires perturbées des astres dans le ciel terrestre. Les horloges atomiques ont ceci de particulier qu’elles sont à la fois le fruit d’une théorie qui décrit le comportement fondamental de la matière à une échelle microscopique, mais aussi une des sondes les plus exactes des lois de la physique. Elles permettent en effet, de par leur exactitude, d’étudier les prédictions théoriques de physique fondamentale, tels la relativité générale (notamment avec le projet ACES [2]), ou le principe d’équivalence et de possibles variations des constantes fondamentales [3]. Une partie de l’effort de recherche en métrologie des fréquences est donc orienté vers la conception d’horloges de plus en plus stables et de plus en plus exactes, avec dans le peloton de tête les horloges optiques, à ions ou atomes neutres piégés. La découverte et la maˆıtrise des techniques de refroidissement atomique par laser ont été à l’origine de progrès considérables dans ce domaine, permettant de gagner plusieurs ordres de grandeur en terme de stabilité, notamment grˆace à l’apparition des fontaines atomiques [4, 5]. L’autre voie de développement pour les horloges atomiques est la réalisation de modèles industriels ou embarqués. Elle passe par la conception de modèles compacts, de volumes de l’ordre du litre, par exemple pour les systèmes de navigation, ou même miniatures, bientˆot intégrés dans les serveurs de télécommunication. Si les horloges miniatures ne bénéficient pas encore des techniques de refroidissement atomique, plusieurs projets d’horloges compactes à atomes froids sont nés durant les dernières années ; citons notamment les projets HORACE et PHARAO, au SYRTE. C’est dans cet esprit que s’inscrit le dispositif présenté dans ce manuscrit. L’horloge atomique sur puce, également désignée par l’acronyme TACC pour ≪ Trapped Atom Clock on a Chip ≫, tire sa compacité potentielle de l’utilisation d’atomes piégés et de la technologie des puces à atome. Le piégeage magnétique permet en effet de combiner longs temps d’observations et volume réduit. Bien que le terme ≪ puce à atomes ≫ soit apparu en 2000, la première proposition théorique date de 1995, et les premières publications sur leur réalisation expérimentale de 1999. Les forts gradients de champ magnétique générés par ces 1 2 micro-structures permettent de raccourcir la phase de refroidissement nécessaire à l’obtention d’un condensat de Bose-Einstein ; le second avantage tient dans la compacité du dispositif, qui permet de plus l’intégration de composants optiques, électroniques ou mécaniques supplémentaires sans changement d’échelle. Les puces à atomes se sont donc développées dans deux directions complémentaires : l’étude de systèmes physiques nouveaux, tels les gaz dégénérés à une dimension, et l’intégration en vue d’applications industrielles, tels l’interférométrie atomique ou le calcul quantique. TACC s’inscrit dans le cadre de ces deux démarches à la fois. Nous avons conçu un dispositif métrologique avec pour but à moyen terme l’obtention d’une stabilité de fréquence relative de 10−13 à une seconde, dépassant ainsi les performances des meilleures horloges commerciales actuelles. Mais l’expérience a également été développée avec l’idée d’être utilisée pour étudier la dynamique du gaz de 87Rb ultra-froid, et notamment les collisions inter-atomiques, ainsi que leur influence sur la cohérence de superpositions atomiques. Nous présentons tout d’abord les bases théoriques nécessaires à la compréhension des phénomènes en jeu dans l’horloge atomique sur puce. Nous décrivons ensuite le dispositif expérimental que nous avons monté avec Friedemann Reinhard, auquel j’ai consacré une partie importante de ma thèse. Nous donnons enfin les résultats obtenus avec ce dispositif, pour la durée de la cohérence ainsi que pour la stabilité préliminaire. Ma thèse est organisée de la manière suivante : • Le chapitre 1, ≪ Motivations et enjeux ≫, présente en détails le contexte scientifique de développement du projet, le but visé en termes de stabilité, ainsi que les points pouvant présenter des difficultés éventuelles. On présente ensuite le principe de l’horloge atomique sur puce, ainsi qu’une estimation préalable des performances attendues. • Le chapitre 2, ≪ Atomes froids sur puce à atomes ≫, présente les principes du refroidissement atomique et du piégeage magnétique à l’aide d’une micro-structure. Nous donnons également les propriétés de base d’un condensat de Bose-Einstein dans un potentiel harmonique, et notamment les signatures expérimentales de la transition de phase. • Le chapitre 3, ≪ Dispositif expérimental sous contraintes métrologiques ≫, décrit les différentes briques élémentaires composant notre horloge. Nous donnons dans la mesure du possible les performances du dispositif en regard des contraintes imposés par l’obtention d’une stabilité compétitive. L’accent est mis sur le banc optique, auquel j’ai consacré une partie importante de mon travail. • Le chapitre 4, ≪ Refroidissement atomique – résultats expérimentaux ≫, présente les résultats obtenus en termes de refroidissement atomique à chaque étape du cycle expérimental, du piège magnéto-optique jusqu’à l’obtention d’un condensat de BoseEinstein, ainsi que les mesures de taux de pertes des deux états d’horloge. • Le chapitre 5, ≪ Spectroscopie de la transition d’horloge – résultats expérimentaux ≫, présente les résultats obtenus en termes de durée de cohérence et de stabilité de l’horloge, ainsi que des pistes d’amélioration. 

Horloge atomique sur puce : motivations et enjeux

 Depuis les années 1950, les horloges atomiques ont fait l’objet d’un développement constant, nourrissant un travail à la fois technologique et fondamental. La réalisation d’instruments de plus en plus stables et de plus en plus exacts, allant de paire avec la compréhension et l’évaluation des effets systématiques introduits par les techniques expérimentales utilisées, a été accompagnée de la conception d’horloges compactes et transportables, trouvant leur place dans des applications industrielles. Les horloges atomiques sont de plus devenues des instruments allant au delà de la ≪ simple ≫ mesure du temps, en contribuant à des tests de physique fondamentale, accessibles grˆace à l’extraordinaire résolution de leurs mesures de fréquences. L’apparition du refroidissement atomique par laser à la fin des années 1980 a notamment contribué à ces avancées, donnant un nouvel élan à la métrologie des fréquences, à la fois en permettant une meilleure compréhension des interactions inter-atomiques et des interactions lumière-matière, mais également par l’augmentation des durées d’interactions, auparavant réduites par la vitesse élevée des atomes à température ambiante. On peut aujourd’hui classer les horloges atomiques en différentes gammes, selon leur niveau de performances, de compacité et de consommation électrique, visant à différents types d’applications. On trouve à une extrémité les horloges optiques, développées dans les laboratoires de métrologie, visant à atteindre des niveaux d’exactitude encore inégalés. Ces horloges occupent pour l’instant des salles entières dans les laboratoires, nécessitent l’utilisation de composants optiques complexes, tels les cavités optiques ou les lasers femto-seconde. Un des atomes utilisés dans de telles horloges sera probablement choisi pour redéfinir la seconde d’ici quelques années. A l’autre extrémité, on peut trouver l’horloge CSAC commercialisée par la société SYMMETRICOM, présentant une stabilité 105 fois moins bonne, de 5 × 10−11 à 1s, mais qui tient dans la poche et présente une consommation électrique inférieure à 100mW. Entre ces deux extrêmes, on trouve une génération d’horloges de laboratoire visant à remplacer les horloges commerciales actuellement en place dans les systèmes de positionnement par satellite, tels les projets LITE, HORACE, ou encore celui présenté dans ce manuscrit. Signalons enfin le projet PHARAO, horloge à atomes froids spatiale visant une stabilité de 1 × 10−13τ −1/2 et une exactitude de 10−16 en micro-gravité, suffisamment bonnes pour effectuer des tests de physique fondamentale dans l’espace [6]. L’utilisation d’atomes neutres piégés dans une horloge atomique est apparue avec les techniques de refroidissement par laser. Les atomes étant suffisamment froids pour être piégés optiquement ou magnétiquement, l’idée d’effectuer une spectroscopie pendant un temps arbi trairement long était naturelle. Ainsi, l’étude des horloges à ions piégés a débuté au début des années 1960, et les horloges optiques à atomes neutres sont généralement basées sur l’utilisation d’un piège dipolaire. L’idée d’une horloge utilisant des atomes piégés magnétiquement est également apparue avec le travail des groupes d’Eric Cornell [7] et de Jakob Reichel [8]. L’utilisation d’un piège permet non seulement des temps d’interaction longs, mais également de ramener toutes les étapes du cycle d’horloge dans un volume unique, pouvant être réduit, par rapport par exemple aux horloges à jet thermique ou aux fontaines atomiques, qui nécessitent de laisser les atomes parcourir une distance de l’ordre du mètre lors de la mesure d’horloge. Nous présentons dans ce chapitre le principe de fonctionnement d’une horloge atomique ainsi que la façon d’évaluer ses performances, puis exposons l’intérêt de l’utilisation d’atomes piégés magnétiquement dans une horloge, ainsi que les enjeux techniques et théoriques que cela implique.

Les horloges atomiques

 L’idée d’utiliser des atomes pour mesurer le temps est apparue au cours du XXème siècle, avec le développement de la mécanique quantique et des techniques de spectroscopie. C’est également pendant les années 1930 qu’on a observé, avec les premières horloges à quartz, que la rotation de la terre n’était pas régulière ; celle-ci est ralentie au fil du temps, rendant la durée de la journée (si on la définit comme la durée moyenne écoulée entre deux passages du soleil à son zenith) dépendante du temps. Il en est ainsi pour les trajectoires des différents objets célestes, et la rotation de la terre autour du soleil est elle aussi perturbée, notamment par les mouvements des autres corps alentour. Les atomes au repos, eux, possèdent des niveaux d’énergie stables et universels, dans l’état actuel de nos connaissances. Ces niveaux d’énergie étant reliés à des fréquences par la loi de Planck (ci-après), les atomes constituent donc les meilleures références de fréquence que l’on connaisse à ce jour. Cette partie présente le principe de fonctionnement d’une horloge atomique, ainsi que les outils permettant de caractériser ses performances : la stabilité, l’exactitude et la variance d’Allan. La spectroscopie Ramsey, qui constitue la mesure d’horloge à proprement parler, est ensuite décrite en détails. On étudie enfin l’effet d’une décohérence de la superposition atomique sur la mesure. 

Principe de fonctionnement 

Une horloge atomique est basée sur deux éléments essentiels : – l’étalon de fréquence, une référence atomique correspondant à la fréquence de transition ν0 entre deux niveaux d’énergie |1i et |2i du spectre de l’atome utilisé, liés par la loi de Planck E|2i − E|1i = hν0, o`u h = 6, 626 × 10−34J.s est la constante de Planck. – un oscillateur, qui délivre un signal électrique de fréquence νosc. proche de ν0. Une horloge atomique passive fonctionne de la manière suivante, illustrée figure 1.1 : on compare la fréquence de l’oscillateur νosc à la fréquence de référence atomique ν0, afin de corriger les fluctuations de νosc. Le signal utile généré par l’horloge est un signal électrique de fréquence νosc, de puissance suffisante pour être distribuée à d’autres appareils, dont on peut compter les oscillations afin de réaliser une échelle de temps. L’asservissement de la fréquence νosc se fait via la mesure de la différence de fréquence δ = νosc − ν0, appelée interrogation. On souhaite ainsi approcher pour νosc la pureté spectrale de la fréquence de résonance atomique. Cette mesure peut cependant être entˆachée d’erreurs, et il est nécessaire de pouvoir quantifier les fluctuations de la fréquence νosc, ainsi que l’exactitude de la mesure de ν0. La transition d’horloge peut appartenir au domaine micro-onde (9.19 et 6.83 GHz pour le Césium ou le Rubidium, et 40 GHz pour l’ion Hg+) ou au domaine optique (de l’ordre de 100 THz). Les horloges utilisant l’atome de Césium sont appelées étalons primaires, puisque c’est le Césium qui est utilisé pour définir la seconde du système international depuis 1967. Les horloges basées sur d’autres éléments peuvent constituer des étalons secondaires. 

Table des matières

Remerciements
Introduction
1 Horloge atomique sur puce : motivations et enjeux
1.1 Les horloges atomiques
1.1.1 Principe de fonctionnement
1.1.2 Caractérisation
1.1.3 Interrogation de Ramsey
1.2 Utilisation d’atomes piégés dans une horloge atomique
1.2.1 Régime de Lamb-Dicke
1.2.2 Pièges électriques, pièges optiques, pièges magnétiques : avantages et difficultés
1.2.3 Atomes de 87Rb piégés magnétiquement
1.2.4 Effets du piège sur la spectroscopie Ramsey
1.3 Notre réponse : TACC
1.4 Performances attendues
1.4.1 Durée de cohérence
1.4.2 Stabilité
2 Atomes froids sur puce à atomes
2.1 Les puces à atomes
2.1.1 Les puces à travers le monde : panorama d’un outil flexible
2.1.2 Piégeage magnétique des atomes neutres
2.1.3 Principes de base des puces à atomes
2.1.4 Principales géométries de pièges
2.2 Refroidissement atomique
2.2.1 Pré-refroidissement
2.2.2 Refroidissement par évaporation forcée
2.3 Condensation de Bose-Einstein
2.3.1 La condensation de Bose-Einstein
2.3.2 Propriétés
2.3.3 Caractérisation expérimentale de la transition de phase
3 Dispositif expérimental sous contraintes métrologiques
3.1 Cycle expérimental de l’horloge
3.1.1 Piège magnéto-optique
3.1.2 Mélasse optique
3.1.3 Pompage optique
3.1.4 Piége magnétique
3.1.5 Evaporation
3.1.6 Interrogation
3.1.7 Détection
3.2 Système optique
3.2.1 Banc optique
3.2.2 Chapeau optique
3.3 Détection
3.3.1 Détection par absorption
3.3.2 Imagerie en temps de vol
3.3.3 Détection selon l’axe Y
3.3.4 Détection selon l’axe X
3.4 Structure du montage : système de vide, supports et blindages
3.4.1 Vide
3.4.2 Supports
3.4.3 Blindages
3.5 Génération des champs magnétiques : bobines et sources de courant
3.5.1 Bobines
3.5.2 Coupure des champs magnétiques
3.5.3 Sources de courant
3.6 La puce
3.6.1 Description générale
3.6.2 Courants D.C
3.6.3 Configurations de champs magnétiques type
3.6.4 Signaux A.C
3.6.5 Accès électrique et alimentation
3.7 Chaˆıne de synthèse micro onde
3.7.1 Principe de fonctionnement
3.7.2 Performances
4 Refroidissement atomique – résultats expérimentaux
4.1 Refroidissement magnéto-optique et mélasse optique
4.1.1 Pièges magnéto-optiques
4.1.2 Mélasse optique
4.1.3 Pompage optique
4.2 Piège magnétique
4.2.1 Transfert
4.2.2 Durée de vie de l’état |2, 2i
4.2.3 Mesure des caractéristiques d’un piège magnétique
4.3 Condensation de Bose-Einstein
4.3.1 Mise en place du refroidissement évaporatif
4.3.2 Difficultés expérimentales rencontrées
4.3.3 Obtention et caractérisation du condensat .
4.4 Durée de vie du nuage ultra-froid : influence des collisions
4.4.1 Etat fondamental
4.4.2 Etat excité
4.4.3 Superposition cohérente
5 Spectroscopie de la transition d’horloge – résultats expérimentaux
5.1 Couplage du signal d’interrogation
5.1.1 Micro-onde : pertes à 1 photon
5.1.2 Caractérisation de la transition à deux photons
5.2 Durée de cohérence de la superposition
5.2.1 Mesure de la durée de cohérence par spectroscopie Ramsey
5.2.2 Piège très confinant
5.2.3 Réduction du bruit technique et installation des blindages
5.2.4 Piège d’interrogation optimal et cohérence exceptionnelle
5.3 Estimation préliminaire de la stabilité .
5.3.1 Estimation à partir d’un spectre
5.3.2 Mesure préliminaire
5.4 Limites actuelles de la stabilité – pistes pour une amélioration
Conclusion
A Publications
Bibliographie

 

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