Dosage des espèces activées de l’oxygène par chimioluminescence 

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

Caractérisations des haloperoxydases dépendantes du vanadate

Analyses biochimiques

Malgré le grand nombre d’activités vHPOs détectées, seulement quelques enzymes ont été isolées et purifiées. Chez les algues, la présence de polysaccharides pariétaux pose des difficultés d’extraction protéique. Ainsi, pour chaque groupe d’algues, il est nécessaire d’établir des protocoles d’extraction spécifiques pour purifier ces enzymes, comme par exemple l’extraction par partition de phase proposée par Hans Vilter dans le début des années 90 pour l’extraction des vHPOs d’algues brunes (Vilter, 1994).
L’étude des caractères biochimiques et des paramètres cinétiques a été réalisée sur des vBPOs et des vIPOs purifiées ou partiellement purifiées à partir d’algues brunes, sur des vBPOs d’algues rouges, sur la vBPO d’un lichen et sur la vCPO d’un champignon hyphomycète appartenant à la famille des Dematiaceae. Les tableaux en annexe 2 récapitulent les résultats de ces études.
Le poids moléculaire des vHPOs natives isolées est compris entre 67,000 Da, pour la vCPO du champignon terrestre Curvularia inaequalis (van Schijndel et coll., 1993), et 790,000 Da, pour la vBPO de l’algue rouge Corallina pilulifera (Itoh et coll., 1986). Les activités spécifiques pour l’oxydation du brome sont comprises entre 12 unités/mg, pour la vBPO1 de l’algue brune L. saccharina (Almeida et coll., 2001), et 1,730 unités/mg, pour la vBPO de l’algue brune Macrocystis pyrifera (Soedjak et Butler, 1990a). Pour la vBPO de l’algue brune A. nodosum, une faible activité chloroperoxydase (0.49 unité/mg) a été mise en évidence en présence de fortes concentrations en chlorure (1.5 M) (Soedjak et Butler, 1990b). Les données biochimiques sur les vHPOs caractérisées comme des vIPOs restent assez partielles. De plus, certaines d’entre elles ont été nommées vIPOs alors qu’elles possèdent une faible activité bromoperoxydase (Almeida et coll., 1996 ; Almeida et coll., 1998 ; Almeida et coll., 2000)
L’affinité des vBPOs et de la vCPO pour leurs substrats dépend du pH. En effet, à pH élevé, elle augmente pour le peroxyde d’hydrogène tandis qu’à l’inverse, elle diminue pour l’halogénure (Everett et coll., 1990a ; Soedjak et Butler, 1991 ; van Schijndel et coll., 1994 ; Soedjak et coll., 1995). Chez ces enzymes, à pH élevé (>pH 6.5), une importante concentration de peroxyde d’hydrogène (>20 mM) favorise la production d’oxygène plutôt que l’halogénation de substrats organiques (Everett et coll., 1990a ; Soedjak et Butler, 1991 ; Soedjak et coll., 1995). Par contre, à faible pH (pH<5), les vHPOs sont inhibées de façon irréversible par de fortes concentrations en peroxyde d’hydrogène (Soedjak et coll., 1995 ; Winter et Butler, 1996). De plus, dans le cas de la vCPO de C. inaequalis, les fortes concentrations en chlorure inhibent de façon non compétitive la fixation du peroxyde d’hydrogène (à pH>5, inhibition à partir d’une concentration en chlorure de 40 mM). A faible pH (<3-4), cette inhibition est plus élevée (à pH<4, inhibition à partir d’une concentration en chlorure de 5 mM) et devient compétitive avec la fixation du peroxyde d’hydrogène (van Schijndel et coll., 1994). Dans le cas des vBPOs d’A. nodosum, de M. pyrifera et de F. distichus à un pH compris entre 4 et 6, le bromure, à une concentration >25 mM, a un effet inhibiteur sur la fixation du peroxyde d’hydrogène, cependant les auteurs ne sont pas d’accord sur le caractère compétitif de cette inhibition. Par contre, aucune inhibition n’est observée à un pH<4 et, à un pH>6, seule la vBPO de F. distichus est inhibée (Wever et coll., 1985 ; Wever et coll., 1988 ; Everett et coll., 1990b ; Soedjak et Butler, 1991).
Ces enzymes restent actives à de fortes concentrations de leur produit, l’acide hypo-halogéneux (2.5-4 mM) (Liu et coll., 1987 ; van Schijndel et coll., 1994).
Les vHPOs présentent des propriétés physico-chimiques qui les distinguent des HPOs possédant un hème. En particulier, elles sont thermostables (Tableau 1, Annexe 2) et résistent à de hautes concentrations en solvants organiques comme l’acétone, le méthanol, l’éthanol et l’isopropanol (Wever et coll., 1985 ; de Boer et coll., 1987 ; van Schijndel et coll., 1994 ; pour revue, Vilter, 1995). Elles sont également relativement stables dans des solutions à fortes concentrations en chlorure de guanidium, un agent chaotropique, ou en SDS, un détergent (Tromp et coll., 1990 ; van Schijndel et coll., 1994). Ces propriétés sont très intéressantes pour des applications biotechnologiques industrielles, où les vHPOs pourraient être utilisées pour la synthèse de composés organiques halogénés (pour revues, Neidleman et Geigert, 1986 ; Littlechid, 1999 ; Rehder, 2003).

Caractérisations moléculaires

La vCPO du champignon terrestre C. inaequalis est la première vHPO à avoir été clonée et séquencée (Simons et coll., 1995), puis exprimée dans Saccharomyces cerevisiae pour obtenir une grande quantité de vCPO recombinante (Hemrika et coll., 1997 ; Hemrika et coll., 1999). Deux autres séquences de vCPOs de champignons, appartenant également à la famille des Dematiaceae, sont maintenant connues : celle d’Embellisia didymospora (Barnett et coll., 1998) et celle, partielle, de Drechslera biseptata (Hemrika et coll., 1997).
Six vBPOs ont été séquencées à partir d’algues marines : la vBPO de l’algue brune A. nodosum (Vilter, 1995), la vBPO de l’algue brune Fucus distichus (Genbank : numéro d’accession # AAC35279), deux vBPOs de l’algue rouge Corallina pilulifera (Shimonishi et coll., 1998) et deux vBPOs de l’algue rouge C. officinalis (Brindley et coll., 1998 ; Carter et coll., 2002). Les vBPOs de C. pilulifera et de C. officinalis ont récemment été exprimées dans Escherichia coli (Shimonishi et coll., 1998 ; Carter et coll., 2002).

Résolutions de structures cristallines

Après leur cristallisation en solution, trois structures tridimensionnelles de vHPOs natives ont été résolues par diffraction aux rayons X (Annexe 3) : la vCPO du champignon terrestre C. inaequalis (Messerschmidt et Wever, 1996) et la vBPO de l’algue brune A. nodosum (Weyand et coll., 1999), en présence de leur cofacteur, le vanadate, et la vBPO de l’algue rouge C. officinalis, en présence de phosphate (Isupov et coll., 2000 ; pour revue, Littlechild et Garcia-Rodriguez, 2003). Les structures tridimensionnelles de ces enzymes sont représentées sur la figure 7.
La vCPO de C. inaequalis est une enzyme monomérique cylindrique constituée de deux domaines. Sa structure secondaire est dominée par des hélices α et le motif principal de  sa structure tertiaire est constitué de deux ensembles de quatre hélices (Figure 8) (Messerschmidt et Wever, 1996 ; Messerschmidt et coll., 1997).
La vBPO d’A. nodosum est un homodimère. Chaque monomère possède trois ponts disulfure intramoléculaires et un pont intermoléculaire. De plus, quatre ponts salins ainsi que de nombreuses autres interactions, principalement hydrophobes, stabilisent l’interface dimérique (Weyand et coll., 1999). La vBPO de C. officinalis, enzyme dodécamérique, est constituée de six homodimères identiques et présente en son centre une cavité. Les monomères associés en dimère sont connectés par des ponts salins et des liaisons hydrophobes. Les 12 sous-unités présentent 23 axes de symétrie (Isupov et coll., 2000 ; pour revue, Littlechild et Garcia-Rodriguez, 2003). La thermosabilité et la résistance aux substrats de ces vBPOs pourraient venir de l’importance des interactions liant les monomères, conduisant à une structure très solide (pour revue, Littlechild et Garcia-Rodriguez, 2003). Comme pour la vCPO, chez ces deux vBPOs, l’unité monomérique est également constituée d’hélices α avec quelques courts feuillets β et le corps de l’homodimère est constitué de deux ensembles de quatre hélices (Figure 8) (Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000).
Tandis que les cristaux de la vCPO de C. inaequalis (Messerschmidt et coll., 1997) et de la vBPO d’A. nodosum (Weyand et coll., 1999) présentent, au niveau de leur site actif, une molécule de vanadate, une molécule de phosphate occupe la place de ce cofacteur dans la structure cristallisée de la vBPO de C. officinalis (Isupov et coll., 2000). Pour les trois vHPOs, chaque monomère possède un site actif (Messerschmidt et coll., 1997 ; Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000). L’activité enzymatique de ces enzymes nécessite une molécule de vanadate au niveau de ce site actif. Chez les vHPOs, la région du site actif se situe au fond d’un tunnel, composé principalement de résidus chargés et de résidus hydrophobes (Figure 9- A) (Messerschmidt et Wever, 1996 ; Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000). Dans le cas des vBPOs, dimériques, la surface de ce tunnel est constituée de résidus appartenant aux deux monomères (Figure 9-B) (Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000).

Mécanismes d’action des haloperoxydases dépendantes du vanadate

Architecture du site actif

Malgré les faibles homologies existant entre les séquences protéiques des vHPOs, l’architecture des sites actifs de la vCPO de C. inaequalis et des vBPOs d’A. nodosum et de C. officinalis est très conservée (Figure 10) et est apparemment relativement simple (Messerschmidt et Wever, 1996 ; Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000). Dans le cas de la vCPO de C. inaequalis et de la vBPO d’A. nodosum (cristallisées avec leur cofacteur), le vanadate (HVO42-), présent dans son état d’oxydation le plus élevé (5+), est associé à la protéine par une liaison covalente avec un résidu histidine (His496 dans la vCPO et His486 dans la vBPO d’A. nodosum) (Messerschmidt et Wever, 1996 ; Weyand et coll., 1999). Dans la vBPO de C. officinalis, cette histidine (His551) est conservée mais ne forme pas de liaison covalente avec le phosphate inorganique (Isupov et coll., 2000) (Figure 10).
Le vanadate réside dans une coordination géométrique bipyramidale trigonale. Trois des atomes d’oxygène du vanadate constituent un plan équatorial tandis que le quatrième, apical, lie un hydroxyle (Figure 10) (Messerschmidt et coll., 1997 ; Weyand et coll., 1999). Ces atomes d’oxygène sont en contact, par des liaisons hydrogène, avec des acides aminés (hydrophobes et chargés positivement) de l’enzyme (Figure 10) et avec des molécules d’eau (Messerschmidt et coll., 1997 ; Weyand et al, 1999).
La compréhension du rôle du vanadate d’une part, et de chaque résidu présent au niveau du site actif d’autre part, résultent d’études biophysiques et spectroscopiques (de Boer et coll., 1988a, b ; Hormes et coll., 1988 ; Arber et coll., 1989 ; Kusthardt et coll., 1993 ; Dau et coll., 1999 ; Renirie et coll., 2000a ; Casny et coll., 2000), ainsi que d’études de mutagenèse dirigée (Macedo-Ribeiro et coll., 1999 ; Hemrika et coll., 1999 ; Carter et coll., 2002 ; Tanaka et coll., 2003) et d’études de cinétique enzymatique sur certaines des protéines mutantes obtenues (Hemrika et coll., 1999 ; Carter et coll., 2002 ; Tanaka et coll., 2003). L’essentiel des mutations a été réalisé à partir de la vCPO de C. inaequalis et les structures tridimensionnelles des protéines mutantes ont généralement été établies (Annexe 3). Un tableau en Annexe 3 répertorie les résultats et les conclusions de ces études.
Ainsi, dans tous les cas, bien que le repliement de la protéine native et celui des protéines recombinantes soient identiques, les modifications ponctuelles des résidus du site actif provoquent des baisses significatives de l’activité haloperoxydase (Annexe 3). Ces études ont permis de mettre en évidence que les vHPOs possèdent un site actif très rigide constitué de plusieurs résidus essentiels à l’activité enzymatique. Le résidu histidine (His496 dans la vCPO ; Figure 10) impliqué dans la liaison covalente avec le vanadate est indispensable pour établir la géométrie bipyramidale trigonale du vanadate et donc assurer l’activité haloperoxydase. Cinq résidus (Lys353, Arg490, Arg360, Ser402 et Gly403 dans la vCPO ; Figure 10), jouent, par l’intermédiaire de liaisons hydrogène, le rôle de donneurs de protons et permettent ainsi de neutraliser la charge négative du vanadate. Un second résidu histidine (His404 dans la vCPO ; Figure 10), quant à lui, semble jouer un rôle important dans la coordination du peroxyde d’hydrogène. La différence majeure entre le site actif de la vCPO et celui des vBPOs réside dans la présence chez les vBPOs d’un troisième résidu histidine supplémentaire (His411 dans la vBPO d’A. nodosum ; Figure 10) à la place de la phénylalanine (Phe397) chez la vCPO. Cette histidine ne présente aucune liaison hydrogène avec le vanadate (pour revue, Butler et coll., 2001).

Mécanisme d’oxydation des halogénures

Le mécanisme d’action pour l’oxydation des halogénures, qui semble similaire entre la vCPO et les vBPOs, est de type « bi-bi ping-pong » (Cleland, 1973 ; Everett et coll., 1990b), où le peroxyde d’hydrogène serait le premier substrat, suivi de l’halogénure. Bien que ce mécanisme ne soit pas complètement résolu, le schéma représenté en figure 11 est actuellement le plus vraisemblable (Hemrika et coll., 1999 ; pour revue, Butler et coll., 2001).
Durant la réaction catalytique, le vanadate, dont l’état d’oxydation (+5) ne change pas, fonctionne comme un acide de Lewis (de Boer et coll., 1988b ; Hormes et coll., 1988 ; Arber et coll., 1989 ; Kusthardt et coll., 1993). La fixation du peroxyde d’hydrogène (H2O2) sur le vanadate constitue la première étape du cycle catalytique des vHPOs (Figure 11, étape 1 A-D). Pour ce faire, l’histidine catalytique (His404 dans la vCPO et His496 dans la vBPO) doit être déprotonée (van Schijndel et coll. 1994). Le groupement hydroxyle du vanadate formant avec ce résidu histidine une liaison hydrogène polarisée est alors plus nucléophile et serait activé pour attaquer le premier substrat, le peroxyde d’hydrogène.
Chez la vCPO de C. inaequalis un intermédiaire peroxo-enzyme actif se forme durant la réaction catalytique (Messerschmidt et coll., 1997). La structure de la vCPO native liée au peroxyde d’hydrogène révèle une distorsion bipyramidale tétragonale du vanadate (Figure 12). Sous cette forme, le groupement hydroxyle disparaît et le peroxyde d’hydrogène se lie au vanadate dans le même plan que le résidu histidine (His496 dans la vCPO) impliqué dans la liaison covalente avec le vanadate (Figure 12) (Messerschmidt et coll., 1997). Un ensemble de réactions, décrites dans le schéma (Figure 11, étape 1 A-D), expliquerait la formation de la liaison du peroxyde d’hydrogène au vanadate. L’intermédiaire peroxovanadium (+5) assure ensuite l’oxydation de l’halogénure (Messerschmidt et coll., 1997).
En solution, le peroxovanadium (+5) ou le diperoxovanadium (+5) n’oxyde pas les halogénures (Clague et Butler, 1995). Chez les vHPOs, ce sont donc des résidus de l’enzyme qui vont assurer l’activation de l’intermédiaire peroxovanadium. Dans la structure de la vCPO, la lysine (Lys353), qui forme l’une des plus fortes liaisons hydrogène avec l’un des deux atomes d’oxygène du peroxovanadium, est considérée comme étant le résidu permettant l’activation du peroxovanadium pour l’oxydation des halogénures (Figure 11, étape 2) (Hemrika et coll., 1999). La liaison hydrogène entre cette lysine et le peroxovanadium entraînerait une polarisation de la liaison oxygène-oxygène formée par le peroxyde d’hydrogène. Ainsi, un des atomes d’oxygène serait protoné (Figure 11, étape 2 A) (dans le cas de la vCPO) et pourrait subir l’attaque nucléophile de l’halogénure (Figure 11, étape 2 B). La rupture de la liaison oxygène-oxygène du peroxovanadium permettrait la formation de l’acide hypo-halogéneux (Figure 11, étape 2 C, D) (Hemrika et coll., 1999).

Spécificité pour les halogénures

La neutralisation plus ou moins importante de la charge négative du vanadate par les différents résidus du site actif constitue le paramètre le plus étudié pour expliquer la spécificité des vHPOs pour les halogénures. Cependant, plusieurs facteurs semblent impliqués dans ces différences de spécificités entre les vHPOs (Tanaka et coll., 2003).
La capacité des vHPOs à oxyder les halogénures semble liée au potentiel électronégatif dans la région du vanadate. Ainsi, Weyand et collaborateurs (1999) ont proposé que la substitution du résidu phénylalanine (Phe397), présent dans la vCPO, en histidine « supplémentaire » chez les vBPOs (His478 de la vBPO d’A. nodosum), ainsi que la liaison hydrogène de l’histidine catalytique (His418 chez la vBPO d’A. nodosum) avec un résidu acide aspartique (Asp333 de la vBPO d’A. nodosum) pouvaient directement jouer sur la préférence pour la bromination chez les vBPOs, plutôt que pour la chlorination. Chez la vBPO, bien que Casny et collaborateurs (2000) aient mis en évidence l’existence de l’intermédiaire peroxovanadium par spectroscopie RMN (pour résonance magnétique nucléaire), sa structure tridimensionnelle n’est pas connue. Ainsi, il a été suggéré que l’histidine « supplémentaire » interviendrait dans de nouvelles liaisons hydrogène avec le résidu lysine (Lys341 dans la vBPO d’A. nodosum), qui participe avec l’intermédiaire peroxovanadium à la même liaison hydrogène que celle présente dans la vCPO (Figure 11, étape 2 B) (Hemrika et coll., 1999). Cependant, par la présence de ces nouvelles liaisons hydrogène, l’atome d’oxygène du peroxyde d’hydrogène ne serait pas protoné mais simplement chargé positivement ; ce qui rendrait impossible l’oxydation du chlorure, plus électronégatif, par les vBPOs (Hemrika et coll., 1999).
Les cinétiques enzymatiques des vBPOs et de la vCPO montrent une saturation à forte concentration en bromure ou chlorure, ce qui suggère l’existence d’un site de fixation des halogénures et donc d’une possible discrimination des halogénures par l’enzyme (pour revue, Butler, 1999). Cependant, l’halogénure ne se fixe pas directement au vanadate (Kusthardt et coll., 1993). Actuellement, aucun site de fixation des halogénures n’a été mis en évidence et l’implication de certains résidus de l’enzyme dans cette fonction reste hypothétique. Dans la vCPO de C. inaequalis, des résidus hydrophobes (Trp350, Phe397 et His404) formeraient un site de fixation potentiel pour le chlorure (Messerschmidt et Wever, 1996). Chez la vBPO d’A. nodosum, le site de fixation putatif du bromure semblait être le résidu sérine (Ser416), présent au niveau du site actif et formant l’une des plus fortes liaisons hydrogène avec le vanadate (Dau et coll., 1999). Cependant, l’accessibilité au solvant de ce résidu sérine dans la structure de la vBPO de C. officinalis et sa mutation dans la vCPO de C. inaequalis indiquent qu’il n’intervient pas directement dans la liaison avec l’halogénure (Isopov et coll., 2000 ; Tanaka et coll., 2003).

Sélectivité et regiosélectivité vis-à-vis de composés organiques

L’acide hypo-halogéneux est susceptible d’attaquer des composés nucléophiles (R-H) pour réaliser une halogénation non stéréospécifique suivant la réaction : HOX + R-H → R-X + H2O
Tandis que la fonction biochimique de la vCPO serait exclusivement la production de HOCl, dans le cas des vBPOs, des substrats organiques peuvent interagir avec l’enzyme et empêcher la libération immédiate de l’acide hypo-halogéneux (Tschirret-Guth et Butler, 1994). Certaines molécules organiques seraient ainsi susceptibles de se lier de façon sélective à l’enzyme ce qui autoriserait une stéréospécificité de la réaction d’halogénation (cas des indoles et terpènes) (Figure 13) (pour revues, Butler et Tschirret-Guth, 1997 ; Butler, 1998).
Plusieurs composés halogénés naturels produits par des organismes marins possèdent d’ailleurs des centres carbone-halogène chiraux. Leur biosynthèse impliquerait des vHPOs qui catalyseraient non seulement des réactions d’halogénation de façon stéréosélective, mais également de façon régiosélective (Coughlin et coll., 1993; Martinez et coll. 2001 ; pour revue, Butler et Tschirret-Guth, 1997). Cependant, à l’heure actuelle, les sites de fixation de substrats organiques chez les vBPOs et les mécanismes d’halogénation (bromination et/ou iodination) de ces composés restent inconnus.

Mécanismes de sulfoxidation

En l’absence d’halogénure, il a été montré que les vHPOs peuvent catalyser les réactions de transfert d’oxygène sur un grand nombre de composés organiques (pour revues, Ligtenbarg et coll., 2003 ; Dembitsky, 2003).
En particulier, les vBPOs sont capables de catalyser des réactions de sulfoxydation énantiomériques en présence de peroxyde d’hydrogène (Figure 14) (Andersson et coll., 1997 ; Andersson et Allenmark, 1998 ; ten Brink et coll., 1998 ; 1999). Chez la vBPO d’A. nodosum, le transfert direct et sélectif de l’oxygène du peroxyde lié au vanadium vers le sulfure suggère que le sulfure se lie près ou dans le site actif avec une affinité relativement faible (Figure 14) (ten brink et coll., 2001). Le schéma putatif du mécanisme de sulfoxydation par les vBPOs proposé par Smith et Pecoraro (2002) est équivalent à celui présenté pour l’oxydation des halogénures.

Origine et évolution des haloperoxydases dépendantes du vanadate

Homologie entre les vCPOs et les vBPOs

Le tableau 1 présente les pourcentages d’homologies entre les différentes séquences protéiques de vHPOs. Les séquences primaires des vCPOs de champignons sont extrêmement divergentes par rapport à celles des vBPOs d’algues marines. Les homologies de séquences obtenues entre les deux vBPOs d’algues brunes (70 %) d’une part, et entre les vBPOs de Corallina sp. (supérieure à 90 % dans chaque cas) d’autre part, sont assez élevées. Cependant, elles restent faibles quand on compare les séquences de vBPOs d’algues brunes avec celles d’algues rouges (environ 20-25 %).
Bien que leurs séquences protéiques soient très éloignées et difficilement comparables dans leur globalité (Tableau 1), la structure tridimensionnelle de la vCPO de C. inaequalis et celles des formes dimériques des vBPOs sont aisément superposables. En effet, la majorité des hélices α de la vCPO ont leurs homologues structuraux chez les vBPOs (Weyand et coll., 1999 ; Isupov et coll., 2000) (Figures 7 et 8). De plus, la région du site actif est extrêmement conservée (Figure 10). Un lien évolutif existerait donc entre les vCPOs et les vBPOs (pour revue, Littlechild et Garcia-Rodriguez, 2003). Il a été proposé que les vBPOs seraient le reflet d’enzymes ancestrales ayant conservé deux sous-unités pour former la région du site actif, tandis que la vCPO serait le résultat d’une duplication du gène codant pour la sous-unité « ancestrale ». Au cours de l’évolution, le domaine N- terminal de la vCPO aurait ensuite perdu la fonction catalytique, alors que son domaine C-terminal aurait conservé la structure et les résidus constituant le site actif (pour revue, Littlechild et Garcia-Rodriguez, 2003).

Similitudes entre les vHPOs et les phosphatases

La région du site actif des vHPOs présente des similitudes de séquences avec trois classes de phosphatases (Hemrika et coll., 1997 ; Neuwald, 1997 ; Stukey et Carman, 1997 ; Renirie et coll., 2000b ; Ghosh et coll. 2002 ; pour revues, Hemrika et Wever, 1997 ; Littlechild et coll., 2002 ) :
– Les isoformes solubles et membranaires des phosphatases acides prostatiques, enzymes cruciales dans la transduction du signal chez les mammifères
– La glucose-6-phosphatase, enzyme clé de la gluconéogenèse et l’homéostasie du glucose et impliquée dans la maladie de von Gierke (Glycogénose hépathique)
– Les phosphatases acides bactériennes de classe A
Dans la classe des phosphatases acides prostatiques par exemple, les enzymes possèdent un motif conservé (GSYPSGHT) similaire à celui de la région du site actif chez les vHPOs P[S/A]YPSGHAT. Le résidu histidine liant de façon covalente le vanadate (Histidine 496 chez la vCPO) est donc également conservé chez ces phosphatases (Hemrika et coll., 1997). Il a été montré que le vanadate est un inhibiteur compétitif des phosphatases (Singh et coll., 1981 ; Vescina et coll., 1996). A l’inverse, la remétallisation de la forme apo-haloperoxydase par le vanadate est inhibée par le phosphate. Ceci suggère que les phosphatases et les vHPOs possèdent des sites de fixation du vanadate ou du phosphate et des sites actifs très proches d’un point de vue structural (Hemrika et coll., 1997). De plus, la forme apo de la vCPO de C. inaequalis montre une activité phosphatase, en hydrolysant le phosphate p-nitrophenyl, un substrat commun des phosphatases (Hemrika et coll., 1997 ; Renirie et coll., 2000b). A l’inverse, certaines phosphatases ont montré des activités haloperoxydases après substitution du phosphate par du vanadate (Tanaka et coll., 2002). La détermination structurale de la phosphatase de la bactérie Escherichia blattae a confirmé cette similitude d’architecture au niveau du site actif (Figure 15) (Ishikawa et coll., 2000 ; Tanaka et coll., 2002 ; pour revue, Littlechild et coll., 2002).
Une activité de sulfoxydation a été observée chez une phytase ayant incorporée du vanadate (van de Velde et coll., 2000a, b). Sous sa forme native, la phytase isolée du champignon Aspergillus ficuum est une phosphatase. Au niveau du site de fixation du métal, les résidus de cette phytase sont très proches de ceux identifiés au niveau du site actif des vBPOs (Kostrewa et coll., 1997). D’après certains auteurs, cette similitude de structures et d’activité enzymatique suggèreraient une origine commune lointaine entre les vHPOs et les phosphatases (Hemrika et coll., 1997).

Table des matières

INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE 
I- Les composés halogénés
A) Définition et propriétés physico-chimiques des halogènes
B) Les composés inorganiques halogénés
C) Les composés organiques halogénés
D) Le cycle biogéochimique des halogènes
E) Formation des composés organiques halogénés naturels
1) Processus physico-chimiques
2) Processus catalytiques
II- Les haloperoxydases dépendantes du vanadate
A) Définitions et généralités sur les haloperoxydases
1) Réactions chimiques et détections d’activités haloperoxydases
2) Classification des différents types d’haloperoxydases
B) Caractérisations des haloperoxydases dépendantes du vanadate
1) Analyses biochimiques
2) Caractérisations moléculaires
3) Résolutions de structures cristallines
C) Mécanisme d’action des haloperoxydases dépendantes du vanadate
1) Architecture du site actif
2) Mécanisme d’oxydation des halogénures
3) Spécificité pour les halogénures
4) Sélectivité et regiosélectivité vis-à-vis de composés organiques
5) Mécanisme de sulfoxidation
D) Origine et évolution des haloperoxydases dépendantes du vanadate
1) Homologie entre les vCPOs et les vBPOs
2) Similitudes entre les vHPOs et les phosphatases
E) Rôles biologiques putatifs des vHPOs
1) Toxicité et rôles biologiques des composés halogénés
2) Détoxication du peroxyde d’hydrogène
3) Adhésion – Pontages oxydatifs dans la paroi
4) Absorption d’halogénures
PROBLEMATIQUES ET OBJECTIFS DE LA THESE  MATERIEL ET METHODES D’ETUDE 
I- Matériel végétal
II- Préparation des éliciteurs oligo-alginates
III- Elicitation des sporophytes de L. digitata
IV- Dosage des espèces activées de l’oxygène par chimioluminescence
V- Méthodes biochimiques
VI- Analyse des haloperoxydases purifiées en spectrométrie de masse
VII- Caractérisation moléculaire
RESULTATS 
Chapitre 1 : Identification et caractérisation des activités vHPOs chez L. digitata 
I- Purification des activités vHPOs chez L. digitata
II- Propriétés biochimiques et immunologiques des vHPOs purifiées
III- Localisation des activités vHPOs, in vivo, chez L. digitata
VI- Article 1
Chapitre 2 : Caractérisation moléculaire des vHPOs purifiées chez L. digitata – couplage avec une approche protéomique 
I- Bromoperoxydases putatives chez L. digitata
II- Approche protéomique : stratégie de séquençage de novo des vHPOs
III- Identification moléculaire des activités vBPOs et vIPO chez L. digitata
Chapitre 3 : Evolution des vHPOs et spécificité biochimique 
I- Les vHPOs chez L. digitata : des familles multigéniques
II- Evolution des vHPOs chez les algues marines
III- Structure du site actif et spécificité pour les halogénures
IV- Article 2
Chapitre 4 : Rôles des vHPOs : un lien entre le métabolisme halogéné et les mécanismes de défense ? 
I- Résultats
II- Discussion
CONCLUSIONS – PERSPECTIVES 
I- Les vHPOs : des enzymes clé du métabolisme halogéné chez L. digitata
II. Les vHPOs : des enzymes impliquées dans le stress oxydant et les mécanismes de défense
III. Modélisation de la structure tridimensionnelle de la vIPO : vers une compréhension du mécanisme d’action des vHPOs
IV. Evolution des vHPOs : vers une spécificité de ces enzymes pour l’oxydation des halogénures ?
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 
ANNEXES 

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *