Embrochage isoélastique dans les fractures du radius distal à bascule antérieure

Particulièrement fréquentes en traumatologie, et représentant 10 à 15% des fractures vues en urgence, les fractures radiales distales regroupent plusieurs types de fractures dont les modalités thérapeutiques et les répercutions fonctionnelles tardives sont assez disparates [1]. Elles sont rarement strictement isolées et indissociables des atteintes de l’extrémité distale de l’ulna. Les fractures marginales antérieures en font partie et constituent une entité rare parmi les fractures du poignet. Leur taux varie selon les auteurs de 0.6% à 6% du total des fractures de l’extrémité inférieure du radius [2], [3], [4], [5]. Plusieurs modalités thérapeutiques ont vu le jour durant les deux dernières décennies. Elles ont été développées progressivement pour répondre aux objectifs suivants à savoir une réduction la plus anatomique possible et une stabilité suffisante pour permettre une mobilisation précoce du poignet atteint. Ceci dit les fractures marginales antérieures ne sont pas sujettes au traitement fonctionnel. Leur prise en charge est ainsi chirurgicale [2], [6], [7], [8]. Les fractures marginales antérieures ne font, pour le moment, l’objet d’aucun consensus, ce qui témoigne de la grande diversité du traitement de ces fractures. Alors que fleurissent de nombreux articles sur les ostéosynthèses par plaque à vis verrouillés, largement utilisées dans ce type de ces fractures, certaines publications se distinguent par leur choix inhabituel d’une autre méthode d’ostéosynthèse à savoir le recours à l’embrochage [2], [6], [7], [8]. Confiants dans l’embrochage isoélastique et séduits par les résultats encourageants dans les fractures de l’extrémité inférieure du radius à déplacement postérieur, nous avons cherché à l’appliquer à ces fractures pour simplifier le traitement, réduire les lésions musculaires dues à l’abord chirurgical classique et alléger le coût social [9].

Données épidémiologiques: 

Fréquence: 

Le déplacement antérieur du fragment distal dans les fractures de l’extrémité inférieure du radius représente une entité rare dans la littérature. Le rapport de Castaing et du groupe de dix en 1964 de la société de chirurgie orthopédique a fait état de 6,8% de déplacements antérieurs parmi les fractures de l’extrémité inférieure du radius [2]. Dumontier a rapporté dans sa série 36 cas seulement de déplacement antérieur sur 450 cas de fractures de l’extrémité inférieure du radius ce qui représente 8% [11]. Différentes séries ont été publiées concernant les fractures marginales antérieures. Son taux varie selon les auteurs de 0.6% à 6% du total des fractures de l’extrémité inférieure du radius [2], [3], [4], [5]. Cauchoix et al ont rapporté, quant à eux, 11 cas de fractures marginales antérieures parmi 340 fractures de l’extrémité inférieure du radius, soit une fréquence de 3% [3]. Cette fréquence était de 2,5% dans la série de Bohler [12], de 6% selon Dinois du Séjour et al. [13] et de 1,7% selon Dumontier [14].

Age et sexe: 

Les fractures marginales antérieures touchent toutes les tranches d’âge, avec deux pics de fréquence, l’un autour de trente ans et l’autre autour de 60 ans [15] [16]. Pendant que des auteurs (Castaing [2], Ducloyer [17], Kapandji [10], Dumontier [14]) rapportent une prédominance chez les sujets âgés avec une moyenne d’âge avoisinant les 60 ans, d’autres rapportent une moyenne aux alentours de 30 ans (Dionis [13], Haddad [18], Jerry [19], Kapour [20]). Dans notre série, la moyenne d’âge était également de 30 ans. Quand la fracture marginale antérieure survient chez des sujets jeunes, elle est, le plus souvent, à la suite, d’un traumatisme à haute énergie. Dans notre série, il s’agissait essentiellement d’accidents de travail. Ce sont souvent des sujets actifs, d’où la prédominance du sexe masculin dans notre série.

Étiologies : 

Plusieurs étiologies ont été décrites comme responsables des fractures marginales antérieures. Les accidents domestiques, les accidents de la voie publique, les accidents de travail et les accidents de sport étaient les plus rapportées. Dans la série de N. Haddad, il était rapporté que ces fractures faisaient suite à un accident de la voie publique dans 31,57% des cas, à un accident domestique dans 36,84% des cas, à un accident de travail dans 15,78% des cas et à un accident de sport dans 15,78% des cas [18]. Dans la série de Frikha R., les accidents de la voie publique se sont révélées les plus fréquentes dans 58% des cas. Les autres cas étaient en rapport avec des accidents domestiques dans 32% des cas, des accidents de travail dans 5% des cas et des accidents sportifs dans la même proportion [21]. Comme l’a décrit Dumontier en 2001, il existe une répartition équitable entre l’énergie basse et haute de la fracture [14].

Côté atteint :

N.Haddad a rapporté que la fracture intéressait le côté droit dans 14 cas soit 74% et le côté gauche dans 5 cas soit 26%. Le côté dominant a intéressé 12 cas soit 54% [18]. Frikha R. n’a pas noté de prédominance d’un côté par rapport à l’autre, ni de cas de fractures bilatérales. Sachant que 81% de ses patients étaient des droitiers et que le côté dominant était touché dans environ la moitié des cas [21]. Dumontier a noté que le côté dominant était atteint dans 44,44% [14]. Dans notre série nous avons noté une prédominance du côté droit et en même temps la prédominance du côté dominant.

Physiopathologie: 

Mécanisme : 

Comme le rapporte plusieurs auteurs, le mécanisme des fractures marginales antérieures retrouvé dans notre série était indirect par compression flexion palmaire appuyée . La compression osseuse est responsable d’un tassement de l’os métaphysaire spongieux.

L’avulsion est secondaire à une traction excessive des ligaments extrinsèques. Elle est responsable de fracture parcellaire marginale antérieure. La flexion brutale entraîne une plicature osseuse d’où résulte une fracture en général extra articulaire et peu comminutive.

La stabilité du poignet: 

Le poignet est le dernier maillon articulaire du membre supérieur formé de dix pièces osseuses et de trois articulations. La conformation de ces éléments est instable et nécessite la présence d’éléments stabilisateurs (capsulo-ligamentaires et musculaires). En effet, le poignet est un support mobile pour la main mais il doit aussi être un support stable. C’est cette stabilisation du poignet que nous désignons par le terme de « verrouillage ». Ce dernier est primordial lors des mouvements de prono-supination. En effet, les quatre principaux muscles prono-supinateurs (carré pronateur, rond pronateur, brachio-radial et long biceps) ont leur insertion distale située au-dessus de l’interligne radio-carpien. Les mouvements de pronosupination sont donc transmis de l’avant-bras à la main par l’intermédiaire du poignet. Le poignet se comporte alors comme un embrayage : il existe, en effet, entre le radius distal et la base des métacarpiens une rotation longitudinale qui varie en fonction de la force de serrage et du couple de prono-supinateur exercé distalement.

Le rôle du muscle carré pronateur : 

Le carré pronateur est un muscle plat, court, charnu, le plus profond de la loge antérieure de l’avant-bras et plaqué à la membrane interosseuse. Le rôle du muscle carré pronateur : C’est un muscle dont l’action la plus souvent décrite est la pronation de l’avant-bras. L’étude de Mark O. a démontré une diminution significative de la pronation lors de l’élimination contrôlée de la fonction du carré pronateur [24]. Après la paralysie du carré pronateur par la Lidocaïne, la force de pronation a diminué d’une moyenne de 21% (écart 16,7% et 23,2%) dans toutes les positions en la comparant à avant l’injection. Cependant, les études de dissection, éléctromyographique et cinésiologiques tendent à démontrer que son action stabilisatrice de l’articulation radio-ulnaire distale est prépondérante.

• Aspect anatomique:
Plusieurs études de la dissection ont été réalisées pour étudier ce muscle. Plusieurs équipes anglo-saxonnes ont décrit une aponévrose propre au carré pronateur et différencié en 2 faisceaux [25], [26] :
➤ Superficiel, composé de fibres transversales et s’apparentant à un muscle plat.
➤ Profond, composé de fibres obliques et en dehors et deux fois plus épais que le faisceau superficiel s’apparentant à un muscle penné de capacité stabilisatrice plus importante.   La partie distale du muscle est plus large que la partie proximale et fusionne avec la capsule articulaire radio-ulnaire distale. (Figure22, 23) Les études de Palmer et Werner montrent que la section du carré pronateur entraîne une instabilité importante dans le plan frontal et non négligeable dans le plan sagittal. Etant donnée que ces études soient cadavériques et que les capacités contractiles du muscle n’entrent pas en jeu, il est donc plus probable que son impact sur la stabilité de l’articulation radio-ulnaire distale soit encore plus important in vivo .

• Aspects cinésiologiques et biomécaniques :
L’étude des composantes de force d’un muscle selon la technique de Varignan nous permet de savoir que plus l’angle d’attaque d’un muscle avec le levier osseux sur lequel il agit est proche de 90°, plus son action mobilisatrice est importante et son action stabilisatrice faible. Pour un angle de 45°, les composantes stabilisatrices et mobilisatrices sont équivalentes. Lors de la pronosupination, l’angle d’attaque du muscle dans le plan frontal décroît de la pronation à la supination et des fibres superficielles aux fibres profondes. Les fibres superficielles en pronation ont un angle d’attaque d’environ 45°. Les fibres profondes en supination sont perpendiculaires au segment osseux. D’un point de vue cinésiologique, l’action prédominante du carré pronateur est donc la coaptation et non la pronation [28].

Table des matières

INTRODUCTION 
PATIENTS ET MÉTHODES 
I. Le but de l’étude
II. Patients et méthodes
1. La sélection des patients
2. Méthode et analyse
III. Technique chirurgicale et modalités opératoires
1. Installation du malade
2. Anesthésie
3. l’équipe chirurgicale
4. matériel à utiliser
5. Technique opératoire
RÉSULTATS 
I. Données épidémiologiques
1. Age
2. Sexe
3. Côté atteint
4. Mécanisme
5. Étiologie
II. Données cliniques
1. Délai entre le traumatisme et la consultation
2. Etat des patients
3. Signes fonctionnels
4. Signes physiques
III. Données radiologiques
1. Lésions de l’extrémité inférieure du radius
2. Lésions associées aux fractures du radius distal
IV. Traitement
1. Indication de l’embrochage isoélastique
2. Délai moyen entre le traumatisme et le geste chirurgical
3. Type d’anesthésie
4. Nombre de broches
5. Durée du geste opératoire
6. Perte sanguine
7. Incident per opératoire
VI. Suivi post opératoire
1. Durée moyenne du séjour post hospitalier
2. Donnée postopératoire immédiat
3. Durée de l’immobilisation
4. Rééducation
5. Ablation du matériel
V. Le suivi des patients
1. Recul
2. Les critères d’évaluation
VI. Complications
1. Précoces
2. Secondaires
3. Tardives
DISCUSSION
I. Données épidémiologiques
1. Fréquence
2. Age et sexe
3. Étiologies
4. Côté atteint
II. Physiopathologie
1. Mécanisme
2. Stabilité du poignet
III. Étude anatomo
-pathologique
1. Classification
2. Communition
3. Les lésions associées
IV. Diagnostic positif
1. Diagnostic clinique
2. Diagnostic radiologique
V. Traitement
1. Méthodes thérapeutiques
2. L’embrochage isoélastique
VI. Les complications
1. Les complications précoces
2. Complications secondaires
3. Complications tardives
4. Algodystrophie
VII. Synthèse
CONCLUSION

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