Distribution multi-utilisateur de paires de photons intriqués aux longueurs d’onde des télécommunications

L’information quantique a connu depuis 30 ans un développement extraordinaire, grâce à une mobilisation très importante de la communauté internationale sur ce nouveau champ d’application de la physique quantique. Si l’ordinateur quantique reste une perspective de long terme, les communications et en particulier la cryptographie quantique, voient dès aujourd’hui se développer des produits commerciaux. En effet, dans un contexte où les quantités de données échangées par des interlocuteurs distants ne cessent d’augmenter et où la sécurisation des communications est devenue une préoccupation quotidienne, la promesse d’une sécurité non conditionnée à la puissance de calcul de l’éventuel espion constitue un enjeu majeur.

Malgré les récents progrès de la cryptographie à variables continues, basée sur l’utilisation d’états cohérents de la lumière et de moyens de détection classiques, la solution de choix pour les réseaux de communication à longue distance reste aujourd’hui celle des variables discrètes, pour laquelle l’information est encodée sur l’état quantique de photons uniques ou de paires de photons intriqués. Les performances de cette technique, sont déterminées par la qualité des sources et des détecteurs utilisés et de nombreux travaux ont été consacrés à ces composants au cours des dernières années. Par ailleurs, l’intrication est au cœur des protocoles de cryptographie et elle est une ressource de base pour le futur répéteur quantique, qui permettra de garantir la sécurité sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres dans les années qui viennent.

Pour que l’utilisation de ces nouvelles techniques de sécurisation des communications se développe, il faut passer des liaisons point à point aux réseaux et la question du coût est cruciale. Il est indispensable d’optimiser la gestion des ressources, et en particulier de s’appuyer sur les infrastructures existantes, à chaque fois que cela sera possible. C’est dans le cadre de ces réseaux de communications quantiques que se situe notre travail, proposant d’utiliser, au lieu d’une source pour chaque couple d’utilisateurs, une source unique distribuant l’intrication à plusieurs dizaines de couples d’utilisateurs. La source étudiée est basée sur la large bande spectrale produite par la fluorescence paramétrique, sur la symétrie des fréquences signal et complémentaire  des deux photons de chaque paire produite et finalement sur le démultiplexage en longueur d’onde. Cette étude expérimentale a pour but de vérifier la compatibilité du démultiplexage avec la préservation des corrélations quantiques et de définir les exigences que cela implique vis à vis des caractéristiques du démultiplexeur.

Le démultiplexage en longueur d’onde est une opération où on sépare les différentes longueurs d’onde. Considérons un signal optique comprenant les longueurs d’onde λ1, λ2, …, λi . Il est possible de diviser celui-ci en une série n de signaux de sortie (avec n = 1, 2, …, i) de telle sorte que la sortie sortie(n) permette d’extraire la longueur d’onde λn.

Le procédé inverse est le multiplexage en longueur d’onde. Dans ce cas, il est possible de fusionner plusieurs signaux optiques de différentes longueurs d’ondes en un seul. A noter que le même composant peut-être utilisé comme multiplexeur et démultiplexeur. Le multiplexage en longueur d’onde est utilisé dans les communications classiques, pour augmenter la capacité d’un réseau. Le démultiplexage en temps (Time Division Multiplexing : TDM) permet à partir d’un même chemin de transmission, de connecter plusieurs utilisateurs, en répartissant en domaines temporels, les temps d’interactions qui leur sont attribués. Il nécessite une conversion des signaux optiques en signaux électriques et vice versa, ce qui limite la vitesse de traitement à celle des circuits électroniques employés dans le réseau.

Le démultiplexage en longueur d’onde (Wavelength Division Multiplexing : WDM) quant à lui, permet un traitement direct sur les signaux optiques, du fait que chaque utilisateur a une bande passante fréquentielle qui lui est attribuée [DDF03].

Cette discrimination en longueur d’onde présente un intérêt majeur pour la distribution de paires de photons intriqués à plusieurs couples d’utilisateurs. Au lieu de se limiter à deux interlocuteurs par source, il devient possible à partir d’une seule qui est large bande, de réaliser une multidistribution en associant un utilisateur à chaque canal de sortie.La bande spectrale comprend une infinité de couples de photons signal et complémentaire aux fréquences respectives ωs et ωi et est limitée par les conditions d’accord de phase. L’utilisation d’une source unique permet un gain considérable de ressources.

Afin d’obtenir une source de photons corrélés ou intriqués qui soit large bande, il faut pouvoir générer des paires de photons dont les fréquences sont réparties selon le spectre fréquentiel le plus large possible. Ici on considère toute source dont la bande spectrale est supérieure à 10 nanomètres, comme large bande, du fait qu’elle est susceptible de couvrir spectralement un démultiplexeur à 8 canaux de sortie (chacun ayant une largeur de canal de 100 GHz, caractéristiques identiques à 2 de nos 4 démultiplexeurs testés par la suite.) Le cristal de MgOPPLN que nous utilisons génère des paires de photons sur un spectre s’étalant sur une centaine de nanomètres [Smi10]. Un démultiplexeur à 16 canaux de sortie couvre typiquement vingt nanomètres, ce qui est cinq fois moins. Par conséquent la bande spectrale de notre source est donc largement suffisante.

Les canaux de sortie présentent des largeurs fréquentielles pouvant typiquement être de 25, 50, 100 ou 200 GHz. La fréquence ωi correspondant à un canal de sortie i représente la fréquence centrale de celui-ci. Les canaux de sortie d’un démultiplexeur sont numérotés suivant la notation de la grille internationale ITU, où chaque numéro correspond à une fréquence centrale. Pour chaque largeur fréquentielle, il existe une grille ITU différente. En annexe A, on peut trouver la grille ITU dans le cas de canaux de largeur fréquentielle égale à 100 GHz qui correspond aux démultiplexeurs que nous avons utilisés.

Table des matières

Introduction
1 Notions de base
1.1 Introduction à l’optique non-linéaire
1.1.1 L’équation de propagation dans un milieu non-linéaire
1.1.2 La génération de fréquence somme
1.1.3 Quasi-accord de phase
1.2 La fluorescence paramétrique
1.3 Le mélange à 4 ondes
1.4 Intrication
1.4.1 Intrication en polarisation
1.4.2 Inégalités de Bell
1.4.3 Visibilité de la source
2 Démultiplexage en longueur d’onde
2.1 Principe du démultiplexage en longueur d’onde
2.2 Le démultiplexage pour les communications quantiques
2.2.1 Caractéristiques des démultiplexeurs
2.3 Types de démultiplexeurs
2.3.1 Film diélectriques à couches minces (Dielectric Thin Film (DTF))
2.3.2 Réseaux de guides d’ondes (AWG)
2.3.3 Réseaux de diffraction (DG)
3 Etat de l’art
3.1 Les différentes architectures de sources de photons intriqués en polarisation
3.1.1 Les sources basées sur les cristaux massifs
3.1.2 Les sources fibrées
3.1.3 Les sources basées sur les guides d’ondes
3.1.4 Les sources sur puce
3.2 Les sources large bande
3.3 La distribution de photons intriqués par démultiplexage
Conclusion

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