Dispositifs thérapeutiques

Dispositifs thérapeutiques

Une particularité des prises en charges thérapeutiques d’auteurs de violence sexuelle, longtemps considérée comme un écueil, réside dans la source de la demande de soin. Ainsi, les patients auteurs de violence sexuelle sont rarement demandeurs par eux-mêmes mais, en venant consulter un thérapeute, répondent plutôt à une exigence externe émanant du monde judiciaire ou du champ social (Lecocq, 2011). Cette modalité d’entrée dans le soin engage des réflexions éthiques sur le positionnement du soignant entre santé et contrôle social (Colin, 2003) et un enjeu pour les équipes soignantes conviées à développer des approches thérapeutiques pour des sujets présumés inaccessibles à tout changement (Gravier, Roman, 2016). En quelques sortes, cette externalité de la demande peut être considérée comme structurelle aux sujets auteurs de violence sexuelle, dans la mesure où, lésés quant à la constitution d’un espace interne suffisamment solide, leur procédé de régulation psychique passe régulièrement par l’entourage. Il n’en est pas autrement dans l’acte violent qui constitue, sous une forme dramatiquement pathologique, un appel à l’autre pour restaurer l’atteinte subie par une image idéale de soi (Balier, 1996). Un positionnement thérapeutique trop rigidement enclot dans une conception de la prise en charge psychothérapeutique des auteurs de violence sexuelle est susceptible d’aboutir à une double impasse. Soit que le professionnel s’isole avec son patient dans un huis-clôt thérapeutique, s’exposant aux mécanismes de clivage et à la complicité des dénis. Soit qu’il perde sa fonction soignante, se réduisant à un agent du contrôle social.

Aussi, Gravier (2018) préconise de tenir compte de cette double perspective, en développant une approche clinique rigoureuse, et intégrant le risque de réitération d’un acte délictueux, désignant dans le champ judiciaire, un événement que le clinicien peut penser du côté de la compulsion de répétition (Ciavaldini, 2008). Augmenter, à terme la qualité de vie du patient auteur de violence sexuelle. Cette amélioration a pour indice une meilleure insertion sociale, professionnelle et affective, autant d’éléments qui sont connus pour minimiser les risques immédiats de passage à l’acte et qui font partie d’un risque moindre de dangerosité criminologique. Confronté à l’horreur des actes commis par son patient, parfois à la médisance de ce dernier vis-à-vis de sa victime, ou à son égocentrisme dans l’appréhension de sa situation, le thérapeute se trouve fréquemment pris dans des mouvements contre-transférentiels négatifs intenses. Ces derniers, teintés de frayeur, colère et dégoût s’avèrent éprouvants pour le professionnel et susceptibles d’entraver sa fluidité de pensée. L’auteur invite les professionnels à lutter contre leur déni, à reconnaitre et travailler leurs sentiments de répulsion et d’horreur vis-à-vis des actes commis, et recommande à ceux qui s’engagent dans ce type de suivis, d’être prêts à affronter « l’impensable, l’inquestionnable, l’inimaginable » tout en travaillant leurs propres angoisses et les tâches- aveugles de leur contre-transfert.

L’histoire précoce des sujets auteurs de violence sexuelle, marquée par une relation cruellement insatisfaisante à la mère, ne leur a pas permis de métaboliser leur propre destructivité, ni de construire un sentiment de continuité d’être, les plongeant dans des vécus agonistiques (Roussillon, 1999). Ainsi laissés à eux-mêmes dans un environnement insécurisant, contaminés par un processus de passivation, phénomène destructeur dans la mesure où il conduit à l’impuissance devant le sentiment de catastrophe identitaire (Green, 1999), ils ont été amenés à développer une économie psychique de survie dont l’enjeu fondamental relève de stratégies de défense contre l’effondrement et d’efforts pour se sentir réel. Leur appareil psychique, effracté par des blessures agonistiques, « tend vers une quête de l’inanimé, de la clôture et du forclos » (Houssier, 2007). Ce fonctionnement implique des modalités relationnelles particulières qui se révèlent également avec le thérapeute. Le gel des capacités associatives, caractéristique d’une économie de survie psychique, conduit le sujet vers une indifférenciation, plutôt qu’un échange fondé sur une relation d’altérité (Ciavaldini, 1999). La tentative, plus ou moins heureuse, d’adaptation à l’environnement social par la construction de la personnalité en faux-self (Winnicott, 1954) et l’usage du clivage obscurcit la distinction entre le sujet et l’autre et tend à confondre les propres pensées du patient avec celles de son entourage, et en l’occurrence de son thérapeute. En découle un attachement relevant plus du collage que du transfert (Savin, 2012). L’investissement affectif marqué par l’adhésion massive ou le rejet total, tend à soumettre le thérapeute à des mécanismes d’identification projective avec désir de possession, jalousie, séduction, agressivité…

 

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