ENONCIATION ET DISCOURS LITTERAIRE A VISEE SUBVERSIVE

ENONCIATION ET DISCOURS LITTERAIRE A
VISEE SUBVERSIVE

Définition des concepts clés 

En ce qui concerne cette partie, nous avons décidé d’astreindre la démarche définitoire de ces théoriciens en nous inscrivant dans leurs logiques. En effet, cet attachement n’en sera nullement pas un itinéraire pour analyser les textes que nous aurons choisi, mais un support incontournable qui permet de diagnostiquer l’œuvre afin d’en sortir l’objet d’étude

 Enoncé et énonciation 

Mettons tout d’abord en évidence la différence entre énoncé et énonciation. L’énoncé est le résultat d’un assemblage plus ou moins conscient de la part du locuteur. C’est donc une parole ou un écrit produits dans une situation donnée avec une certaine intention. Dans cette optique, il renferme plusieurs fonctions que nous exploiterons plus tard. Selon Oswald Ducrot et Tzvetan Todorov l’énonciation est une sorte de « stratégie, une mise en ordre des éléments de la langue dans un but précis, à un moment donné, dans un lieu donné effectuée par un locuteur donné » . Ils poursuivent cette investigation dans leur dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, en définissant l’énonciation comme un acte à la cour duquel des « phrases s’actualisent, assumées par un locuteur particulier, dans des circonstances spatiales et temporelles précises »8 . Pour Emile Benveniste « l’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation » . Ascombre et Ducrot cités par Kerbrat-orecchioni avancent : « l’énonciation est l’activité langagière exercée par celui qui parle au moment où il parle »1 kerbrat-Orecchioni citant TODOROV renchérit que l’énonciation est « l’archétype même de l’inconnaissable ». On peut en déduire que l’énoncé est le résultat de l’énonciation. 

Le cadre énonciatif 

C’est la situation dans laquelle se trouvent les protagonistes (locuteur, allocutaire et la non personne) dans un lieu et un moment donné de l’énonciation. Une scène d’énonciation existe dans tout énoncé. Mais elle ne se confond pas avec l’environnement physique et social dans lequel se trouvent les interlocuteurs : appelé situation de communication. Elle est plutôt telle que l’a théorisé Benveniste, le système où sont définis l’énonciateur, le co-énonciateur et la non personne. C’est à partir de ce système que sont repérés les déictiques dont la référence est conçue par rapport à l’acte d’énonciation. La scène d’énonciation implique la langue et le discours, ce qui signifie qu’elle comporte un abord sociologique et un abord linguistique. Cette notion de scène d’énonciation se subdivise en trois scènes qui sont :  « La scène englobant »: elle renvoie au type de discours à travers lequel les textes sont produits. En effet il existe comme on le sait plusieurs types de discours : littéraire, politique, philosophique, religieux etc.  « La scène générique »: c’est la scène spécifique attachée à un genre. Un texte est toujours énoncé dans un genre de discours et des attentes génériques sont induites chez le lecteur : « Elles se formulent aisément en termes de circonstance d’énonciation légitime : quels sont les participants, le lieu et le moment requis pour l’effectuer ? Par quel circuit passes-t-il ? Quel préside à sa consommation ? » (Maingueneau).  « La scénographie »: c’est la scène construite à l’intérieur même du texte. On peut dire que c’est la scène construite par l’auteur pour faire passer son message. 

 Récit et Discours 

La différence entre discours et récit oblige une nécessité de diagnostique éclairé pour le lecteur. Benveniste fait la différence entre l’histoire (récit) et le discours. Il définit ainsi le récit comme toute production verbale dans lequel le sujet parlant n’a pas de modalité, de subjectivité. Par-là, l’histoire semble se dire lui-même, il n’y a pas d’interlocution ni de Enonciation et discours littéraire à visée subversive dans Jacques le fataliste de modalisations énonciatives. Tandis que le discours est une suite d’énoncé où il y a une modalité, des deixis et une forte présence du locuteur que l’histoire n’en a pas. En général, pour les linguistes, le texte littéraire est un récit (roman) qui n’est pas pur car il y’a une source qui est écrivant d’où l’appellation de cette notion “discours littéraire”. Genette renchérit encore le terme récit en le donnant tous les aspects d’une narration : « Le récit désigne encore un évènement : non plus tout fois celui que l’on raconte, mais celui qui consiste en ce que quelqu’un raconte quelque chose : l’acte de narrer prise en lui-même » . De cette façon, aucune notion n’est aussi polysémique que le mot « discours ». En effet, selon CISSE et DIAKITE le discours est « tout énoncé, mot ou plus, d’une langue naturelle, choisi en fonction de ses conditions de production et d’échange. Le mot est l’unité minimale du discours » .Ainsi, sur ces mêmes lignes, ils avancent sur ces termes en citant DUCROT et TODOROV (1972 :8) « Toute tentative d’isoler l’étude de la langue de celle du discours se révèle, tôt ou tard, néfaste, pour l’une et l’autre. En les rapprochant, nous ne faisons d’ailleurs que renouer une longue tradition, celle de la philologie, qui ne concevait pas la description des langues sans la description des œuvres ». GUESPIN L. le définit comme suit : « le discours, c’est l’énoncé considéré du point de vue du mécanisme discursif qui le conditionne » . En ressort, on peut qualifier le discours comme des énoncés marqués par la subjectivité de leurs auteurs, signalés par des traces énonciatives telles la présence des déictiques et de modalisations, et du récit des énoncés qui se présentent comme objectif. 

Dialogisme et Polyphonie discursive 

Bakhtine et Ducrot mettent en brèche l’intertextualité du discours sous différente posture selon chaque auteur. Selon Bakhtine, le dialogisme est une relation de coprésence entre plusieurs discours. Il désigne le fait fondamental que le sujet parlant ne peut s’appréhender de manière juste qu’en tant que sujet, c’est-à-dire résultant d’interrelation humaine qui, contrairement aux choses, le sujet ne peut donc être objectivé, il ne peut être abordé que de manière dialogique. Le dialogisme Bakhtinienne est repris explicitement par Oswald Ducrot pour une pragmatique fondée sur l’énonciation contestant ainsi l’unicité dans la voix du locuteur qui fonctionne ainsi comme une remise en cause du sujet parlant. Cette interprétation des deux notions nous permettra d’élucider et d’extirper les différentes discours qui sont soit polyphonique soit dialogique par rapport au récit principal.

 L’éthos des personnages

Un texte comportant une source énonciative, montre un éthos c’est-à-dire une image en soi. Chaque personnage a une image en soi qu’il dégage dans le discours. En effet l’éthos « est crucialement lié à l’acte d’énonciation mais on peut ignorer que le public se construit aussi des représentions de l’éthos de l’énonciateur avant même qu’il ne parle » 15 . On peut enfin le définir comme l’ensemble des caractères physiques, moraux, statutaires etc. réunis d’une personne capable de convaincre son auditoire. Dominique MAINGUENEAU distingue deux types d’éthos : l’éthos prédiscursif qui renvoie au statut social des personnages et l’éthos discursif qui relève de l’identité de la personne dans le discours. Maingueneau Dominique, « L’énonciation en linguistique française. Embrayeurs « Temps », discours rapporté ». Delà, pour bien cerner notre approche visant la subversion, il nous est impératif de voir l’image des différents personnages employés par Diderot pour renverser les fonctions d’intrigue d’un roman classique. 8. La recherche documentaire Une telle partie requiert la consultation d’une documentation vaste et diversifiée qui n’était pas toujours à notre disposition. Nous avons tenté de transformer ces inconvénients d’ordre bibliographique en avantages pour une recherche d’originalité. Mais l’arme est double tranchant, et des faiblesses se sont glissées dans l’analyse parfois. Nous avons fini par omettre l’étude initialement prévue sur le poids des circonstances énonciatives et de l’analogie discursive pour des mesures méthodologiques mais aussi parce qu’ils nous amèneraient à des analyses connues ou à des schémas d’explication utilisés dans les parties avec lesquelles cette étude voisinerait. En somme, nous examinerons ces bouleversements textuels aussi bien sur l’énonciation que sur les éléments constitutifs de la linguistique. S’il y a subversion, ces constituants s’en ressentent forcement. Nous considérons donc successivement l’espace romanesque et sa structuration, c’est-à-dire son organisation, le discours romanesque et sa configuration ou ses techniques. Il sera possible de montrer à chaque fois que Diderot accroit la signifiance des textes et se conforme aux deux principes essentiels de la littérature la vraisemblance et l’adéquation entre la cohérence et la cohésion du texte littéraire.

Table des matières

Introduction
Chapitre I/ Méthodologie et traitement des données
1. Contexte et justification
2. Question de recherche
3. Objectifs
4. Hypothèses et démarches
5. La revue littéraire
6. Le corpus
7. Définition des concepts clés
8. La recherche documentaire
Chapitre II/ La linguistique de l’énonciation et discours littéraire
1. Les théories linguistiques : énonciation et discours littéraire
2. Approche des principes de relation de l’énonciation et discours littéraire
3. Littérature et genre subversif
4. La « posture » de Diderot
Chapitre III/ « Jacques le fataliste » : une œuvre subversive
1. Ecriture subversive et identité esthétique
2. La réversibilité sémantique
Chapitre IV. L’énonciation comme stratégie de subversion
1. Les scènes d’énonciation
2. La polyphonie et le dialogisme dans l’œuvre
3. L’ethos discursif et subversion
4. La redondance : une entorse narrative
Chapitre V. L’énonciation subversive : le jeu des imbrications discursives dans l’œuvre
1. L’interaction auteur-narrateur
2. L’enchâssement ou mise en abime du récit principal
3. Le dialogue comme stratégie narrative
Conclusion
Bibliographie

 

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