Développement d’une ingénierie participative renouvelée face à un acteur devenu incontournable l’usager urbain pauvre

Développement d’une ingénierie participative renouvelée face à un acteur devenu incontournable l’usager urbain pauvre

Dans le chapitre précédent, nous avons montré que l’usage militant du droit a contraint la municipalité et l’opérateur à se repositionner sur un certain nombre de controverses techniques et sociales relatives au projet OGA, et plus généralement à réviser leur approche de l’accès à l’eau des urbains pauvres. Au-delà de ces considérations, le manque de consultation et de participation des usagers à la construction du service faisaient également partie des accusations soulignées par les plaignants pour qui, la municipalité aurait eu, lors de la première phase du projet OGA, une démarche autoritaire. L’avocat ayant représenté les résidents de Phiri estime ainsi que si la municipalité s’est félicitée de sa « superbe consultation » devant la Cour, en réalité « aucune consultation n’a été faite » et qu’après avoir décidé des contours du projet, « they went on a publicity drive to try to sell it to the people264. »

Dans ce cadre, le procès Mazibuko est à la fois un symptôme et un facteur d’affaiblissement supplémentaire du lien entre les citoyens et la collectivité publique. En effet, le procès et les manifestations qui y ont mené montrent l’émergence progressive de la figure de l’usager citoyen apte à contester par différents canaux, les choix de l’opérateur et à peser sur les politiques en demandant plus de transparence et de justifications sur les choix techniques réalisés, sur la nature des systèmes sociotechniques déployés et sur le ciblage des zones d’action. De ce fait, l’opérateur et la municipalité se sont vus contraints de reconsidérer leurs stratégies face à un acteur devenu incontournable : l’usager urbain pauvre. Par ailleurs, le projet OGA fait l’objet d’un constat paradoxal. En effet, d’un côté, ses résultats techniques et financiers jusqu’à son arrêt prématuré en 2008 sont plutôt satisfaisants (voir chapitre 2), de l’autre, ses limites, notamment en termes d’acceptation sociale, semblent nombreuses (manifestations, milliers de compteurs à prépaiement rendus hors d’usage, dizaines d’articles dans les journaux dénonçant le projet, médiatisation de l’affaire, etc.). Pour dépasser ces contradictions et la crise de confiance établie entre les usagers citoyens pauvres et le service public d’eau, la municipalité et l’opérateur ont été contraints de s’interroger sur les causes potentielles de ces controverses. Dans ce cadre, nos enquêtes de terrain montrent que les acteurs institutionnels ont tiré un enseignement du processus juridique: la participation des communautés et la confiance entre ces dernières et les opérateurs du service sont des éléments centraux.

De la sorte, aujourd’hui, JW considère que les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la première phase du projet sont non seulement la conséquence d’une mauvaise communication sur les enjeux réels du projet, les messages sur la conservation de la ressource ayant disparu du discours pour se focaliser sur l’objet sensible (les compteurs à prépaiement), mais aussi d’un manque d’adhésion des communautés bénéficiaires au projet du fait d’un défaut d’implication de ces dernières. Par conséquent, JW développe une ingénierie participative (cette démarche est intitulée « new public engagement and communication approach ») protéiforme : il s’agit de sensibiliser les citoyens à la question environnementale et de justifier le bien fondé du projet (via des campagnes d’affichage, des spots radios, etc.), de faire participer les communautés (« community mobilisation ») notamment via le recours aux représentants politiques locaux, les councillors, et enfin de se plier à une demande de transparence accrue, ce qui se traduit non seulement par une politique d’ouverture envers les opposants d’hier mais aussi par un effort de changement plus global dans la communication avec l’extérieur. L’idée est de convaincre les usagers du bien-fondé de l’opération technique en les faisant passer, pour certains d’entre eux, du rôle d’adversaires de l’opérateur au rôle d’usagers citoyens. Finalement, il s’agit de diminuer le risque d’inacceptabilité sociale du projet. Comme souvent dans les projets d’eau, le développement d’une ingénierie participative correspond tout à la fois au souci de rénover la confiance entre les usagers du service public et les collectivités locales et à celui d’offrir une réponse à un conflit sur la conception du service (Breuil, 2004, p.195). C’est également ce qui est en jeu à l’échelle de Johannesburg où la communication et la participation sont présentées par la municipalité et l’opérateur comme des éléments indispensables à la recomposition de l’action collective en ville. Ce changement pose un certain nombre de questions : est-ce que cette stratégie de changement social sera efficace ?

 

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