Du jeu mettre en scène la sous-culture

Du jeu mettre en scène la sous-culture

«  […] je me demandais ce que j’allais faire. Juste à ce moment-là, j’ai vu un panneau lumineux quelque part et ce qui m’a tellement frappé, c’est que c’était pour moi la synthèse technologique parfaite. Ce n’était pas de la photographie, ce n’était pas du cinéma, ce n’était pas de la peinture, ce n’était pas de la publicité, mais c’était fortement associé à tout cela. C’était quelque chose d’extrêmement ouvert. […] Cela répondait aux attentes essentielles vis-à-vis de la technique, c’est à dire qu’elle représente Les fameux caissons lumineux dont l’artiste a depuis fait sa marque de fabrique lui sont ainsi apparus à un moment où sa carrière de photographe avait débuté sans encore le convaincre pleinement et où son intérêt pour l’histoire de l’art, et notam- ment la peinture du XIXe siècle, l’occupait depuis longtemps. Le choix défi nitif pour la photographie, que l’artiste adopte vers 1986, lui permet d’établir les modalités d’un travail qui tournera autour de cette idée de spectacularité. Dans un geste qui renoue avec les enjeux fi guratifs de l’esthétique du XIXe siècle, Jeff Wall rompt avec ce qu’il nomme « l’interprétation moderniste » de la photographie. Très vite, il se penche sur des questions de mise en scène et a recours à des acteurs, à des scenarios élabo- rant, selon ses termes, l’aspect « cinématographique » de ses photographies qui usent amplement des artifi ces de montage et d’eff ets spéciaux – depuis les années 1990, ses photos n’hésitent pas à révéler la technicité de leurs procédures de réalisation. À propos de la « cinématographie » qu’il développe, il explique :

rent la photographie et son histoire. Ce que Jeff Wall oblige en somme à penser, c’est la rencontre et l’association entre de nombreuses entités que le modernisme a tenues éloignées les unes des autres : fi guration, spec- tacle, picturalité. Cette insistance à produire des images « construites » a sans aucun doute marqué une grande partie de la production d’images contemporaines qui, à la suite de Jeff Wall, se sont engagées du côté de cette frontière délicate à établir entre artifi ce et réalité. Tout en insistant sur l’artifi cialité, l’artiste s’est souvent exprimé sur la nature également documentaire de ses images. La façon dont elles prennent en charge des contradictions d’ordre social, des situations d’aliénation, vise ainsi un réalisme  L’aspect parfois très quotidien et banal des photographies de Jeff Wall voisine avec un sentiment fantomatique, parfois inquiétant, que l’artiste favorise tout autant, et de diff érentes manières. L’on sait d’abord que ses œuvres sont souvent des cita- tions directes de toiles fameuses de l’histoire de l’art, se présentant ainsi comme des réminiscences lointaines d’un champ historique avec lequel l’artiste dialogue constamment. Par ailleurs, il s’agit également pour lui de faire surgir dans ces cadres quotidiens des notes d’étrangeté qui témoignent d’un rapport au monde qui ne se veut surtout pas simpliste. Si l’image incarne pour lui un espace de recherche dédié à ce que nous ne connaissons pas ou mal, ou à ce qui nous contraint, celle-ci doit aussi être capable d’accueillir les fantômes de temps révolus, à travers des indices que l’ar- tiste sème volontairement dans les décors qu’il imagine, ou dans une atmosphère chargée d’inconfort.

gures fantomatiques, symboliques de tous les temps, de toutes les cultures et de tous les mythes. C’est ce que le langage ordinaire fait apparaître, par exemple quand on dit de quelqu’un qu’il est ‘un diable’ ou ‘un martyr’. Cela constitue le cœur littéraire et thématique de l’art pictural. C’est à travers ces identifi cations fantomatiques que nous faisons l’expérience des autres, et que nous sommes témoins d’événements. Ainsi, je ne peux pas distinguer le prosaïque du spectral, le factuel du fantastique, ni par extension le documentaire de l’imaginaire. La ‘cinématographie’ est ma façon de travailler cette Jeff Wall off re les moyens d’introduire ce qui fera l’objet de ce dernier chapitre consa- cré au jeu. Nous l’avons pensé comme une manière de confi er au médium fi lmique un héritage plus clairement ancré du côté de la fi guration et de la narration. D’une certaine façon, les fi lms convoqués dans ce chapitre renouent plus que les autres avec l’histoire du cinéma entendu depuis son versant fi ctionnel, le plus admis et repéré. Si les enjeux plastiques sont tout à fait présents et importants pour les fi lms dont nous allons traiter, c’est moins sur cet aspect que nous nous concentrerons que sur les déplacements qu’ils autorisent entre fi ction et récit. Le jeu interviendra dans ces pages comme un dispositif mis en place par les artistes pour faire eff ecti- vement basculer leurs fi lms du côté d’un régime de croyance. Cette donnée artifi – cielle et contraignante, qui structure leurs réalisations, permet de mettre à jour une autre scène que l’effi cacité des images rend crédible. Nous avons cependant parlé de « déplacement

 

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