EFFET DE LA FATIGUE

EFFET DE LA FATIGUE

DEFINITION DE LA FATIGUE MUSCULAIRE

Si la modification des contraintes mécaniques est un des facteurs pouvant donner lieu à une altération de la locomotion, la fatigue musculaire peut elle aussi en être responsable. Nous nous appuierons ici sur la définition de Gandevia (2001) afin de définir le terme « fatigue ». Celui-ci caractérise la fatigue musculaire comme étant l’altération de la capacité à générer une force ou une puissance suite à un exercice, et dont la cause peut être centrale et/ou périphérique (Figure 8).La fatigue centrale peut être définie comme une diminution de l’activité volontaire d’un muscle (Gandevia et al, 1995), dont l’origine implique des mécanismes spinaux et/ou supraspinaux (Gandevia 2001). Dans une revue récente, Gandevia (2001) a distingué deux sites de localisation de la fatigue centrale : les centres moteurs supérieurs (étage supraspinal) et la moelle épinière (étage spinal). En fonction de l’étage sur lequel se localise la fatigue, la manifestation de celle-ci sera différente. A l’étage supraspinal, Newham et al (1983), ont observé une réduction de la commande nerveuse centrale à destination des motoneurones α, associée ou non à une altération du recrutement des unités motrices. L’accumulation ou la déplétion de différents neurotransmetteurs et substances chimiques perturbant l’équilibre homéostatique du système nerveux central ont alors été proposées comme facteurs responsables de l’altération de la commande centrale. Cependant, ces facteurs ne sont pas les seuls responsables de cette diminution, comme en témoigne l’étude de Nybo et Secher (2004) dans laquelle ils mettent en avant l’action des réponses thermodynamiques cérébrales, la disponibilité des substrats énergétiques ou encore la perfusion sanguine sur la fatigue supraspinale. A cela s’ajoutent des facteurs psychologiques difficilement contrôlables comme l’investissement du sujet dans la tâche ou bien son niveau de motivation (Enoka et Stuart, 1992).Au niveau spinal, la manifestation de la fatigue se traduit de façon différente. A cet étage, les muscles actifs, la peau, le système cardio-respiratoire ou encore les articulations envoient des signaux afférents dont la réponse sera modulée en fonction de la fatigue. On parlera alors de boucles réflexes. Provenant des afférences mécanosensibles et métabosensibles des groupes des fibres I à IV, celles-ci modifient l’excitabilité d’un ensemble (i.e. « pool ») de motoneurones α et influencent les motoneurones γ, qui innervent les fibres intrafusales et régulent la sensibilité du fuseau neuromusculaire par l’intermédiaire de mécanismes de défacilitation (Bongiovanni et Hagbarth, 1990) ou d’inhibition (Garland, 1991) (Figure 9). La commande motrice du muscle est alors régulée indirectement par l’intermédiaire des centres moteurs supérieurs (étages supraspinaux) et de la moelle épinière (étages spinaux) sur lesquels l’ensemble des boucles de rétroaction agissent (Bigland-Richie et al, 1981 ; Garland, 1991 ; Jammes et Balzamo, 1992). Deux mécanismes d’inhibition peuvent entrer en jeu lors de l’activation de ces différentes afférences : une inhibition présynaptique provenant des afférences mécanosensibles et métabosensibles (Duchateau et Hainaut, 1993) ou une inhibition directe du pool de motoneurones α émanant du cortex moteur (Bigland-Ritchie et al, 1986 ; Gandevia, 2001). Cependant, d’autres mécanismes inhibiteurs ou facilitateurs générés par l’intermédiaire des motoneurones γ peuvent s’ajouter via les afférences III et IV (Gandevia, 2001). Lors d’une action motrice, toutes ces afférences ont pour objectif principal de réguler la contraction musculaire et de protéger l’ensemble du muscle. Enoka et Stuart (1992) définissent ces actions par les termes « muscle wisdom » (i.e. « sagesse musculaire ») soulignant ainsi l’interaction étroite entre les contraintes enregistrées à l’étage musculaire et les répercussions qui en découlent au niveau central lors de l’apparition de la fatigue. Tout ceci atteste donc de liens étroits entre les étages centraux et périphériques rendant délicate voire inexacte l’étude indépendante de ceux-ci. Il est donc nécessaire d’observer les réponses à une fatigue musculaire tant sur le plan central que périphérique.

 

METHODE D’ESTIMATION DU NIVEAU D’ACTIVATION DES MUSCLES 

La revue de questions de Shield et Zhou (2004) montre qu’un déficit du niveau d’activation lors d’une contraction maximale volontaire peut se caractériser par une diminution du moment développé. Le niveau d’activation, témoin de la commande nerveuse descendante vers le muscle, est alors généralement mesuré grâce à la technique de « twitch interpolation » (Merton, 1954). Cette technique consiste à surimposer au nerf moteur une stimulation électrique percutanée supramaximale à une contraction maximale ou sous-maximale volontaire isométrique (Figure 10). Si l’ensemble des unités motrices sont recrutés de façon maximale, la stimulation exogène n’entraîne pas de réponse mécanique, reflétant alors une activation volontaire maximale. Au contraire, une P a g e | 38 Définition de la fatigue musculaire Figure 10 – Exemple de tracés mécanique et EMG recueillis lors d’une contraction maximale isométrique volontaire des extenseurs du genou précédé d’une stimulation au repos et suivi d’une stimulation potentialisée. augmentation du moment lors de la stimulation est le témoin d’un recrutement incomplet des unités motrices et/ou d’une fréquence de décharge sous-maximale de certaines unités motrices recrutées (Belanger et McComas, 1981). D’autres techniques sont également utilisées pour quantifier le niveau d’activation. Ainsi, certains auteurs proposent d’exprimer le niveau d’activation en rapportant la valeur de la réponse mécanique induite lors de la contraction volontaire à la réponse mécanique évoquée après la contraction maximale dans des conditions de repos (Maffiuletti et al, 2002 ; Place et al, 2005). L’utilisation de ces techniques permet alors d’estimer la fatigue d’origine centrale.

FATIGUE PERIPHERIQUE

La fatigue périphérique rassemble l’ensemble des sites impliqués dans la production de force, à partir de la jonction neuromusculaire avec la transmission du potentiel d’action post-synaptique, jusqu’à la formation des ponts actine-myosine. Sa mesure rend compte de l’altération du couplage excitationcontraction de la contractilité musculaire lors de l’apparition d’une fatigue musculaire. Cette dernière se traduit localement par des déséquilibres électrolytiques et calciques, une modification de la formation des ponts actine-myosine, un déficit énergétique (Westerblad et al, 1991) ou encore une altération de l’ultrastructure musculaire. La détérioration de la transmission du potentiel d’action le P a g e | 39 Définition de la fatigue musculaire Figure 11 – Réponse Mmax du muscle Vastus Lateralis (en bas) associée à la réponse mécanique (en haut) obtenues après stimulation maximale du nerf fémoral. Pt = pic de moment, Ct = temps de contraction et HRt = temps de demi relaxation. long du sarcolemme est associée à la modification de l’activité des pompes sodium-potassium et constitue la première étape de la fatigue périphérique (Fuglevand et al, 1993). Le niveau de performance sera directement affecté par les réductions de la contractilité, de l’endurance et de l’excitabilité musculaire dues à une altération de l’activité des pompes sodium-potassium (Clausen, 2003). Le signal électrique parvient ensuite jusqu’aux tubules transverses déclenchant ainsi la mise en action des processus calciques et libérant les sites de fixation de l’actine. Les variations de concentration, de distribution et de mouvement de Ca2+ sont responsables d’une modification du potentiel contractile musculaire affectant de nouveau le niveau de performance (Berchtold et al, 2000)

 

METHODE D’ESTIMATION DE LA FATIGUE PERIPHERIQUE 

L’estimation de la fatigue périphérique est classiquement étudiée à partir de la réponse mécanique (secousses musculaires) associée à une réponse électrophysiologiques (Onde M) évoquées par une stimulation électrique du nerf moteur (Figure 11) La réponse mécanique, étudiée au travers du pic de moment (Pt), du temps de contraction (Ct) et du temps de demi-relaxation (HRt), reflète les propriétés intrinsèques du muscle stimulé. Celle-ci permet d’obtenir des informations sur la cinétique de contraction ou le processus de couplage excitation-contraction (Desmedt et Hainaut, 1968). La réponse M maximale (Mmax) correspond à la somme des potentiels d’action recueillis par électromyographie à la surface des muscles lors d’une stimulation percutanée du nerf moteur. Cette Définition de la fatigue musculaire réponse apporte des renseignements sur l’activité des pompes sodium-potassium, sur la propagation du potentiel d’action mais également sur l’excitabilité musculaire (Fuglevand et al, 1993). Les paramètres Mmax comme l’amplitude et la durée pic-à-pic renseignent principalement sur les caractéristiques de la réponse électrique au niveau de la membrane musculaire (Moritani et al, 1985). Une augmentation de l’amplitude de la réponse Mmax peut refléter une défaillance de la transmission au niveau de la jonction neuromusculaire et plus particulièrement une diminution de la dépolarisation des unités motrices (Fuglevand et al, 1993). La durée pic-à-pic est, quant à elle, généralement associée aux modifications de la vitesse de conduction des potentiels d’actions des unités motrices (Duchateau et Hainault, 1985 ; Milner-Brown et Miller, 1986). Des travaux récents ont également utilisé la réponse Mmax pour tenter d’observer les modifications intervenant en amont du niveau local (Duchateau, 1995 ; Pasquet et al, 2000 ; Pensini et al, 2002 ; Klass et al, 2004). Ceuxci utilisent une normalisation de l’activité EMG des muscles agonistes par la réponse Mmax (ratio EMG/Mmax) afin d’exclure les modifications induites au niveau périphérique.

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