DIAGNOSTIC PARASITOLOGIQUE DU PALUDISME

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DIAGNOSTIC PARASITOLOGIQUE DU PALUDISME

Le diagnostic du paludisme – une maladie parasitaire [36] causée par des protozoaires du genre Plasmodium, est une urgence [37]. En présence d’une symptomatologie évocatrice et d’arguments épidémiologiques avérés [38], le diagnostic parasitologique de l’infection plasmodiale est à réaliser. Ce diagnostic consiste à confirmer la présence
(i) de parasites dans le sang par la microscopie, (ii) ou la détection des antigènes plasmodiaux par le test de diagnostic rapide (TDR) ou (iii) la présence d’ADN ou d’ARN de Plasmodium par Polymérase Chain Reaction (PCR) [39]. Le choix de l’outil de diagnostic varie selon le contexte [40]. La rigueur est exigée pour assurer la fiabilité des résultats. L’étroite collaboration entre praticiens et biologistes est de mise [41].
Tests de diagnostiques rapide (TDR) du paludisme
Il s’agit d’une méthode de diagnostic indirect et pratique basée sur la détection d’antigènes plasmodiaux par immunocapture ou immunochromatochraphie sur une petite quantité de sang (5 à 15µl) comme Histidine Rich Protein 2 (PfHRP2) spécifique de P. falciparum, la lactate deshydrogenase (PvLDH) spécifique de P. vivaxou l’aldolase produite par toutes les espèces de Plasmodium (pan- aldolase).Selon les recommandations des fabricants, la lecture du résultat se fait après un temps donné au-delà ou au- deçà duquel l’interprétation n’est pas fiable mais cette durée excède rarement 30mn [42,43].
Sur le plan opérationnel, dans le dépistage (passif) et la prise en charge des cas suspects de paludisme, la politique nationale de lutte contre le paludisme recommande, l’utilisation des tests de diagnostics rapides au niveau communautaire [4]. Cette technique non quantitative permet, selon les fabricants, un diagnostic de l’espèce plasmodiale (P.falciparum ou non-P.falciparum).
L’intérêt d’un diagnostic parasitologique rapide, accessible et fiable relève surtout de l’urgence diagnostique et thérapeutique de cette infection potentiellement grave (selon le terrain et l’espèce en cause) mais aussi des inconvénients du traitement présomptif [22].
Microscopie (Annexe 1)
Le diagnostic microscopique du paludisme demeure la technique de référence pour le diagnostic biologique du paludisme. Il s’agit d’une méthode de diagnostic direct basée sur la détection et la détermination des espèces de Plasmodium présentes. La recherche d’hématozoaires peut se faire sur des gouttes épaisses ou des frottis minces colorés au Giemsa. La microscopie permet de mesurer les charges parasitaires ou parasitémie (voir annexe 1). De la confection de frottis sanguin (frottis mince ou goutte épaisse) à l’examen au microscope chaque étape faite de procédures normalisées de cet examen technique exige un grand soin et des compétences visuelles et analytiques précises.
Sur le plan pratique, l’examen des gouttes épaisses est plus sensible pour le diagnostic du paludisme. La goutte épaisse sèche, bien conservée sur site est prête pour la coloration [44]. L’expérience de notre unité d’accueil montre qu’il est crucial de rapatrier au laboratoire les gouttes épaisses 15 jours après leurs confections. Autrement, on risque de perdre en qualité de coloration.
Polymérase Chain Reaction (PCR)
Parmi les moyens de diagnostic biologique indirect de l’infection plasmodiale, la Polymérase Chain Reaction ou PCR est une technique sensible qui permet la détection de matériels génétiques (ADN ou ARN) des parasites du genre Plasmodium dans le sang. Le seuil de détection parasitaire est de 1 parasite par microlitre pour la PCR nichée jusqu’à 0,02 parasite par microlitre pour la PCR en temps réelle, et peut être réalisée en un temps relativement moindre. Il s’agit de réplication in vitro de séquences spécifiques d’ADN aboutissant à des dizaines de milliards d’exemplaires d’un fragment d’ADN particulier (ADN cible) à partir d’extrait d’ADN (ADN matriciel). Si la séquence cible, ici celui de Plasmodium, est présente (même à quantité infinitésimale) dans l’extrait d’ADN, il est possible de sélectivement la répliquer (amplification) en très grande quantité.

Principes essentiels sur la PCR pour le diagnostic du paludisme.

La PCR consiste en l’amplification en série d’une séquence d’ADN cible par l’ADN polymérase. Cette technique repose sur le mécanisme de réplication de l’ADN in vivo qui peut se dénaturer et dénaturer. La PCR repose sur deux principes :
1. Les « ADN polymérases ADN dépendantes thermostables » ont des propriétés de synthèse enzymatique et d’initiation « ADN double brins spécifique »
2. L’hybridation et la deshybridation des brins complémentaires d’ADN est fonction de la température.
Elle comprend les cycles répétitifs suivants :
 La dénaturation (92 à 95°C), conversion de l’ADN bicaténaire en ADN monocaténaire (simple brin).
 L’hybridation (56 à 64°C), fixation des deux amorces oligonucléotidiques ou « primers » sens et anti-sens définissant la séquence d’ADN à amplifier.
 L’élongation (72°C), synthèse de l’ADN complémentaire en utilisant l’ADN polymérase en présence de Mg2+ comme co-facteur et les désoxynucleotides tri phosphates ou dNTP.
Deux variantes de la technique PCR ont été utilisées pendant l’étude : la PCR en temps réel et la PCR nichée ou nested-PCR.
La PCR en temps réel
Cette technique permet de visualiser en temps réel l’amplification des gènes à l’aide d’un marqueur fluorescent dont l’émission est directement proportionnelle à la quantité de produits d’amplification obtenus d’où son autre appellation PCR quantitative. En utilisant Eva Green (agent intercalant sur les ADN double brin), la spécificité de la PCR se base sur les amorces. Lors de la réaction d’amplification par PCR, le colorant libre en solution émet peu de fluorescence. Durant l’étape d’élongation, une augmentation de la fluorescence est associée à la quantité de colorant se fixant à l’ADN double brin naissant.
Lorsque suivi en temps réel, l’augmentation du signal de fluorescence est observée pendant l’étape de polymérisation et l’émission fluorescente décroît complètement lorsque l’ADN est dénaturé à l’étape suivante. Ainsi, l’émission de fluorescence est mesurée à la fin de chaque étape d’élongation pour chacun des cycles par un système de lecture intégré à l’appareil de PCR en temps réel qui permet de suivre l’augmentation de la quantité d’ADN amplifié durant la réaction, voir figure 6 pour illustration.
La PCR nichée ou nested-PCR
Elle consiste en l’utilisation de 2 paires d’amorces : une externe et une interne. La paire d’amorces externes permet d’amplifier un fragment plus long du gène à amplifier et la paire d’amorces internes permettant d’amplifier spécifiquement une des séquences révélées par le couple d’amorces externes. Cette méthode a une bonne sensibilité permettant de détecter des parasites de l’ordre de 1 à 10 parasites par microlitre de sang
[45]. La présence et/ou absence d’ADNp sera visualisée après électrophorèse sur gel d’agarose. Ce dernier consiste à la séparation des ADNp en fonction de leur taille à l’intérieur des « pores » du gel d’agarose sous l’influence d’un champ électrique.
La concentration en agarose utilisée est inversement proportionnelle à la taille attendue d’ADN.
La visualisation des résultats s’opère en utilisant le bromure d’éthidium, agent intercalant des ADN doubles brins, qui en présence d’ultra-violet émettent une fluorescence [46], voir figure 5 pour illustration.

METHODES ET RESULTATS

METHODES.

Cadre et objectif de l’étude

Notre étude fait partie intégrante du projet « Diversité génétique des populations anophéliennes à Marovoay » inclut dans le grand projet « Mesure de la transmission des plasmodium humains (falciparum, vivax et ovale) de l’Homme aux moustiques ». Ce projet est réalisé et dirigé par le Groupe G4 Malaria et par l’unité de Recherche sur le Paludisme de l’Institut Pasteur de Madagascar. Les calendriers des activités ont été bien déterminés au préalable notamment concernant l’enquête parasitologique auprès des écoliers. Suite au passage du cyclone Enawo à Marovoay en Mars 2017, nous nous sommes proposée à étudier l’infection plasmodiale chez les écoliers dans la commune de Tsararano dans la zone rizicole de Marovoay. Les objectifs sont d’évaluer par PCR de la prévalence de l’infection plasmodiale chez ces enfants et d’évaluer leur connaissance, attitude et pratique sur le paludisme.
Site d’étude.
L’étude a été réalisée dans la commune rurale de Tsararano du district de santé de Marovoay (S 16°10’42.4’’, E 046°40’13.6’’) située à 80m d’altitude dans la partie Centre–est de la région côtière de Boeny dans la partie Nord-Ouest de Madagascar. Avec ses 4000 hectares de superficie mise en culture, au début, sa richesse hydrologique (naturelle et technologique) et une industrialisation de la récolte sur place, Marovoay, le deuxième grenier à riz de Madagascar fournit deux récoltes par an et pendant la période coloniale, on y exportait jusqu’à 60 tonnes de riz en destination de France, Maurice, La Réunion et la Côte orientale d’Afrique. En effet le riz est cultivé pendant deux périodes : le varyjeby pendant la saison sèche d’ Avril à Octobre et le varyasara pendant la saison de pluies d’Octobre à Mars [47]. Depuis des années, la riziculture et le paludisme sont liés à Marovoay [48].
La commune de Tsararano est une zone fortement rizicole. Elle comporte 10 fokontany, dont Tsararano, Androtra, Bevary, Ambanjabe, Bepako, Betaramamay, Tsiasesy, Andranomangatsiaka, Bekalila, Madirokely.
C’est dans le fokontany de Tsararano, un village entouré de rizières – gites larvaires permanents pour les anophèles vecteurs de Plasmodium illustrés par les figures 6 et 7 [49]- que se trouvent d’une part les seules écoles primaires de la commune dont une école primaire publique et une école primaire privée où nous avons recruté les élèves qui ont participé à notre étude et d’autre part le seul Centre de Santé de Base niveau II de la Commune.
Figure 6: Carte représentant le site d’étude : la commune rurale de Tsararano, District
de Marovoay, région Boeny.
Source : Image GoogleEarth.
Le Fokontany de Tsararano est composé de six quartiers : Tsararano, Antananjiva, Antanambao, Ambalapamba, Ambalakida, Ambalavary. Le paludisme y est encore endémique avec une transmission pérenne [24]. Le contact Homme-vecteur est permanent, les conditions géo climatiques locales sont favorables au développement des parasites malgré les variations saisonnières documentées [10].
Figure 7: Rizières à perte de vue dans la commune rurale de Tsararano servant de gites larvaires pour les anophèles vecteurs de Plasmodium.
Type d’étude et période d’étude
Deux enquêtes transversales en communauté ont été menées respectivement aux mois de Février et Mai 2017, consistant en des dépistages actifs de l’infection plasmodiale, d’une part et des enquêtes sur la connaissance l’attitude et la pratique (CAP) en matière de paludisme d’autre part.
Population d’étude
Les enquêtes de dépistage concernaient de façon exhaustive tous les écoliers consentants de l’école primaire publique et de l’école primaire privée (La Nichée) de la commune rurale de Tsararano. Les seules conditions d’exclusion pendant les enquêtes étaient le refus de l’enfant et/ou des parents ou des tuteurs. Par souci de discrimination et afin de traiter tous les enfants impaludés (TDR positifs) nous n’avons exclus que lors de l’analyse de données ceux âgés de plus de 15ans, la limite d’âge en pédiatrie.
L’enquête CAP ne concernait que les enfants âgés de 10 ans à 15 ans et plus. Concernant l’enquête CAP en Février, pour chaque classe, nous avons constitué un échantillon incluant le cinquième des élèves de 5 à 10 ans choisis au hasard. En Mai, tous les élèves de 10 à 15 ans ont été enquêtés.

Dépistage de l’infection plasmodiale chez les écoliers Enquête auprès des écoliers sur site

Les deux enquêtes ont été effectuées en Février 2017 (saison de pluies) et en Mai 2017 (saison sèche). La réalisation de cette enquête sur terrain consistait à la fois à un dépistage actif de l’infection plasmodiale et une enquête sur les Connaissances, Aptitudes et Pratiques (CAP). Après obtention du consentement éclairé, les informations individuelles (âge, sexe, …) ont été recueillies pour chaque écolier. Un prélèvement sanguin au bout du doigt, à l’aide de lancette à usage unique, a été réalisé pour effectuer le TDR, recueillir des gouttes de sang sur papier buvard pour les analyses moléculaires, et effectuer un frottis sanguin sur lame porte-objet (goutte épaisse et frottis mince) pour le diagnostic microscopique. Un identifiant unique pour chaque élève a été attribué et collé sur la fiche d’enquête, la cassette du TDR, la lame porte-objet, et le papier buvard.
Les prélèvements ont été acheminés aux laboratoires de l’Institut Pasteur de Madagascar pour réaliser les analyses microscopique et moléculaire.
Pour le dépistage du paludisme, nous avons utilisé suivant les recommandations du fabricant le TDR Care StartTM (Access Bio, Somerset, USA) détectant à la fois l’antigène pan-LDH et l’antigène PfHRP2. Les résultats des TDR ont été portés à la connaissance des directeurs, instituteurs, parents et écoliers. Conformément à la politique nationale de lutte contre le paludisme en vigueur, les enfants impaludés (TDR positif) ont été traités par ACT (artésunate + amodiaquine) comprimés sécables de par voie orale en une prise par jour pendant trois jours. La première dose de médicament a été administrée par notre équipe médicale et les comprimés pour les deux derniers jours de traitement ont été confiés à l’enseignant avec des consignes précises.
A la fin de l’enquête une sensibilisation par IEC- CCC (Information, Education, Communication pour le changement de comportement) a été faite dans l’optique d’améliorer leur connaissance, attitudes et pratique en matière de lutte contre le paludisme.
Diagnostic du paludisme au laboratoire à l’IPM
Le diagnostic du paludisme par la microscopie ou par la PCR a été réalisé à l’Unité de Recherche sur la Paludisme à l’IPM.
• Microscopie : Des frottis sanguins ont été confectionnés à Marovoay pour chaque élève. L’acheminement des frottis sanguins vers l’Institut Pasteur de Madagascar a été effectué après séchage. Après coloration au Giemsa puis séchage sous hotte, Voir figure 8 pour illustration, 30 % des lames des TDR négatifs et toutes les lames des TDR et PCR positifs ont été examinés au microscope à l’huile d’immersion à l’objectif ×100 par des microscopistes expérimentés.
La parasitémie a été estimée après comptage de parasités détectés contre 500 leucocytes, en admettant que la densité de leucocytes est estimée à 8000 par microlitre de sang, voir annexe 1. Vingt pour cent des frottis tirés au sort ont été réexaminés par un autre microscopiste pour le contrôle de qualité interne. La recherche de Plasmodium sp est considérée définitivement négative si l’absence de parasite après comptage de 2000 leucocytes est confirmée.

Table des matières

INTRODUCTION
Première partie : RAPPELS
I. EPIDEMIOLOGIE
I.1. Le paludisme dans le monde
I.2. Transmission de Plasmodium
I.2.1. Facies épidémiologiques du paludisme à Madagascar
I.2.2. Surveillance du paludisme à Madagascar
II. DIAGNOSTIC PARASITOLOGIQUE DU PALUDISME
II.1 Tests de diagnostiques rapide (TDR) du paludisme
II.2 Microscopie (Annexe 1)
II.3 Polymérase Chain Reaction (PCR)
Deuxième partie : METHODES ET RESULTATS
I. METHODES.
I.1. Cadre et objectif de l’étude
I.2. Site d’étude.
I.3. Type d’étude et période d’étude
I.4. Population d’étude
I.5. Dépistage de l’infection plasmodiale chez les écoliers
I.5.1. Enquête auprès des écoliers sur site
I.5.2. Diagnostic du paludisme au laboratoire à l’IPM
I.5.3. Enquête CAP
I.6. Saisie et analyse des données
I.7. Variables étudiées
I.8. Considérations éthiques
I.9. Limites de l’étude
II. RESULTATS
II.1 . Caractéristiques des écoliers à Tsararano.
II.2 Prévalence de l’infection plasmodiale chez les écoliers de Tsararano.
II.3 Comparaison entre les résultats des deux enquêtes
II.4 Caractéristiques des écoliers concernés par l’enquête CAP
II.5 Résultats des enquêtes CAP des deux enquêtes
Troisième partie : DISCUSSION
I. DISCUSSION
II. PERSPECTIVES
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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