Évaluation de la méthylation des récepteurs de l’interleukine 1 et de l’interleukine 33 dans l’asthme et l’allergie

Description et prévalence

L’asthme est une maladie respiratoire chronique qui cause une oppression de la cage thoracique et provoque des sifflements, une respiration difficile et des épisodes de toux en raison d’une inflammation et d’un remodelage des voies respiratoires (Ganong 2005; Holgate 2011). Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé, plus de 235 millions d’individus souffraient d’asthme en 2013 (OMS 2013). Statistique Canada estimait à environ 8% le nombre d’individus ayant été diagnostiqués asthmatiques avant ou pendant l’année 2013 (Statistique Canada 2014). Ce nombre réducteur ne tient compte que des individus âgés de plus de 12 ans diagnostiqués par un clinicien (Chen 2005). En 2007, le « Global Burden of Asthma » rapportait que 14,1% des canadiens avait déjà reçu un diagnostique d’asthme au cours de leur vie (Masoli et al. 2004). Cela plaçait alors le Canada au 10e rang sur les 100 pays ayant la prévalence d’asthme la plus élevée (Masoli et al. 2004). De plus, cette prévalence est susceptible d’augmenter d’environ 20% au Canada au cours des deux prochaines décades, tous âges et sexes confondus (Masoli et al. 2004). Bien que cette prédiction englobe tous les canadiens, des études ont démontré que la prévalence et la sévérité de l’asthme variaient en fonction de l’âge et du sexe des individus. Lors de l’enfance, les garçons auraient plus de risques de développer la pathologie que les filles et exprimeraient des phénotypes plus sévères d’asthme. Lors de l’adolescence, la tendance serait inversée puisque les jeunes femmes seraient plus prédisposées à développer de l’asthme que les jeunes hommes (Bjornson et Mitchell 2000; Meurer et al. 2000). Or, à l’âge adulte, certains chercheurs prétendent que la prévalence entre les hommes et les femmes deviendrait relativement égale, alors que d’autres sous-entendent que les femmes seraient plus à risque (Chen et al. 2003).

L’asthme est une maladie dont les taux de mortalité et de morbidité sont élevés (Subbarao et al. 2009). Elle affecte considérablement la qualité de vie des individus atteints (Ahmed et al. 2014). Au Canada, les crises d’asthme causent plus de 146000 hospitalisations annuellement (Ismaila et al. 2013). Il s’agit donc de la première cause d’admission dans les hôpitaux chez la population en générale, de même que chez les enfants (Ismaila et al. 2013). Au Canada, les coûts directs reliés aux soins hospitaliers dans un contexte d’asthme varient entre 400$ et 700$ par patient (Ismaila et al. 2013). Les visites aux urgences des enfants pour des symptômes reliés à l’asthme totalisent 275 millions par an au Canada et il est estimé que chaque visite coûte en moyenne 1000$ (Sears 2015). Ces coûts sont généralement dus à un mauvais contrôle de la maladie. Toujours au Canada, plus de 50% des individus souffrant d’asthme ne contrôlent pas adéquatement la maladie et il y avait plus de 300 décès évitables causés par l’asthme l’an dernier au Canada (Sears 2015). Ce mauvais contrôle peut être dû à deux facteur : 1-les gens ne respectent généralement pas les doses et les fréquences des traitements (mauvaise adhésion au traitement ou observance thérapeutique) et; 2-le traitement ne suffit pas à diminuer les symptômes (patients non-répondants à la médication) (Szefler 2015). Bien qu’il n’existe aucun remède pour l’asthme, les symptômes peuvent être atténués par le biais de divers traitements, incluant des bronchodilatateurs et des anti-inflammatoires (Bousquet et al. 2010). Or, le contrôle de l’asthme sévère est plus difficile et la communauté scientifique cherche encore à comprendre les causes du moins bon fonctionnement des traitements (Darveaux et Busse 2015). Ainsi, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans la pathologie pourrait permettre d’améliorer la qualité des traitements, voir même de développer de meilleures thérapies.

Physiopathologie
Le système immunitaire constitue la défense naturelle contre les pathogènes. Lorsqu’une infection passe la barrière physique, le corps réagit en deux étapes successives soit par l’immunité innée, qui intervient dans les douze premières heures de l’infection, et par l’immunité acquise ou adaptative, qui peut perdurer jusqu’à plusieurs jours après l’introduction du pathogène (Chapel 2004). L’immunité acquise implique l’action de plusieurs cellules immunitaires circulantes appelées leucocytes, dont les lymphocytes B et T. L’immunité acquise peut se diviser en deux types de réponse, soit cellulaire ou humorale (Roitt 2007). Les anticorps sont produits lors de la réponse humorale par les lymphocytes B. Ils servent à cibler les corps étrangers. La réponse cellulaire met en jeu plusieurs cellules clés dont les lymphocytes T effecteurs CD8+ qui sont responsables de détruire les pathogènes (Roitt 2007). Les lymphocytes T auxiliaires CD4+ (TH) sont également impliqués dans ce type de réponse, notamment en aidant les autres types cellulaires à accomplir leurs fonctions immunitaires (Kaisho 2013). Les lymphocytes T CD4+ naïfs sont aussi appelés TH0 puisqu’ils peuvent se spécialiser. Leur spécialisation déterminera les médiateurs chimiques qu’ils pourront sécréter (Pillai et Calhoun 2014). Les phases précoce et tardive de l’inflammation seront décrites ultérieurement et les principaux acteurs de ces processus seront détaillés.

La symptomatologie de l’asthme s’explique par des mécanismes clés dont l’inflammation, le remodelage des voies respiratoires et l’hyperréactivité bronchique (Calhoun 2014). Or, l’activation de ces mécanismes nécessite un stimulus (Roitt 2007). Dans le présent mémoire, les allergènes représentent la source de stimulus puisqu’il s’agit de cohortes d’asthmatiques allergiques. Comme le développement de l’asthme allergique passe par un continuum allergie-asthme, il est nécessaire de préciser dans un premier temps comment se produit la sensibilisation aux allergènes. Le processus de réactions allergiques s’explique par les phases de sensibilisation et de réexposition  (Bauer et al. 2015). La réponse allergique débute par l’entrée d’allergènes, des molécules inertes perçues à tort comme des pathogènes par le système immunitaire (Kim et al. 2014). Les allergènes ayant passé la barrière épithéliale sont d’abord internalisés par les cellules dendritiques (Kitamura et al. 2007). Ils sont ensuite dégradés en peptides dans le phagolysosome et présentés aux TH0 par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II (Riese et Chapman 2000). Les TH0 permettent de reconnaître ultérieurement les peptides allergéniques et se spécialisent en TH2 provoquant un débalancement TH1/TH2 (Kool et al. 2012). Cette voie est caractérisée par la libération de glycoprotéines qui induisent l’inflammation (Hammad et Lambrecht 2006; Ray et al. 2010). Ces étapes seront décrites ultérieurement.

Phase précoce de l’inflammation
La phase précoce ou phase aigüe de l’inflammation est la première réponse immunitaire suite à l’exposition aux stimuli inhalés. Elle se caractérise par un bronchospasme, qui est engendré entre autres par l’activation des cellules épithéliales des voies respiratoires et des mastocytes qui sont déjà localisés au site de la réaction (Murdoch et Lloyd 2010). Les mastocytes activés libèrent des médiateurs chimiques incluant l’histamine, la prostaglandine et les leucotriènes. Cette triade de médiateurs provoque ensuite une augmentation de la vascularité des poumons et permettront ainsi une infiltration des médiateurs de la phase tardive de réponse immunitaire (Hall et Agrawal 2014).

Épithélium bronchique
La communauté scientifique a longtemps pensé que le rôle des cellules épithéliales des voies respiratoires dans le processus de réponse inflammatoire se limitait à la constitution d’une barrière physique de défense contre les pathogènes et les allergènes. Or, il est aujourd’hui connu que les fonctions immunitaires épithéliales permettent la libération de médiateurs pro-inflammatoires par le biais de récepteurs antigènes-épithélium (Lloyd et Saglani 2015). Les médiateurs impliqués dans la réponse inflammatoire précoce compte entre autres les cytokines thymic stromal lymphopoietin (TSLP), l’interleukine (IL)-25 et l’IL-33 (Ziegler 2012). Ces cytokines interagissent avec plusieurs cellules immunitaires incluant les cellules dendritiques, les lymphocytes T, les éosinophiles, les mastocytes et les cellules musculaires des voies respiratoires (West et al. 2012). Les rôles de ces cytokines dérivées des cellules épithéliales dans l’inflammation se résument à accroître la réponse TH2,  activer les macrophages et supprimer la tolérance aux antigènes dans les poumons (Hall et Agrawal 2014). Les cellules épithéliales des voies respiratoires sont également aptes à libérer les protéines du surfactant (Hall et Agrawal 2014). Ces protéines hydrophiles tapissent les voies respiratoires pour produire une barrière physique supplémentaire contre les pathogènes et les allergènes (Kishore et al. 2006). L’épithélium bronchique peut également sécréter de l’activine A, qui appartient à la famille des facteurs de croissance (Hall et Agrawal 2014), laquelle est impliquée dans le développement et la réparation tissulaire. Elle est également impliquée dans la régulation de divers éléments de l’inflammation, mais les résultats de diverses recherches réalisées ne suffisent pas actuellement à déterminer si ce médiateur chimique agit comme une molécule pro- ou anti-inflammatoire (Karagiannidis et al. 2006; Semitekolou et al. 2009; Hall et Agrawal 2014).

Table des matières

CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS
1.1. Asthme
1.1.1. Description et prévalence
1.1.2. Physiopathologie
1.1.3. Phénotypes
1.2. Composante génétique de l’asthme
1.2.1. Superfamille de l’interleukine 1
1.2.2. Interleukine 1 et ses récepteurs
1.2.2.1. Récepteur de type 1 de l’interleukine 1
1.2.2.2. Récepteur de type 2 de l’interleukine 1
1.2.3. Interleukine 33
1.3. Composante environnementale de l’asthme
1.3.1. Épigénétique
1.3.2. Méthylation de l’ADN
1.3.3. Facteurs intrinsèques
1.3.4. Facteurs extrinsèques
1.4. Problématique et hypothèses
CHAPITRE 2 – SIGNATURE DE MÉTHYLATION DE L’ADN DES RÉCEPTEURS DE L’INTERLEUKINE 1 DANS L’ASTHME ET L’ALLERGIE / DNA METHYLATION SIGNATURE OF INTERLEUKIN 1 RECEPTORS IN ASTHMA AND ATOPY
2.1. Avant-propos
2.2. Résumé
2.3. Abstract
2.4. Introduction
2.5. Clinical characteristics and methods
2.6. Results
2.7. Discussion
2.8. Conclusions
2.9. Acknowledgements
2.10. References
CHAPITRE 3 – SIGNATURE DE MÉTHYLATION DU GÈNE DE L’INTERLEUKINE 33 DANS DES CELLULES ÉPITHÉLIALES BRONCHIQUES D’INDIVIDUS ASTHMATIQUES / ASTHMA-INDUCED REGULATION OF IL33 GENE EXPRESSION BY DNA METHYLATION IN AIRWAY EPITHELIUM
3.1. Avant-propos
3.2. Résumé
3.3. Capsule summary
3.4. Introduction
3.5. Results
3.6. Discussion
3.7. Conclusions
3.8. Disclosure of potential conflict of interest
3.9. References
3.10. Appendix – Methods
3.10.1. Bronchial epithelial cell lines (BECs)
3.10.2. DNA methylation level measure
3.10.3. Expression study
3.10.4. Statistical analyses
3.10.5. Identification of potential binding motifs
3.10.6. References
CHAPITRE 4 – DISCUSSION
4.1. Association épigénétique entre les récepteurs de type 1 et 2 de l’interleukine 1 et l’asthme
4.1.1. Discordance entre les résultats d’expression du récepteur 2 de l’interleukine 1 obtenus et ceux rapportés dans la littérature scientifique
4.1.2. Signature de méthylation pour le récepteur de type 2 de l’interleukine 1 dans l’asthme et le lupus systémique érythémateux, deux pathologies à composantes inflammatoire
4.2. Association épigénétique entre l’interleukine 33 et l’asthme
4.3. Limites de l’étude
4.3.1. Choix des modèles cellulaires
4.3.2. Intégration de la composante environnementale
CHAPITRE 5 – CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *