Discussion générale oligomérisation de DmHsp27

DmHsp27 n’est pas le seule sHsp nucléaire chez les insectes

La relocalisation des sHsps cytosoliques dans le noyau est observée dans certaines conditions de stress chez pratiquement tous les mammifères (Arrigo and Ahmad-Zadeh, 1981, Borrelli et al., 2002, van de Klundert and de Jong, 1999), mais ce comportement est distinct des sHsps nucléaires qui sont présentes tout le temps dans le noyau chez DmHsp27 et certains sHsps de plantes, grâce à un signal de ciblage nucléaire (NLS) (Siddique et al., 2008, Siddique et al., 2003, Scharf et al., 2001, Michaud et al., 2008). J’ai montré dans le chapitre 2 que le signal NLS riche en arginine n’est pas une particularité de D. melanogaster et qu’il existe d’autres sHsps chez les insectes qui présentent le même NLS.
Le rôle exact de la localisation des sHsps dans le noyau reste inconnu. DmHsp27 présente deux patrons d’expression dans le noyau. La protéine peut se disperser uniformément à l’intérieur du noyau et/ou former de petits granules nucléaires identifées comme des speckles (Michaud et al., 2008, Moutaoufik et al., 2016).
La présence d’une sHsp au niveau des « speckles » nucléaires dans les conditions de non stress est intrigante. Il a été rapporté que HspB1 et HspB5 peuvent se localiser au niveau des speckles nucléaire suivant le choc thermique ou la phosphorylation (van den et al., 2003, den Engelsman et al., 2004, den Engelsman et al., 2013, van Rijk et al., 2003). Par contre, aucune fonction particulière n’a été associée à cette localisation. Il est fort probable que les sHsps joue le rôle de chaperon dans les speckles. En effet, la forte concentration des protéines dans des petites structures tels que les speckles pourrait favoriser les interactions non spécifiques et causer ainsi le mauvais repliement ou l’agrégation des protéines.
Le réseau d’interaction de DmHsp27 nous laisse croire que cette protéine ne joue pas seulement le rôle de chaperon moléculaire, mais qu’elle est probablement impliquée dans différents processus nucléaires tels que la réplication de l’ADN, la transcription et la maturation de l’ARN.
Dans notre laboratoire on a développé en collaboration avec Dr H.Kampinga (Groningen, Pays bas) une méthode in cellulo basée sur (Michels et al., 1995) pour mesurer l’activité thermoprotectrice de DmHsp27. Brièvement la technique se base sur la co-expression de DmHsp27 et la protéine bioluminescente luciférase. Suite au stress thermique si la luciférase est protégée (fonctionnelle), elle va catalyser l’oxydation de la luciférine en présence d’ATP, de Mg2+ et d’O2 pour générer de l’oxyluciférine et de la lumière à une longueur d’onde de 562 nm. La détection de l’activité luciférase est réalisée in vitro, après extraction protéique et ajout du substrat luciférine, d’O2 et d’ATP. Cette technique developée permettra d’étudier l’action de DmHsp27 sur la luciférase tant que chaperon moléculaire dans le noyau des cellules in vivo.

Oligomérisation de DmHsp27 : Une sHsp distincte

Au cours des dernières années, plusieurs structures du domaine ACD chez les animaux ont été résolues par cristallographie aux rayons X ou par résonance magnétique nucléaire (Rajagopal et al., 2015, Hochberg et al., 2014, Baranova et al., 2011, Jehle et al., 2011, Clark et al., 2011, Laganowsky et al., 2010, Bagneris et al., 2009, Weeks et al., 2014). Mais aucune structure oligomérique complète n’est encore disponible. Bien que l’ACD soit l’élément structurel définissant la famille des sHsp, l’oligomérisation dépend des régions NTR et CTE, parce que l’ACD isolé ne forme que des dimères stables (Bagneris et al., 2009).
Durant mes travaux de doctorat, des tentatives pour cristalliser toute la longueur de DmHsp27 ont été entreprises mais ont échouées. Ainsi, plusieurs méthodes structurelles biochimiques et biophysiques ont été utilisées pour déterminer la structure quaternaire oligomérique de DmHsp27 et de ses mutants.
Les résidus cystéines 137 et 141 sont impliqués dans la dimérisation de HspB1 humain et Hsp25 murin respectivement (Baranova et al., 2011, Zavialov et al., 1998). Les résultats présentés dans cette thèse démontrent que DmHsp27 ne fait pas l’interface de dimère par des ponts disulfures via la cystéine à la position 93. Cela suggère que DmHsp27 se dimérise essentiellement de manière dépendante des ponts ioniques dans le brin β6+7. Ce mode de dimérisation chez les métazoaires appelé «β7-interface dimer » dans lequel les brins β6 et β7 sont fusionnés en un brin allongé qui forme l’interface du dimère avec son homologue du monomère voisin dans une orientation antiparallèle (Haslbeck and Vierling, 2015).
Le taux d’échange de sous-unités des sHsps est fortement dépendant de la température (Bova et al., 1997, Bova et al., 2002). La diffusion dynamique de la lumière DLS a été utilisée pour analyser la stabilité thermique de DmHsp27WT en séparant les populations solubles de différent rayon hydrodynamique (Rh). DmHsp27WT forme de gros oligomères solubles dans des conditions physiologiques. Ces oligomères ont tendance à être plus gros et plus polydisperses avec l’augmentation de la température. Ce changement de la taille oligomérique observé suite à l’augmentation de la température est complètement réversible lorsque la protéine est refroidie. Des résultats similaires ont été observés pour HspB1 humain et Hsp25 murin (Ehrnsperger et al., 1999, Chalova et al., 2014, Skouri-Panet et al., 2012). Ces résultats illustrent la possibilité d’une importante réorganisation structurelle réversible de DmHsp27 lors du stress thermique. Les données de fluorescence intrinsèque du tryptophane ont montré que l’augmentation de la température est accompagnée par une diminution monotone de la fluorescence. De plus, l’amplitude de la fluorescence de DmHsp27WT retourne à sa valeur initiale lors du refroidissement, en soutenant une importante réorganisation structurelle réversible au cours du stress autour du résidu tryptophane.
Le profil habituel de sHsps sur chromatographie d’exclusion (SEC) est un seul pic symétrique correspondant aux formes oligomériques. Les données obtenues montrent que, contrairement aux sHsps de mammifères, DmHsp27WT forme deux populations d’oligomères ayant un poids moléculaire de 725 kDa et 540 kDa. Bien que les sHsps soient reconnus pour être dynamiques et en équilibre constant (Stengel et al., 2010, Basha et al., 2012), cela ne semble pas être le cas pour les oligomères de DmHsp27. En effet, chaque population isolée a donné un seul pic avec le même volume d’élution lorsqu’ils sont séparés et ré-analysés par SEC ou sur gel natif. En outre, l’activité de chaperon de DmHsp27WT et de ses deux populations d’oligomères était comparable dans des conditions réductrices de stress thermique. La question qui se pose est pourquoi DmHsp27WT a deux populations oligomériques fonctionnelles. À l’heure actuelle, il n’y a pas de réponse claire à cette question. Cependant, les données publiées récemment obtenues sur AgsA, une sHsp de la bactérie pathogène Salmonella enterica ont montré qu’elle existe dans un équilibre entre deux états oligomériques (18-mer et 24-mer). Cet équilibre semble indispensable pour l’activité de chaperon in vivo (Mani et al., 2016). Les résultats présentés ici suggèrent que l’équilibre entre les deux populations de DmHsp27 n’a pas d’importance pour son activité chaperon in vitro. D’autres expérimentations seront nécessaires pour évaluer la fonction in vivo des deux populations de DmHsp27.

Alpha cristallin de DmHsp27 : Un domaine bien conservé au niveau structural et fonctionnel

Le domaine alpha-cristallin (ACD) représente une signature conservée des sHsps. Dans l’espoir d’obtenir des mutants inactifs, trois différents résidus d’arginine situés dans l’ACD de DmHsp27 ont été mutés et caractérisés. L’arginine122 est équivalent de l’arginine127 chez HspB1, dont la mutation en tryptophane est responsable de la neuropathie motrice héréditaire distale (DHMN). Par ailleurs, l’arginine 131 de DmHsp27 est équivalente de l’arginine 136 chez HspB1, dont la mutation en tryptophane ou leucine est associée à la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 2 (Evgrafov et al., 2004, Kostenko and Moens, 2009). Enfin, l’arginine 135 de DmHsp27 l’équivalent de l’arginine 140 chez HspB1, l’arginine 120 chez HspB5 et l’arginine 116 chez HspB4, pour laquelle la mutation en glycine et cystéine (HspB1-R140G, HspB4-R116C et HspB5-R120G) est la cause de DHMN, la maladie de Charcot-Marie-Tooth de type 2, la myopathie avec surcharge en desmine et la cataracte (Gentil and Cooper, 2012, Vicart et al., 1998, Inagaki et al., 2006, Bera and Abraham, 2002, Litt et al., 1998). Les données montrent que la mutation des résidus arginine au sein de l’ACD en glycine augmente la fluorescence intrinsèque du tryptophane. Cela pourrait signifier que le résidu tryptophane de DmHsp27 est plus accessible que le résidu correspondant dans les mutants ACD, suggérant que l’environnement du tryptophane est plus souple. Des analyses par électrophorèse native et SEC montrent que les mutants dans l’ACD induisent des changements importants dans la structure quaternaire de DmHsp27. Tous les mutants forment de gros oligomères d’environ 1100 kDa. Cette propriété de mutants d’arginine de DmHsp27 pour former de gros oligomères est similaire à HspB1-R140G, HspB4-R116C et HspB5-R120G (Nefedova et al., 2013, Michiel et al., 2009, Cobb and Petrash, 2000, Bova et al., 1999, Bera et al., 2002, Kumar et al., 1999). Puisque les mutants ACD avaient augmenté la taille oligomérique nous avons testé la possibilité d’agrégation in vivo dans des cellules cultivées comme ce qui a été montré pour les mutants Hsp27-R148G de hamster chinois et R120G, R120C et R120D chez HspB5 humain (Chavez Zobel et al. 2005 and Simon et al. 2007). In vivo, DmHsp27WT et les mutants R122G, R131G et R135G présentent la même localisation intranucléaire lorsqu’elles sont exprimées dans les cellules HeLa et semblaient s’associer aux structures dites speckles contrairement a ce qui a été montré pour la mutantion HspB5-R120 qui empeche la localisation au niveau des speckles (van den et al., 2003).
L’activité de chaperon du mutant R135 était comparable à celle de DmHsp27 dans les conditions de réduction et de stress thermique, tandis que les mutants R122G et R131G étaient plus efficaces que DmHsp27 pour empêcher l’agrégation de l’insuline sous les conditions de réductions. Certaines études ont montré que HspB4-R116C-, HspB5-R120G et HspB1-R140G diminuent l’activité chaperon en utilisant plusieurs substrats (Kumar et al., 1999, Simon et al., 2007, Nefedova et al., 2013, Bova et al., 1999). D’autres ont révélé que le mutant HspB5-R120G avait une activité comparable à celle de HspB5 sauvage dans sa capacité d’empêcher l’agrégation de l’insuline (Treweek et al., 2005).

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