Enseigner l’éducation civique au collège

Enseigner l’éducation civique au collège

EN GUISE D’INTRODUCTION

Salut à tous. Voici l’ultime volet de nos publications sur les programmes, et le second concernant l’éducation civique. Avant toute chose une précision s’impose. Les deux publications sur l’éducation civique ont été faites à un an d’intervalle mais elles sont indissociables. La première constituait la partie « théorique » et, sauf exception, nous ne reviendrons pas, ou peu, sur cet aspect. Il faut donc bien avoir à l’esprit que cette première partie existe sans quoi le présent volet risque d’être perçu uniquement comme une série de propositions de mise en œuvre, sans relief et sans recul. Nous avons toutefois, à titre d’exemple, inclus une séquence comportant la réflexion théorique et la mise en pratique. Elle vous est proposée page 15 et il est possible de la lire en préalable aux autres exemples. Corollaire de ce qui précède, l’introduction sera centrée sur quelques rappels augmentés de remarques générales à caractère plus pédagogique concernant l’éducation civique enseignée.
Notre état des lieux de l’an passé avait clairement fait apparaître la difficulté qu’il y a, pour diverses raisons, à enseigner l’éducation civique. Cela s’est trouvé confirmé cette année. Toutefois, il nous a semblé que, d’une part, il y avait chez nombre de collègues le souci de « faire de l’éducation civique » avec à l’esprit la préoccupation première de former de futurs citoyens et que, d’autre part, la mise en œuvre des méthodes préconisées par l’actuel programme pour enseigner l’éducation civique faisait son chemin. Cette dernière remarque vaut surtout pour l’étude de cas et la volonté de mettre en relation le travail en classe et la réalité extérieure ; cela est nettement à nuancer pour le débat. Nous y reviendrons. Rappelons également que si l’éducation civique est la matière enseignée par les professeurs d’histoire-géographie-éducation-civique, la formation du futur citoyen, l’éducation à la citoyenneté peut-on également dire, sont l’affaire de tous. Cela nous amène à nous faire l’écho de quelques remarques issues des stages.
Il semblerait malgré tout que, trop souvent, nous soyons considérés comme dépositaires de tout ce qui relève de la citoyenneté. Alors que la citoyenneté figure souvent en bonne place dans les projets d’établissement, les réunions, pourtant préconisées par les Instructions Officielles, visant à l’harmonisation d’une politique de formation du futur citoyen sont une pratique peu courante ; les liaisons avec la vie scolaire semblent rester trop épisodiques et les projets interdisciplinaires liés aux bonnes volontés. Ce petit discours n’a pas vocation à culpabiliser les autres membres de la collectivité éducative mais à « déculpabiliser » certains collègues qui ont fait état de leurs « angoisses » devant la tâche en éducation civique et la responsabilité dont ils se sentaient investis. En résumé, nous apportons, en faisant de notre mieux, notre pierre à l’édifice (et elle est loin d’être négligeable) mais nous ne pouvons ni ne devons nous sentir seuls responsables de la formation, en tant que futur citoyen, de chacun de nos élèves. La question du DNB est, bien évidemment, revenue souvent dans les stages. Nous nous sommes exprimés sur ce sujet l’an passé. Cependant, quelques précisions liées à des discussions qui ont pu avoir lieu ponctuellement ne sont peut-être pas totalement superflues.

-Qu’en est-il des thèmes optionnels du programme de 3ème ?
Là, les choses sont claires. Dans le chapitre « Les débats de la démocratie » seul « l’opinion publique et les médias » est obligatoire et donc susceptible de tomber à l’examen. Chacun des trois autres thèmes (au demeurant fort intéressants) peut être choisi par un collègue qui souhaite le traiter mais ils ne peuvent donner lieu à un sujet puisqu’on ne peut être sûr qu’ils ont été vus par tous les élèves.

– La préparation à l’épreuve du DNB en éducation civique.
Elle ne doit pas commencer avec l’année de troisième mais dès les années antérieures et en particulier en 4ème. Cela vaut pour le paragraphe, aussi bien dans sa forme que dans la capacité de l’élève à « argumenter » mais aussi pour l’étude de cas et sa mise en relation avec un texte de loi ou avec une notion plus générale.

– L’originalité par rapport à l’épreuve d’histoire-géographie.

Elle est, peut-être, ce sera à vérifier sur la durée, dans le fait que les connaissances factuelles sont très présentes dans les documents et que certains documents fournis, ayant force de loi, sont, de ce fait, peu critiquables et permettent difficilement une quelconque distanciation (autrement dit, les élèves s’en écartent très peu). Le travail de l’élève réside donc largement dans sa capacité à organiser des idées et à les présenter de manière cohérente. Dans le meilleur des cas, il réussit à prendre un peu de recul.
En d’autres termes, en histoire-géographie, la difficulté principale des élèves est peut-être de dépasser le stade de l’utilisation des seuls documents et de les relier, en fonction du sujet, à des connaissances personnelles structurées selon le cours de leur professeur ; en éducation civique, la difficulté est plus de relier l’exemple ou les exemples fournis par l’étude de cas à des connaissances jugées par eux plus abstraites (il faudrait en analyser la raison) et de réussir à prendre un peu de recul par rapport à des documents qui leur semblent, pour certains, quelque peu intouchables (lois, grands principes…).

– L’influence de l’épreuve sur les pratiques.

L’influence des modalités d’un examen sur les pratiques des enseignants est réelle. Elle peut avoir un effet bénéfique ; nous pensons ainsi que la présence du paragraphe « argumenté » et la nécessité d’y préparer les élèves a incité les enseignants à faire davantage produire de l’écrit en cours et pas seulement lors des évaluations.
Cette influence peut aussi avoir un effet pernicieux. Nous avons déjà fait référence aux thèmes optionnels, en général non traités faute de temps. Nous pourrions également dire que certains thèmes sont traités dans l’esprit de ce qui peut tomber et non de la manière la plus intéressante (ainsi, en géographie cette fois, la cartographie semble être « victime » des modalités du nouveau DNB).
Mais revenons à l’épreuve elle-même en éducation civique : théoriquement l’heureux mariage d’un texte officiel et d’une étude de cas doit amener les élèves à une mise en relation qui devrait prendre une forme argumentée. Or, un rapide coup d’œil sur les annales permet de constater de gros écarts : certains sujets font la part belle aux connaissances (ou aux institutions dont il nous semble que le nouveau programme ne souhaitait plus l’omniprésence), d’autres, à l’inverse, peuvent porter sur un aspect du programme traité, sans doute, en peu de temps ce qui n’est pas forcément un obstacle s’il s’agit de réfléchir autour d’une étude de cas (on pourrait, par exemple, imaginer un sujet portant sur le Conseil constitutionnel et son rôle qui soit tout à fait faisable). Pourquoi ce discours ? Tout simplement pour en arriver à une interrogation qui revient de manière lancinante et peut, en fait, se décliner en trois questions : est-il bien nécessaire de faire apprendre des pages et des pages aux élèves en éducation civique ? Ne vaut-il pas mieux leur apprendre à raisonner par rapport à une situation concrète qu’ils doivent mettre en relation avec une notion plus générale ? Certes oui, mais que font-ils s’ils tombent sur un sujet qui privilégie les connaissances ? Nous sommes dans une énième version de la tête bien faite et de la tête bien pleine. Nous souhaiterions que certains sujets évitent, par exemple avec des questions de vocabulaire hors de portée ou, à tout le moins, dont la connaissance n’est pas l’objet premier de l’éducation civique, d’inciter les enseignants à développer exagérément la quantité de connaissances à acquérir par les élèves et, au contraire, favorisent une réflexion qui va davantage dans le sens des finalités civiques de notre enseignement.
A travers tout cela revient un problème évoqué l’an passé. Faire de l’éducation civique, ce n’est pas seulement inculquer des connaissances, mais aussi s’efforcer de faire adhérer à certaines valeurs induisant certains comportements ; or, ce sont surtout des connaissances qui sont évaluées au DNB. Notre enseignement est, en 3ème , confronté à cette dualité et nous amène souvent à opter pour une voie moyenne entre formation à la citoyenneté et préparation à l’épreuve du brevet. Pour conclure, reconnaissons que c’est assurément de la 6ème à la 4ème que l’on a le plus de liberté. En tout cas, c’est dans ces classes que les collègues ont mis en œuvre l’éducation civique la plus originale.
Rappelons, enfin, qu’une enquête a été réalisée par l’inspection sur l’éducation civique au brevet dans notre Académie. Elle est sur le site académique (http://www.discip.crdp.ac-caen.fr/histgeo/)
dans la rubrique aide mémoire du professeur d’histoire-géographie. C’est l’occasion de préciser que cet aide mémoire regroupe beaucoup d’autres renseignements et, également, que le site académique propose un portail éducation civique qui ouvre sur un grand nombre de sites internet.

Une triple précision, tournant autour des horaires et de la répartition histoire-géographie-éducation civique, nous semble maintenant nécessaire.

– Les horaires et l’éventuel partage d’une classe 

L’éducation civique bénéficie d’un horaire spécifique dans l’emploi du temps. A notre connaissance, les textes officiels instituant le « partage » de l’enseignement de l’éducation civique en 6ème avec le professeur principal et le professeur de SVT (pour la responsabilité par rapport à l’environnement, par exemple) n’ont pas été modifiés. Notons seulement que dans les établissements les choses se passent, le plus souvent, de manière fort différente.
En 5ème, 4ème et 3ème , l’horaire est d’une heure par semaine. La très grande majorité des collègues opte pour des « blocs » éducation civique comme c’est le cas en histoire-géographie. Ceci dit, chacun choisit ce qui lui semble le plus adapté à sa démarche.
Pour des raisons de facilité d’emploi du temps, il arrive (plus ou moins fréquemment selon les établissements) qu’une classe soit partagée entre deux professeurs. Rappelons le souhait des collègues : pas de classe partagée. Oui mais… Cela arrive. Si donc cela doit arriver, c’est sans doute en 5ème que le mal est moindre. Il faut, en tout cas, rappeler que le B.O. fixe une règle claire : l’enseignement de l’éducation civique ne peut être attribué, en 5ème, 4ème et 3ème qu’aux enseignants d’histoire et de géographie.
C’est aussi l’occasion d’aborder le volume horaire global. Nous avions écrit dans les brochures sur l’histoire-géographie que l’horaire d’éducation civique pouvait, si on se calait sur l’horaire minimal (24h en 5ème, 25 en 4ème, 26 en 3ème), permettre de « verser » quelques heures à l’histoire-géographie à condition que ce grignotage, mesuré et raisonné, ne devienne pas une amputation sauvage. Nous n’allons pas nous contredire ici et pouvons même utiliser cette idée à propos des classes partagées. Si une classe doit vraiment l’être, il nous semble qu’il ne faut pas raisonner en termes d’horaire (1h/2h) mais en termes de découpage du programme. Si on prend l’exemple de la 5ème (encore une fois, d’après nos sondages lors des stages, c’est le cas le plus fréquent), l’enseignant qui a l’éducation civique peut très bien traiter, en concertation avec son collègue, un ou deux thèmes d’histoire ou de géographie. Pourquoi pas un des continents au programme en géographie en liaison avec la solidarité ? C’est un exemple, les points de convergences entre les trois matières ne manquent pas.
Nous avons évoqué l’horaire minimal comme base de départ. Cela nous semble le plus réaliste. Nous nous en sommes longuement expliqué dans nos productions précédentes, aussi rappellerons-nous seulement notre sempiternel « mieux vaut des choix raisonnés en début d’année, si cruels apparaissent-ils, que de terminer dans l’urgence avec des choix qui n’ont plus rien de pédagogique ».

– La nécessité de faire tout le programme.

Aïe, aïe, aïe ! Grincements de dents, sujet sensible. Outre la bonne raison de faire tout le programme que nous venons de citer (éviter les dérapages de fin d’année), rappelons que les programmes d’éducation civique sont articulés autour de notions organisées selon une progression des droits et devoirs de la personne à ceux du citoyen. A partir de ce moment, et compte tenu du fait que des notions se construisent progressivement, on voit bien le risque qu’il y a à sauter certaines étapes de cette construction. C’est également l’occasion de rappeler que « faire tout le programme » ne veut pas forcément dire faire tous les thèmes de A à Z mais signifie surtout apporter, sur l’ensemble de l’année, ce qui concourt à la construction des notions du programme.

– Education civique et itinéraires de découverte.
Elle peut tout à fait être partie intégrante d’un itinéraire de découverte au même titre que l’histoire ou la géographie. Et même, à la limite, on pourrait dans certains cas envisager un tandem histoire et/ou géographie associée(s) à de l’éducation civique. Nous avons déjà largement évoqué, l’an passé, la spécificité de l’enseignement de l’éducation civique en nous plaçant à un niveau théorique ou en réfléchissant de manière globale. Aussi nous contenterons-nous, cette année, d’un rapide balayage de certains aspects de l’éducation civique au quotidien qui ne lui sont peut-être pas toujours propres mais se rencontrent souvent dans son enseignement.

– Les élèves ont des connaissances en éducation civique, souvent plus, voire bien plus qu’en histoire ou en géographie. Cependant, ces connaissances sont souvent dispersées, mal organisées, partielles voire partiales dans certains domaines. Il nous semble donc, lorsque nous abordons certains chapitres, qu’il est particulièrement intéressant de partir des représentations des élèves. A partir de là, on peut jouer de ces représentations pour, selon les cas , les conforter, les modifier, les corriger, les réorganiser. Cette réorganisation pouvant se faire autour des grandes notions, nous y reviendrons.

– L’étude de cas est une des démarches mises en avant en éducation civique. En soi, elle ne pose pas de problème particulier et elle est d’ailleurs aussi utilisée en histoire et surtout en géographie, sinon sous cette appellation, du moins dans cet esprit. Ce qui est souvent plus difficile, c’est le passage d’une ou de plusieurs études de cas à leur articulation avec une notion. Là aussi, nous y reviendrons.
– Le débat. L’intérêt de la discussion contradictoire n’est pas propre à la seule éducation civique, cependant le « débat formalisé » est, comme l’étude de cas, mis en avant comme devant être pratiqué en cours d’éducation civique. Les discussions ont été nombreuses à ce propos, nous en ferons état plus avant.

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