Etudes chimique et biologique d’une plante médicinale malgache

Une plante médicinale est une plante utilisée pour ses propriétés particulières bénéfiques pour la santé humaine et animale. Selon Farnsworth, (1986), elle est définie comme une drogue végétale dont au moins une partie possède des propriétés médicamenteuses.

L’emploi des plantes dans un dessein thérapeutique remonte à la plus haute antiquité et concerne un grand nombre de civilisations. Il est né plus de 5000 ans avant Jésus Christ en Inde et s’est propagé en même temps que le bouddhisme dans toute l’Asie. A cette époque, les maîtres spirituels de l’Inde transmettaient oralement la science médicinale des plantes. Le premier texte connu sur les vertus médicinales des plantes n’a été gravé que 2000 ans plus tard sur des tablettes d’argile par les Sumériens, en basse (Sud) Mésopotamie. En Chine, dès le 1er siècle, 250 plantes médicinales étaient cataloguées suivant leurs lieux de production, leur mode de préparation et leur action sur un organe précis. A cette époque en Occident, le médecin grec Hippocrate avait déjà posé (au 1er siècle avant J.C) les grands principes curatifs de plus de 200 variétés de plantes actives sur la beauté et la santé des femmes. En Afrique, l’usage thérapeutique des plantes médicinales remonte aux temps les plus reculés. Un des plus anciens textes médicaux conservés datant de quinze siècles avant Jésus Christ, recense plus de 870 prescriptions et préparations et 700 plantes médicinales [encyclopédie des plantes médicinales, 2001].

LES PLANTES MEDICINALES A MADAGASCAR

Madagascar dispose d’une biodiversité végétale remarquable comprenant environ 14.000 espèces avec un taux d’endémisme élevé de 80 % [Direction des eaux et forêts, 1996].

Dès l’époque protohistorique « Fahagola », les plantes occupent une place importante dans la médecine traditionnelle malgache [http : //www.antsanitia.com /mandravasarotra /medecine_plante.htm]. Plusieurs recettes étaient connues sous forme écrite, le premier document datant de 1658 [Flacourt, 1658].

Au début de la colonisation (vers 1896), Madagascar est l’un des pays tropicaux choisi par les expéditions coloniales françaises, les médecins et les pharmaciens pour fournir des matières premières végétales à la métropole. L’objectif était d’assurer le développement de la recherche pharmaceutique française pour la production de nouveaux médicaments [Debray et al., 1966]. En plus, grâce à l’inventaire des pharmacopées traditionnelles réalisé par Debray en 1966 et aux études pharmacologiques sur l’île, des médicaments efficaces étaient mis au point et utilisés, particulièrement pendant la guerre de 1939-45 durant laquelle le ravitaillement sanitaire était interrompu. Citons entre autres, Centella asiatica (talapetraka), utilisé pour ces propriétés cicatrisantes, Hirtella hildebrandii (voatamenaka), dont l’extrait de graine était employé contre les vers intestinaux.

D’après la banque de données informatisées de l’IMRA plus de 6 000 plantes font actuellement l’objet d’utilisations médicales à Madagascar. A titre d’illustration, on peut citer :
• Vanilla madagascariensis, Cedrelopsis grevei, et Neobeguea sp. utilisées dans le sud de Madagascar pour traiter l’impuissance [Pernet et Meyer, 1957].
• Urena lobata L., en usage interne, l’écorce et les racines de cette plante sont utilisées pour traiter le maux de ventre, et stopper les diarrhées des enfants; en usage externe, les feuilles sont employées pour atténuer les douleurs articulaires et traiter les plaies. Cette espèce est très utilisée dans le Nord de l’île [Rivière et al., 2005]
• Desmodium velutinum, est utilisé dans la région d’Alaotra pour le traitement des plaies [Rabesa, 1986].

Dans la plupart des villages, on trouve des personnes qui possèdent certaines connaissances ou qui sont censées posséder des pouvoirs de guérison, à base de matières naturelles et notamment de plantes. Elles sont connues pour avoir la faculté d’entrer en contact avec les ancêtres qui leur dictent les méthodes à employer pour guérir telle ou telle maladie ou manifestation clinique. Ces personnes sont appelées « Ombiasy », « Olona be hasina » (personnes aux grandes vertus). Cependant, les ombiasy, ont un diagnostic des maladies assez imprécis, leurs médications sont symptomatiques et ils utilisent surtout la dérivation des humeurs en utilisant des drogues diurétiques, laxatives, purgatives, vomitives. Bien que la médecine occidentale soit admise dans tous les milieux et considérée comme la seule officielle, la médecine traditionnelle est toujours pratiquée, notamment en milieu rural où vivent plus de 80% de la population. En effet, le coût de la médecine moderne n’est pas à la portée de la majorité de la population et ses services ne sont donc accessibles que par ceux qui en ont les moyens. Par ailleurs, en termes de santé, les Malgaches gardent leurs comportements traditionnels et les influences sur les utilisations traditionnelles des plantes médicinales sont enracinées dans leur vie [Ministère de la Santé et du Planning Familial, 2005].

La médecine traditionnelle malgache jouit d’une bonne réputation dans le monde scientifique, notamment depuis la reconnaissance de l’efficacité de la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus) dans le traitement de la leucémie et de ses nombreuses autres vertus thérapeutiques [http://www.priori.ch/f_berichte/default2.htm].

LES PLANTES MEDICINALES ET LES MALADIES INFECTIEUSES A MADAGASCAR

A Madagascar, 81% des décès néonatals sont d’origine infectieuse [Andriamady et al., 1999]. Les données statistiques sanitaires auprès des 11 postes sentinelles de surveillance épidémiologique des maladies transmissibles, répartis sur l’ensemble du territoire national Malgache montrent que la cause de morbidité des malgaches est due aux maladies infectieuses (12,5%) après le paludisme (30 à 40 %) [Ratsimbason, 2002; Rivière et al., 2005].Ces données sont en accord avec le rapport de l’O.M.S. sur la santé dans le monde (1997) selon lequel les maladies infectieuses et parasitaires font partie du groupe de maladies le plus meurtrier dans les pays pauvres.

L’utilisation des antibiotiques de synthèse n’est pas à la portée des bourses des ménages malgaches [Rasamoelisoa et al., 1999]. Les patients malgaches se tournent vers les plantes anti-infectieuses. Citons par exemple :
• Cinnamosma fragrans (Cannelaceae) ou Mandravasarotra. Elle est couramment utilisée dans le Nord –Ouest de Madagascar pour traiter des plaies et des abcès. Elle a un effet anti-infectieux puissant sur Staphylococcus aureus, Candida albicans, Escherichia coli, Salmonella typhi, Neissseria gonorrhoeae, Gardnerella vaginalis, Listeria sp, Streptococcus sp, Shigellasp, Pasteurella sp [Randrianarivelo et al., 2009].
• Helichrysum gymnocephalum (Asteraceae) ou Rambiazina dont les feuilles broyées sont employées sur les hauts plateaux pour leurs propriétés antiseptiques et désinfectantes [Boîteau, 1986].
• Buddleja madagascariensis (Buddlejacées) ou Seva est un excellent désinfectant et antibiotique naturel [Boîteau, 1986].

Bien que l’utilisation des plantes en médecine traditionnelle soit importante à Madagascar, nombreuses sont les plantes qui n’ont pas encore fait l’objet d’étude. On peut citer parmi tant d’autres, Dilobeia thouarsii Roemer and Schulte (Proteaceae), qui constitue le matériel de la présente étude. Elle est réputée pour ses effets anti-infectieux. Comme nous l’avions déjà signalé plus haut, cette plante n’a pas encore été étudiée ni sur le plan chimique, ni sur le plan pharmacologique. Par ailleurs, elle est bien connue et relativement abondante dans la région de Mandraka où nous avions mené nos enquêtes et effectué nos récoltes.

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Chapitre 1: ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1. Les plantes médicinales à Madagascar
1.2. Les plantes médicinales et les maladies infectieuses à Madagascar
1.3. Données sur la famille des Proteaceae
1.3.1. Historique
1.3.2. Généralités sur la famille
1.3.3. Description botanique
1.3.4. Données ethnopharmacologiques et ethnobotaniques
1.3.4.1. Utilisations des Proteaceae dans le monde
1.3.4.2. Intérêts économiques
1.3.4.3. Utilisation traditionnelle à Madagascar
1.3.5. Travaux phytochimiques et pharmacologiques antérieurs sur les Proteaceae
1.3.5.1. Etudes phytochimiques antérieures
1.3.5.1.1. Biosynthèse des molécules phénoliques
a) voie de l’acide shikimique
b) Voie des phénylpropanoides
c) Les flavonoïdes
c.1. Les flavonols
c.2. Les flavanonols
d) Autres composés phénoliques chez les Proteaceae
1.3.5.1.2. Les naphtoquinones
1.3.5.1.3. Les alcaloïdes
1.3.5.2. Etudes pharmacologiques
1.3.5.2.1. Propriétés antimicrobiennes
a) Activités antibactériennes
b) Activités antifongiques
1.3.5.2.2. Activités cytotoxiques
1.3.5.2.3. Activités antioxydantes
1.3.5.2.4. Activités antiparasitaires
1.3.5.2.5 Activités anti-inflammatoires
1.4. Données sur le genre Dilobeia et l’espèce thouarsii Roem. & Schult
1.4.1. Enquêtes ethnobotaniques
1.4.2. Intérêts économiques
1.4.3. Classification botanique
1.4.4. Description botanique
1.4.5. Distribution géographique
Chapitre 2: MATERIELS ET METHODES
2.1. COLLECTE ET PREPARATION DU MATERIEL VEGETAL
2.2. MATERIELS ET METHODES UTILISES POUR L’ETUDE CHIMIQUE
2.2.1. Criblages chimiques
2.2.1.1. Caractérisation des saponosides
2.2.1.2. Caractérisation des alcaloïdes
2.2.1.3. Caractérisation des flavonoïdes et des leucoanthocyanes
2.2.1.3.1. Flavonoïdes
2.2.1.3.2. Leucoanthocyanes
2.2.1.4. Caractérisation des tanins et polyphénols
2.2.1.5. Caractérisation des stéroïdes et triterpènes
2.2.1.6. Caractérisation des hétérosides
2.2.1.7. Caractérisation des anthraquinones
2.2.1.8. Caractérisation des désoxyoses
2.2.1.9. Caractérisation des iridoïdes
2.2.2. Chimie extractive
2.2.2.1. Chromatographie analytique
2.2.2.1.1. Chromatographie sur couche mince (CCM)
2.2.2.2. Chromatographie préparative
2.2.2.2.1. Chromatographie sur colonne ouverte à basse pression
a) Chromatographie d’adsorption
b) Chromatographie d’exclusion
2.2.2.2.2 Chromatographie liquide à moyenne pression (MPLC)
2.2.3. Chimie analytique et structurale
2.2.3.1. Activité optique
2.2.3.2. Spectrométrie de Masse (SM)
2.2.3.3. Spectrométrie de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN)
2.2.4. Extraction, fractionnement et purification
2.2.4.1. Extractions
2.2.4.1.1 Extraction à chaud au soxhlet
2.2.4.1.2. Extraction à froid par lixiviation
2.2.4.2. Fractionnement et purification
2.3. MATERIELS ET METHODES UTILISES POUR L’ETUDE BIOLOGIQUE…
2.3.1. Test antibactérien préliminaire
2.3.2. Détermination des activités antibactériennes et antifongiques
2.3.2.1. Spectre d’activité antibactérienne
2.3.2.1.1 Détermination de la Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) et de la Concentration Minimale Bactéricide (CMB)
2.3.2.2. Activités antifongiques
2.3.3. Evaluation de l’activité anti-oxydante
2.3.3.1. Dosage des polyphénols totaux
2.3.3.2. Mesure de l’activité antioxydante par la méthode de DPPH
2.3.4. Evaluation de l’activité cytotoxique
2.3.4.1. Lignée cellulaire
2.3.4.2 Préparation du milieu de culture
2.3.4.2.1. Le Sérum de Bovin Fœtal
2.3.4.2.2. Le β-mercaptoéthanol
2.3.4.2.3. Le milieu de culture
2.3.4.3. Préparation de différents réactifs
2.3.4.3.1. Le Rouge Neutre
2.3.4.3.2. Le Lauryl Sulfate
2.3.4.4. Mise en culture des cellules P388
2.3.4.4.1. Numération cellulaire: Principe de comptage
2.3.4.5. Tests de cytotoxicité
2.3.4.5.1. Préparation des solutions mères d’extraits bruts et des produits isolés
2.3.4.5.2. Préparation des solutions filles d’extraits bruts et des produits isolés
2.3.4.5.3. Criblage préliminaire
2.3.4.5.4. Évaluation de la viabilité cellulaire
2.3.4.5.5. Détermination de la Concentration Inhibitrice à 50%
2.3.4.5.6 Expression des résultats
2.3.5. Activite antiplasmodiale in vitro
Chapitre 3 : ETUDES PRELIMINAIRES
3.1. Introduction
3.1.1. Choix de la période de récolte
3.1.2. Choix de la partie de plante et l’extrait à étudier
3.1.3. Criblage phytochimique
3.2. Conclusion
Chapitre 4 : ETUDE CHIMIQUE DE L’EXTRAIT ACETATE D’ETHYLE DE FEUILLE DE Dilobeia thouarsii
4.1 Extractions
4.2 Investigations phytochimiques sur l’extrait AcOEt de feuille de Dilobeia thouarsii
4.2.1. Purification et isolement des constituants de l’extrait AcOEt obtenu au soxhlet
4.2.2. Détermination structurale des composés P1 et P2
4.2.2.1 Structure du composé P1: 4- aminophénol
4.2.2.2 Structure du composé P2: 4-hydroxybenzaldéhyde
4.2.3. Purification et isolement des constituants de l’extrait AcOEt obtenu par lixiviation
4.2.4. Détermination structurale des composés P3 à P9
4.2.4.1. Diprényl-dihydroquercetols
4.2.4.1.1. Structure du composé P3: Dilobenol A
4.2.4.1.2. Structure du composé P6: Dilobenol C
4.2.4.1.3. Structure du composé P7: Dilobenol F
4.2.4.1.4. Structure du composé P8: Dilobenol E
4.2.4.2. Diprényl-dihydrokaempférols
4.2.4.2.1. Structure du composé P5: Dilobenol D
4.2.4.2.2. Structure du composé P9: Dilobenol G
4.2.4.2.3. Structure du composé P4: Dilobenol B
Chapitre 5 : ETUDE BIOLOGIQUE DES EXTRAITS DE FEUILLE,D’ECORCE ET DES COMPOSES ISOLES
5.1. Etude des propriétés biologiques des extraits bruts
5.1.1. Evaluation des activités antioxydantes
5.1.1.1 Dosage des polyphénols totaux
5.1.1.2. Activités antioxydantes
5.1.2. Evaluation des activités cytotoxiques
5.2. Etude des propriétés biologiques des composés isolés
5.2.1. Activités antimicrobiennes
5.2.1.1. Activités antibactériennes
5.2.1.2. Activités antifongiques
5.2.2. Activités cytotoxiques de P1 et P2
5.2.3. Activités antiplasmodiales in vitro
DISCUSSION
CONCLUSION GENERALE

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