EFFET D’UNE SOLUTION SALÉE SUR LE PROCESSUS DE SERPENTINISATION

EFFET D’UNE SOLUTION SALÉE SUR LE PROCESSUS DE SERPENTINISATION

SERPENTINISATION SOUS GRADIENT DE TEMPÉRATURE 

Les expériences menées jusqu’à présent permettent de comprendre l’évolution du processus de serpentinisation dans un système clos et à température constante. Cependant, le moteur du système hydrothermal est lié à la présence d’importants gradients thermiques entre l’eau de mer (2°C) et la chambre magmatique (>1000°C). On sait également que les seuils de dissolution des éléments présents dans ces systèmes varient fortement selon la température (voir partie Méthode pour les expériences sous gradient). Dans ces conditions, les gradients thermiques doivent jouer un rôle important dans le processus de dissolution/cristallisation, et donc dans le transport de matière le long des conduits hydrothermaux. C’est pourquoi des expériences ont été menées sous gradient de température, à l’aide de longues capsules en or disposées dans les autoclaves à joint froids. La mise en place du gradient thermique est expliquée dans la partie expérimentation de cette thèse. Une première expérience a été réalisée afin de déterminer l’impact d’un gradient thermique sur le transport des espèces aqueuses dans un fluide à l’équilibre avec une péridotite. Ainsi, seul le changement de température intervient et l’effet de l’encaissant n’est donc pas pris en compte dans ces expériences. Afin de simuler l’augmentation de température effective sur le trajet « prograde » de la boucle hydrothermale, 0,02 g d’olivine ont été placés au point froid d’une capsule longue de 10 cm. La capsule a été montée sous une atmosphère « air », puis a été entièrement remplie de 1 mL d’eau déminéralisée. Le point chaud de la capsule a été placé à 350°C, avec une pression de 1500 bar, pendant 90 jours. Les produits minéralogiques ont été analysés au MEB et sont imagés en électrons secondaires sur la Figure 32. Après 90 jours d’altération, la quantité de dépôt s’est révélée supérieure au coin chaud de la capsule (partie C). La masse totale des dépôts (0,003 g) a été calculée en comparant la différence de poids de la microcapsule avant et après l’expérience. Ce résultat indique que plus d’un dixième de la masse de l’échantillon initial a été déplacé par simple transport des éléments en solution. Cela correspond à un flux de 2,66 g.m-2 .jour-1 . Les dépôts proches du coin froid de la capsule (zone A) sont de couleur claire et présentent des structures fibreuses tapissant la capsule sur une faible épaisseur. La forme et la composition de ces fibres correspondent à de la brucite, minéral souvent associé à l’hydrothermalisme de roches très riches en magnésium comme la dunite. En se rapprochant du coin chaud (zone B), les dépôts acquièrent une couleur grise.

 

SERPENTINISATION SOUS GRADIENT DE TEMPÉRATURE

Après avoir réalisé le processus de serpentinisation à partir d’un matériau chimiquement simple (dunite), nous avons cette fois (et de nouveau) altéré une lherzolite pour faciliter la comparaison avec les résultats obtenus à température homogène (Exp. 1, 2, 3, et 4). La lherzolite a ainsi été serpentinisée pendant 70 jours à 300 bar et 300°C au point chaud. Lors de cette expérience, une microcapsule remplie de 0,01 g de lherzolite a été positionnée au point chaud d’une capsule longue de 12,5 cm, et contenant 1 mL d’eau déminéralisée. La capsule a également été soudée sous une atmosphère composée d’air. L’ouverture de la capsule s’est déroulée après 70 jours d’altération. En accord avec les résultats obtenus lors de l’expérience 5, des dépôts gris clair ont été observés au point chaud de la capsule (Figure 34). Si le coté froid ne contenait aucun dépôt, le centre de la capsule présente une couche très fine de couleur gris foncé Les produits d’altération ont été analysés par µ-XRF et MEB sur trois positions distinctes, indiquées par des croix blanches, le long du gradient thermique sur la Figure 34. Les trois spectres de fluorescence correspondant sont présentés dans la Figure 35. Les concentrations élémentaires ont été calculées à l’aide du logiciel VISION32 permettant de traiter les données issues de la microfluorescence X. Pour cela, la calibration a été réalisée à l’aide de minéraux de référence dont la composition est parfaitement connue. Dans nos conditions d’analyse, la précision de la mesure sur ce spectromètre de µ-XRF est de 0,5 wt% sur l’échantillon. Au point chaud, les données de fluorescence X indiquent que la composition des produits est proche de la serpentine. Les images en électrons secondaires acquises au MEB montrent en effet de petites fibres infra-micrométriques correspondant probablement à du chrysotile (Figure 36a). La teneur en fer dans ces dépôts est faible (~ 1,5 wt%) en comparaison des concentrations mesurées dans la lherzolite initiale (~ 8 wt%) (Mercier et Nicolas, 1975 ; Xu et al., 1998). Par ailleurs, les observations effectuées au microscope et au MEB ne révèlent pas la présence d’oxydes dans cette partie de la capsule. Nous notons que, contrairement à l’expérience 5, la brucite n’apparait pas clairement au point chaud. L’absence de ce minéral s’explique par la forte concentration en silice résultant de l’altération d’une lherzolite (péridotite riche en pyroxènes).

SERPENTINISATION SOUS GRADIENT DE TEMPÉRATURE

Cette expérience a été réalisée dans les mêmes conditions P-T-t que l’expérience n° 6 décrite précédemment (70 jours, 300 bar, 300°C, 0,01 g de lherzolite). Cependant, l’atmosphère « air » a été remplacée par du CO2 dans le but d’observer l’effet combiné de l’apport de carbone (d’origine volcanique dans le milieu naturel) et d’un gradient thermique sur le processus de serpentinisation. La capsule a ainsi été placée au point chaud pour simuler le trajet « rétrograde » de la boucle hydrothermale. Les produits d’altération ont été à nouveau caractérisés par MEB et µ-XRF. Comme dans l’expérience n°6, les dépôts se sont une nouvelle fois concentrés sur la partie chaude de la capsule puisqu’aucun précipité n’est observable au point froid. La quantité de dépôt est relativement uniforme entre la partie chaude et la partie centrale de la capsule. En revanche, et contrairement à la précédente expérience, les minéralisations ont une couleur très claire (Figure 38). La zone 1 se caractérise par une concentration proche de celle d’une serpentine (40 wt% de SiO2 , pour 48 wt% de MgO). L’étude de cette partie de la capsule au MEB confirme ces données puisque les minéraux en présence forment des nodules, de 10 à 20 µm de diamètre, couverts de fines structures en paillettes ressemblant singulièrement à des phyllosilicates (Figure 40a). Ces paillettes, qui ont une longueur de quelques µm, présentent une épaisseur de quelques centaines de nanomètres et constituent ainsi un réseau plus dense que celui observé dans l’expérience 6 (Figure 40b). L’absence de carbone prouve qu’il ne s’agit pas de carbonates, mais plus certainement de serpentine. Par ailleurs, la microstructure planaire de ces cristaux indique qu’il s’agit plus spécifiquement de lizardite.Des spectres EDX ont été acquis avec une taille de faisceau inférieure au micromètre. En accord avec une faible concentration en fer dans cette partie de la capsule (~1 wt% par µ-XRF), les spectres EDS (Figure 40c) ne révèlent pas de concentrations particulièrement élevées en fer dans la serpentine. Si les magnétites ne sont pas observées sur les images en électrons secondaires (Figure 40a,b), elles sont cependant rendues visibles par l’acquisition d’image en électrons rétrodiffusés (Figure 41). Il est donc probable que l’essentiel du fer soit incorporé dans les cristaux de magnétite et que la serpentine soit très fortement magnésienne.

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