Etude de l’évolution de la déformation du front d’une fissure
Quelques éléments théoriques de rupture fragile
Introduction
Cette partie se propose d’exposer les bases théoriques nécessaires à la résolution des problèmes de ruptures fragiles tridimensionnelles abordés dans cette thèse. On présente d’abord les outils classiques de la mécanique de la rupture fragile tridimensionnelle ainsi que les notations et conventions adoptées. En particulier, les Facteurs d’Intensité de Contraintes (FIC) y sont définis. On examine ensuite la version tridimensionnelle des critères de propagation que nous utiliserons plus tard. Il s’agit plus précisement du critère de Griffith sous chargement monotone et de la loi de Paris sous chargement cyclique. Ensuite, le formalisme des fonctions de poids de Bueckner-Rice sera abordé. La version bidimensionnelle de ce formalisme a été initiée par Bueckner (1970) et Rice (1972). Puis son extension tridimensionnelle est apparue pour divers cas particuliers de chargement et de géométrie chez Rice (1985, 1989) et Gao (1986, 1988). Dans cette voie, Leblond et al. (1996) ont établi la variation des FIC pour une fissure en forme de fente infinie chargée en mode 1 et Lazarus and Leblond (2002b) l’ont complétée pour les modes 2 et 3. Cette théorie donne, au premier ordre, la variation des FIC résultant d’une petite perturbation coplanaire du front de fissure, à chargement supposé constant, sous la forme d’une intégrale curviligne étendue à tout le front. Cette dernière fait apparaitre un noyau pour lequel il est également possible de donner une variation au premier ordre. Les formules concernant le mode 1 ont été fournies par Rice (1989) pour une fissure plane de forme arbitraire. La généralisation de ces formules aux modes 2 et 3 a été faite par Favier et al. (2006a).
Les Facteurs d’intensité de contraintes “FIC”
Cas d’une fissure dans un matériau homogène
ex ey ez O e1(s) e2(s) e3(s) δa(s) M(s) F Fig. 1.1 – Vue d’ensemble de la fissure Considérons une fissure plane (cf. figure 1.1) située dans le plan (O,ex,ez). On désigne par F le front de fissure orienté sur lequel on construit une abscisse curviligne s. En chaque point M(s), on construit une base locale orthonormée directe telle que : – e1(s) soit normal au front, situé dans le plan de la fissure et ayant pour sens celui de la propagation, – e2(s) ≡ ey normal au plan de la fissure, – e3(s) = e1(s) ∧ e2(s) soit tangent au front. De plus, on suppose que le milieu est en évolution quasistatique. Considérons le milieu élastique homogène et isotrope, Leblond and Torlai (1992) ont montré que les champs mécaniques, au voisinage du point M(s) du front, résultent de la superposition d’un problème de déformation plane d’une part, et d’autre part d’un problème de déformation antiplane. Si on cherche la forme asymptotique de la solution (u,σ) au voisinage de M(s), on trouve alors les relations suivantes : pour le champ de déplacement au premier ordre [[u1]] (r,s) ∼r→0+ 8 1 − ν 2 E r r 2π K2(s) [[u2]] (r,s) ∼r→0+ 8 1 − ν 2 E r r 2π K1(s) [[u3]] (r,s) ∼r→0+ 8 1 + ν 2 E r r 2π K3(s) (1.1) – pour le champ de contraintes au premier ordre σ21(r,s) ∼r→0+ K2(s) √ 2πr σ22(r,s) ∼r→0+ K1(s) √ 2πr σ23(r,s) ∼r→0+ K3(s) √ 2πr (1.2) K1(s), K2(s) et K3(s) sont les FIC au point M(s)
Cas d’une fissure semi-infinie d’interface
Considérons maintenant la fissure comprise entre deux matériaux élastiques isotropes différents. Dans ce cas, le comportement asymptotique de la solution (u,σ) d’après Hutchinson et al. (1987), vérifie : – pour le champ de déplacement au premier ordre [[uy + iux]] (r,s) ∼ 2 [(1 − ν1)/µ1 + (1 − ν2)/µ2] (1 + 2iǫ)ch(πǫ) K(s) r |r| π |r| iǫ [[uz]] (r,s) ∼ 2 1 µ1 + 1 µ2 K3(s) r |r| π (1.3) – pour le champ de contraintes au premier ordre (σyy + iσyx)(r,s) ∼ K(s)r iǫ √ 2πr σyz(r,s) ∼ K3(s) √ 2πr (1.4) Les facteurs K(s) et K3(s) introduits ci-dessus sont appelés facteurs d’intensités de contraintes (FIC) au point M(s). A noter que dans le cas de la fissure d’interface K(s) est complexe, et peut se décomposer en K1(s) + iK2(s), mais les modes 1 et 2 ne peuvent pas être découplés. 1.3 Lois de propagation Le but de cette partie est de présenter les lois de propagation qui nous seront utiles par la suite. Elles sont basées sur les FIC, donc sur l’état local des contraintes. 16 Quelques éléments théoriques de rupture fragile 1.3.1 Rupture brutale La plupart des matériaux fragiles se cassent pour un chargement critique. Pour ces matériaux, dans le cadre du mode 1, on utilise le critère d’Irwin en chaque point M(s) du front : K1 < Kc =⇒ pas de propagation K1 = Kc =⇒ propagation possible (1.5) Kc est une caractéristique physique du matériau appelée ténacité. En se basant sur un raisonnement énergétique, Griffith (1920) a proposé le critère suivant : G(s) < Gc =⇒ pas de propagation G(s) = Gc =⇒ propagation possible (1.6) où G est le taux de restitution d’énergie. Il s’exprime en fonction des FIC grâce à la formule d’Irwin : G(s) = 1 + ν E (1 − ν)
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