Étude des huiles essentielles d’espèces végétales de la flore laurentienne

Les huiles essentielles ont, à toutes époques, occupé une place importante dans la vie quotidienne des hommes qui les utilisaient autant pour se parfumer, aromatiser la nourriture ou même se soigner. La connaissance des huiles essentielles remonte à fort longtemps puisque l’homme préhistorique pratiquait déjà, à sa manière, l’extraction des principes odorants des plantes. Il plongeait, dans un même récipient rempli d’eau, des plantes odorantes et des pierres brûlantes. La vapeur dégagée entraînait les molécules volatiles, puis le tout était recueilli à S’aide d’une peau d’animal dont l’essorage donnait quelques gouttes d’huile essentielle [Robert, 2000]. Au fil des siècles, l’extraction et l’usage des principes odorants des plantes sont développés, notamment par les civilisations arabe et égyptienne, qui leurs attribuent avant tout un usage religieux [Sell, 2006]. Puis progressivement, Ses huiles essentielles se font connaître pour leurs vertus thérapeutiques et deviennent alors des remèdes courants des médecines traditionnelles. En guise d’exemple, à l’époque des grandes épidémies dans la Grèce Antique, les principes odorants de certaines plantes aromatiques étaient répandus par fumigation dans les rues des villes pour combattre la propagation des maladies infectieuses. La fumigation des personnes malades est en effet l’une des plus anciennes techniques thérapeutiques [Buchbauer et al., 1993]. Plus tard en France, il a été remarqué que les ouvriers parfumeurs et tanneurs, qui étaient en contact quotidiennement avec des huiles essentielles, résistaient de manière quasi-absolue aux épidémies de toutes sortes [Vanier, 1994],

De nos jours, la médecine moderne utilise les vertus thérapeutiques des huiles essentielles et de leurs constituants. En effet, de nombreux composés volatils sont aujourd’hui des ingrédients courants des préparations pharmaceutiques. Le thymol, par exemple, est employé en soins dentaires pour ses propriétés antiseptiques ou encore l’eugénol pour ses propriétés analgésiques [Pauli, 2001]. Pour tenter de trouver de nouveaux remèdes aux fléaux actuels, la communauté scientifique s’est récemment tournée vers les constituants des huiles essentielles, car un nombre non négligeable de composés volatils, tels que tes sesquiterpènes, ont montré des activités pharmacologiques remarquables contre les maladies comme le cancer [Modzelewska et al., 2005]. Les huiles essentielles constituent donc une source intéressante de nouveaux composés dans la recherche de molécules bioactives .

Lors du processus d’extraction des huiles essentielles par hydrodistillation, un sous produit se forme à partir de l’eau ayant servi à l’entraînement des composés volatils. Cette eau, appelée hydrolat, contient en faible quantité des molécules odorantes de la plante ainsi que des composés plus polaires non retrouvés dans l’huile essentielle. Les hydroîats sont considérés la plupart du temps comme un déchet de l’hydrodistillation. Pourtant, certains hydroîats de plantes possèdent des propriétés thérapeutiques intéressantes et bien souvent différentes de celles de l’huile essentielle correspondante [Catty, 2001; Price et al., 2004]. L’hydrolat de Hamamelis virginiana, par exemple, est un composant fréquent des produits dermatologiques en raison de ses propriétés désinfectantes et astringentes [Bremness, 1996]. Malgré cela, la communauté scientifique ne s’y intéresse que très peu. La composition chimique et les propriétés biologiques des hydrolats constituent donc un sujet de recherche qui reste à explorer .

En Amérique du Nord, les peuples ancestraux savaient bien utiliser les ressources offertes par la forêt boréale comme remèdes pour se soigner. C’est en se basant sur le savoir acquis au fil des siècles par les amérindiens que les professeurs André Pichette et Jean Legault, du laboratoire d’analyse et de séparation des essences végétales {LASEVE) de l’Université du Québec à Chicoutimi ont découvert en 2003 un nouvel agent anticancéreux: l’a-humulène, un sesquiterpène présent dans l’huile essentielle û’Ables balsamea [Legault et al., 2003]. Suite à cette découverte, le laboratoire LASEVE a consacré une grande partie de ses efforts à l’étude du potentiel pharmaceutique contenu dans la biomasse de la forêt boréale, d’autant plus que cette pharmacopée n’a fait l’objet que de peu d’études dans ce domaine. Ainsi, le potentiel thérapeutique des huiles essentielles issues de plantes de la forêt boréale reste à explorer.

C’est dans cette optique que se situe ce projet de maîtrise dont les objectifs principaux peuvent se résumer ainsi:
– Extraire les huiles essentielles d’un grand nombre de plantes de la flore laurentienne et déterminer leur composition chimique;
– Évaluer, in vitro, les activités pharmacologiques (anticancéreuse, antifongique, antioxydante, anti-inflammatoire et antibactérîenne);
– Identifier le ou les composés responsables de l’activité globale de l’huile essentielle;
– Synthétiser des dérivés du composé actif en vue d’améliorer son efficacité thérapeutique.

La technique d’extraction des huiles essentielles utilisant l’entraînement des substances aromatiques grâce à la vapeur d’eau est de loin la plus utilisée à l’heure actuelle. La méthode est basée sur l’existence d’un azeotrope de température d’ébullition inférieure aux points d’ébullition des deux composés, l’huile essentielle et l’eau, pris séparément. Ainsi, les composés volatils et l’eau distillent simultanément à une température inférieure à 100 °C sous pression atmosphérique normale. En conséquence, les produits aromatiques sont entraînés par Sa vapeur d’eau sans subir d’altérations majeures [Franchomme et al., 1990]. Il existe précisément trois différents procédés utilisant ce principe: l’hydrodistillation, l’hydrodiffusion et l’entraînement à la vapeur d’eau. Beaucoup de confusions régnent autour de l’utilisation de ces trois termes. Quelques éclaircissements s’imposent donc.

Tout d’abord, l’hydrodistillation (water distillation). Il s’agit de la méthode la plus simple et de ce fait la plus anciennement utilisée. Le matériel végétal est immergé directement dans un alambic rempli d’eau placé sur une source de chaleur. Le tout est ensuite porté à ebullition. Les vapeurs hétérogènes sont condensées dans un réfrigérant et S’huile essentielle se sépare de l’hydrolat par simple différence de densité. L’huile essentielle étant plus légère que l’eau (sauf quelques rares exceptions), elle surnage au-dessus de l’hydrolat.

Ensuite, la distillation par entraînement à la vapeur d’eau (steam distillation). Dans ce type de distillation, le matériel végétal ne macère pas directement dans l’eau. Il est placé sur une grille perforée au travers de laquelle passe la vapeur d’eau .

La vapeur endommage la structure des cellules végétales et libère ainsi les molécules volatiles qui sont ensuite entraînées vers le réfrigérant. Cette méthode apporte une amélioration de la qualité de l’huile essentielle en minimisant les altérations hydrolytiques: le matériel végétal ne baignant pas directement dans l’eau bouillante [Franchomme et al., 1990].

Enfin, la troisième technique est l’hydrodiffusion. Cette technique relativement récente est particulière. Elle consiste à faire passer, du haut vers le bas (per descendum) et à pression réduite, la vapeur d’eau au travers de la matrice végétale. L’avantage de cette méthode est d’être plus rapide donc moins dommageable pour les composés volatils. Cependant, l’huile essentielle obtenue avec ce procédé contient des composés non volatils ce qui lui vaut une appellation spéciale: «essence de percolation » [Franchomme et al., 1990 ; Richard, 1992].

Table des matières

CHAPITRE 1. INTRODUCTION
CHAPITRE 2, LES HUILES ESSENTIELLES
2.1. Les procédés d’extraction
2.1.1. La distillation
2.1.2. Extraction par micro-ondes
2.1.3. Extraction par solvants et par les graisses
2.1.4. Extraction au CO2 supercritique
2.2. Composition
2.2.1. Les composés volatils des huiles essentielles
2.2.2. Les chémotypes
2.2.3. Les facteurs influençant la composition
2.3. Les activités biologiques et pharmacologiques
2.3.1. La toxicité des huiles essentielles
2.3.2. Activités biologiques
2.3.3. Activités pharmacologiques
CHAPITRE 3. LES HYDROLATS
3.1. Considérations générales
3.2. Composition
3.3. Activités biologiques et pharmacologiques
3.3.1. Activité antibactérienne
3.3.2. Activité antifongique
3.3.3. Activité pharmacologique
3.4. Conclusion
CHAPITRE 4. SESQUITERPÈNES ET GLYCOSIDES DE VOLATILS ANTiCANCÉREUX : LE CAS DE L’cx-BISABOLQL
4.1. L’a-bisabolol
4.2. La barrière hémato-encéphalique
4.3. Les composés volatiis glycosidés
4.4. Synthèse des glycosides de volatils
4.5. Potentiel pharmacologique des glycosides de volatils
CHAPITRE 5. ARTICLE: « CHEMICAL COMPOSITION AND ANTICANCER ACTIVITY OF ESSENTIAL OIL FROM POPULUS BALSAMIFERA BUDS »
CHAPITRE 6. ARTICLE: « EFFICIENT SYNTHESIS AND CYTOTOXIC EVALUATION OF NATURAL
a-BISABOLOL p-D-FUCOPYRANOSIDE AND ANALOGUES »
CHAPITRE 7. CONCLUSION

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