Efficacité de l’équitation thérapeutique

L’utilisation des animaux dans un contexte thérapeutique est une pratique qui semble gagner en popularité dans les dernières années. En effet, les études se multiplient quant aux bénéfices de la présence animalière auprès d’une clientèle variée et dans divers établissements, tels que les écoles (Wood, Ohlsen, Thompson, Hulin, & Knowles, 2018), les hôpitaux (Ginex, Montefusco, Zecco, Trocchia Mattessich, Burns, Hedal-Siegel, Kopelman, & Tan, 2018), les prisons (Dell, Chalmers, Stobbe, Rohr, & Husband, 2019) ou encore les établissements gériatriques (Ambrosi, Zaiontz, Peragine, Sarchi, & Bona, 2019). Le cheval, de par sa taille, offre une expérience différente à ceux qui le côtoient, en comparaison avec le chien ou le chat (Kemp, Signal, Botros, Taylor, & Prentice, 2014). Il permet non seulement d’améliorer plusieurs aspects de la santé psychologique, mais aussi physique. L’équitation thérapeutique se définit comme toute forme d’activité où le cheval est utilisé dans un but thérapeutique (Association canadienne d’équitation thérapeutique, 2015). Elle constitue une forme spécifique de zoothérapie. Elle a pour objectif le traitement des personnes présentant une ou plusieurs problématiques tant aux plans physique, psychologique que social. Or, bien que plusieurs organisations professionnelles régissent ces pratiques dans plusieurs pays, l’utilisation du cheval dans un contexte thérapeutique n’est pas un acte réservé, contrairement à la psychothérapie. Sa pratique ne nécessite donc pas obligatoirement une adhésion à des organisations ni une formation spécialisée en équitation, en santé physique ou en santé mentale. En outre, comme peu d’études scientifiques expérimentales ont été effectuées, il n’existe que peu de données probantes qui démontrent l’efficacité de cette pratique dans le traitement des problématiques de santé mentale. Par conséquent, l’équitation thérapeutique, sous toutes ses formes, et appellations, n’est actuellement pas une pratique reconnue par l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ). En 2015, un psychologue québécois a d’ailleurs fait l’objet d’un jugement et de sanctions de l’OPQ (Castonguay (Ordre des psychologues) c. Hallé, 2015, Canada, 33-11-00412; Castonguay (Ordre des psychologues) c. Hallé, 2017, Canada, 33-16 00504) notamment pour avoir utilisé la thérapie facilitée par le cheval auprès de patients souffrant d’anxiété alors que la thérapie facilitée par le cheval n’apparaît pas comme une pratique reconnue scientifiquement dans le traitement des troubles anxieux. Cette situation met en évidence l’importance que des études évaluent l’efficacité de ce type de thérapie afin d’une part, de les documenter davantage et, d’autre part, de pouvoir éventuellement fournir des données probantes sur le sujet, qu’elles soient pour ou contre cette pratique. En ce sens, la documentation scientifique évaluant et démontrant l’efficacité de l’équitation thérapeutique pour l’amélioration de la santé physique et neurologique est beaucoup plus nombreuse que celle concernant ses effets sur les problématiques reliées à la santé mentale. Dans les dernières années, un intérêt particulier a été porté sur le trouble de stress post-traumatique (Burton, Qeadan, & Burge, 2019; Romaniuk, Evans, & Kidd, 2018; Shelef, Brafman, Rosing, Weizman, Stryjer, & Barak, 2019; Wharton, Whitworth, Macauley, & Malone, 2019), mais aucune étude ne s’est encore intéressée aux effets de l’équitation thérapeutique sur le trouble d’anxiété généralisée (TAG).

Selon le DSM V, le TAG se caractérise par la présence d’anxiété et d’inquiétudes excessives (avec appréhension) à propos d’évènements ou d’activités de la vie quotidienne. Il serait ainsi difficile pour l’individu souffrant d’anxiété généralisée de contrôler ses inquiétudes. Les gens atteints de ce trouble expérimenteraient une souffrance cliniquement significative et une altération importante de leur fonctionnement social, professionnel ou académique (American Psychiatric Association, 2013). Le trouble d’anxiété généralisée est d’ailleurs l’un des plus fréquemment diagnostiqués en santé mentale, avec une prévalence de 5 à 9 % de la population générale et une incidence de 3%, soit le pourcentage de nouveaux cas diagnostiqués chaque année (Kessler, Chiu, Demler, Merikangas, & Walters, 2005; Statistique Canada, 2013). Il est considéré comme une maladie chronique, pouvant parfois durer plus de 10 ans (Kessler & Wittchen, 2002). Selon Dukes, Hoffman et Wittchen (2008), il serait associé à un taux élevé d’absentéisme au travail et de consultations médicales, particulièrement en raison des symptômes somatiques présents dans ce trouble.

La zoothérapie ou thérapie assistée par l’animal est une intervention dirigée dans laquelle un animal rencontrant des critères spécifiques fait partie intégrante du processus de traitement. Elle est souvent dispensée ou dirigée par un professionnel des services de la santé ou des services sociaux spécialisé et travaillant dans son champ professionnel (Fine, 2010). Les problématiques dans lesquelles la zoothérapie est utilisable peuvent être physiques, mentales ou même sociales. De façon générale, le contact avec les animaux procure des bienfaits variés (Berget, Braastad, & Ekeberg, 2008; Lundahl & Nimer, 2007). Au-delà de la zoothérapie, le simple fait de posséder un animal de compagnie serait concomitant avec une meilleure santé physique (Giaquinto & Valentini, 2009; Lundahl & Nimer, 2007).

L’utilisation des animaux dans un contexte d’intervention thérapeutique existe dans plusieurs domaines : de la prévention à la rééducation, de la pédiatrie à la gériatrie (All, Lee Crane, & Loving, 1999). De l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’utilisation du cheval à des fins thérapeutiques a été répertoriée dans de nombreux ouvrages (Fine, 2010; Hallberg, 2017). La documentation scientifique fait état de nombreuses études évaluant et démontant l’efficacité de l’équitation thérapeutique pour l’amélioration de la santé physique (Chang, Kim, Kwon, Lee, Shin, & Yi, 2015; Hakanson, Lindstrom, Mattson, & Moller, 2009; Karol, 2007; Selby & Smith-Osborne, 2013; Sterba, 2007). Ce n’est que depuis peu que les chercheurs s’intéressent aux effets psychologiques et sociaux de l’équitation thérapeutique en santé mentale. Peu d’études ont donc été effectuées afin d’évaluer l’efficacité de l’équitation thérapeutique visant l’amélioration de la santé psychologique et peu de problématiques cliniques ont été examinées. La présente étude vise à contribuer à la documentation scientifique en évaluant pour la première fois l’efficacité de l’équitation thérapeutique pour l’anxiété généralisée.

L’équitation thérapeutique 

L’équitation thérapeutique se définit comme toute forme d’activité où le cheval est utilisé dans un but thérapeutique (Association canadienne d’équitation thérapeutique, 2015). Elle constitue une forme spécifique de zoothérapie. Elle a pour objectif le traitement des personnes présentant une ou plusieurs problématiques tant aux plans physique, psychologique que social. Les mouvements de l’animal lors de son déplacement ainsi que la possibilité d’établir une relation entre le cheval et la personne en traitement sont les principales techniques sur lesquelles l’équitation thérapeutique se base afin d’atteindre les objectifs souhaités en fonction des besoins de traitement (Jebali, 2006). Elle comprend entre autres l’hippothérapie, l’équitation adaptée et l’équithérapie. L’hippothérapie est utilisée majoritairement comme forme de réadaptation physique avec les individus lourdement handicapés physiquement ou neurologiquement et se sert principalement du cheval comme outil de travail. L’objectif à atteindre est essentiellement moteur, car les mouvements de l’animal lors de son déplacement sont utilisés à des fins de rééducation motrice. Les personnes visées peuvent présenter des problématiques de paralysie cérébrale, de spasticité, d’autisme, etc. (Francis, 2007; Sterba, 2007). L’équitation adaptée se définit davantage comme un sport (Chardonnens, 2009). Bien que les personnes en traitement puissent présenter certains handicaps, l’objectif demeure l’apprentissage du sport, que ce soit pour le loisir ou la compétition. Enfin, bien que des effets bénéfiques peuvent être souhaités au niveau physique, l’équithérapie est surtout axée sur l’acquisition de bienfaits cognitifs, émotionnels ou comportementaux.

Dans de nombreux pays, il existe plusieurs organisations professionnelles qui régissent les pratiques en équitation thérapeutique, considérons The Canadian Therapeutic Riding Association (CanTRA), la Fédération nationale de thérapie avec le cheval (FENTAC), la North American Riding for the Handicapped Association (NARHA). Dans la majorité des pays, comme c’est le cas au Canada, l’équitation thérapeutique n’est pas un acte réservé et ainsi, sa pratique ne nécessite pas nécessairement une adhésion à des organisations ni une formation spécialisée en équitation, en santé physique ou en santé mentale. Elle diffère de la psychothérapie qui est un acte réservé.

L’utilisation du terme équitation thérapeutique ne fait pas l’unanimité dans la communauté équestre ou scientifique. Comme les activités réalisées avec le cheval n’incluent pas toujours la monte de celui-ci et ne visent pas nécessairement l’acquisition de techniques sportives équestres, certains auteurs (Shelef, Brafman, Rosing, Weizman, Stryjer, & Barak, 2019) et associations (Equine-Assisted Growth and Learning Association; Fédération Nationale de Thérapies Avec le Cheval) ont choisi de délaisser le terme équitation thérapeutique pour plutôt privilégier l’appellation thérapie facilitée ou assistée par le cheval. Puisqu’il ne semble pas encore y avoir de consensus quant aux termes à privilégier, plusieurs auteurs utilisent le terme équitation thérapeutique pour décrire toute intervention thérapeutique réalisée avec le cheval (Association Canadienne d’Équitation Thérapeutique, 2015; Ayotte-Lavoie, 2013; Francis, 2007). La présente étude utilisera ce terme.

Efficacité de l’équitation thérapeutique 

Plusieurs études ont été réalisées au cours des dernières années afin de documenter les effets de l’équitation thérapeutique sur des problématiques physiques et cognitives chez tous les groupes d’âges. Ces études démontrent que l’équitation thérapeutique diminue les douleurs et la tension musculaire et améliore l’équilibre, la mobilité et la démarche, en plus de procurer un sentiment de bien-être, auprès de personnes souffrant de douleurs chroniques au dos et au cou (Hakanson et al., 2009). De plus, l’équitation thérapeutique augmente de façon significative le fonctionnement moteur chez les enfants atteints de paralysie cérébrale (Chang et al., 2015; Sterba, 2007). Chez des enfants souffrant d’autisme, elle améliore les habiletés sociales et motrices, de même que le fonctionnement exécutif (Borgi et al., 2016), en plus de faciliter la communication, l’imitation, la perception ainsi que la régulation émotionnelle et motrice (Hameury et al., 2010). La majorité des études ayant évalué l’effet de l’équitation thérapeutique sur des problématiques psychologiques ont été réalisées chez les enfants et les adolescents. Ces études démontrent qu’elle induit des améliorations sur l’anxiété (Holmes, Goodwin, Redhead, & Goymour 2012; Kemp, Signal, Botros, Taylor, & Prentice, 2014; Trotter, Chandler, Goodwin-Bond, & Casey, 2008), la dépression (Ayotte-Lavoie, 2013; Frederick, Hatz, & Lanning, 2015; Kemp et al., 2014), les troubles de l’attention avec ou sans hyperactivité (Cuypers, De Ridder, & Strandheim, 2011; Trotter et al., 2008), les habiletés sociales (Trotter et al., 2008), le sentiment de colère (Kaiser et al., 2004), l’estime de soi (Burgon, 2011; Trotter et al., 2008), le développement de l’empathie (Burgon, 2011) ainsi que le contrôle de soi (Ayotte-Lavoie, 2013; Burgon, 2011; Trotter et al., 2008). Chez les jeunes présentant des troubles de comportement, les études démontrent que l’équitation thérapeutique favorise l’estime de soi, la confiance en soi, le sentiment de satisfaction personnelle (Burgon, 2011; Trotter et al., 2008). Elle augmente également la concentration, la capacité d’adaptation (Trotter et al., 2008), le degré d’espoir (Frederick et al., 2015), l’empathie (Burgon, 2011) et le contrôle de soi (Ayotte-Lavoie, 2013; Burgon, 2011). En outre, elle permet de diminuer les symptômes dépressifs (Ayotte-Lavoie, 2013; Frederick et al., 2015; Whittlesey-Jerome, 2014), l’impulsivité, l’agressivité, les troubles de la conduite, l’anxiété et le sentiment de solitude (Trotter et al., 2008). Enfin, l’équitation thérapeutique diminue de façon significative l’anxiété rapportée par des étudiants présentant des difficultés émotionnelles, comportementales ou d’apprentissage (Holmes et al., 2012).

Comparativement aux études portant sur les enfants et adolescents, peu ont été consacrées aux effets de l’équitation thérapeutique sur la santé psychologique des adultes. Les quelques études effectuées démontrent entre autres qu’elle diminue la détresse psychologique et augmente le bien-être psychologique, en plus de favoriser l’actualisation de soi (Klontz, Bivens, Leinart, & Klontz, 2007). Chez des adultes présentant des problématiques de santé mentale, tels que la schizophrénie, la dépression, les troubles de personnalité ainsi que de consommation de substances, l’équitation thérapeutique améliore l’estime personnelle et le sentiment de compétence (Bizub, Joy, & Davidson, 2003; Burgon, 2015). Par ailleurs, chez des femmes victimes de violence conjugale, cette forme de thérapie a permis une amélioration significative du sentiment de compétence ainsi que du fonctionnement général, en plus de diminuer les symptômes dépressifs (Whittlesey-Jerome, 2014).

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Effets de l’équitation thérapeutique sur les symptômes anxieux du troubles
d’anxiété généralisée chez l’adulte: utilisation d’un schème expérimental à cas unique
Matériel supplémentair
Conclusion générale

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