EVOLUTION DU RAPPORT AU SAVOIR DANS LE CADRE D’UNE MULTIREFERENTIALITE DES SAVOIRS

EVOLUTION DU RAPPORT AU SAVOIR DANS LE CADRE D’UNE MULTIREFERENTIALITE DES SAVOIRS

QU’EST CE QUE LE RAPPORT PERSONNEL AUX SAVOIRS ?

Si le concept de rapport aux savoirs peut être abordé selon différents points de vue, Chevallard, en 2003, dans une approche anthropologique, définit trois notions fondamentales : objet, institution et personne. Est objet « toute entité matérielle ou immatérielle, qui existe pour au moins un individu » (Chevallard, 2003, p. 81). Tout est donc objet (au sens d’objet de 140 connaissance) y compris une personne. Pour définir la notion d’institution, Chevallard se réfère aux travaux de Douglas. Pour cette anthropologue, une institution est : « Un groupement social légitimé. L’institution en question peut être une famille, un jeu ou une cérémonie ; l’autorité légitimante peut venir d’une personne, un père, un docteur, un juge, un arbitre ou un maître d’hôtel ou bien de façon plus diffuse, se fonder sur un consensus ou sur un principe fondateur général» (Douglas, 2004, p. 81). Pour Chevallard (2003), il faut entendre : « Un dispositif social « total », qui peut certes n’avoir qu’une extension très réduite dans l’espace social (il existe des « micro-institutions »), mais qui permet et impose à ses sujets, c’est-à-dire aux personnes x qui viennent occuper une position p offerte dans I, la mise en jeu de manière de faire et de penser propres » (Chevallard, 2003, p. 82). On peut donc parler d’institution pour les trois composants du triptyque de formation sur lesquels repose l’enseignement de la santé et de la sécurité au travail : « la classe en enseignement d’Hygiène Prévention et Secourisme », « la classe en enseignement technologique et professionnel» mais aussi « l’entreprise durant la période de formation en entreprise ». Mais on peut également considérer que la famille et l’environnement culturel quotidien constitue aussi la première institution qui met en présence un sujet et des objets de savoirs. Dans ces institutions vivent des objets et des personnes. Il se crée des relations entre cet objet et la personne ou l’institution. Il existe donc deux grands types de rapports au savoir : − des rapports personnels pour chaque personne, − des rapports institutionnels pour chaque institution. Quand un individu entre dans une institution, il va être confronté à chaque objet institutionnel connu de l’institution à travers le rapport que l’institution entretient avec lui. Apprendre un objet de savoir pour un sujet revient donc à rendre conforme son rapport personnel avec cet objet au rapport institutionnel (Maury et Caillot, 2003). Un apprentissage se caractérise ainsi par la création ou une modification d’un rapport personnel à un objet de savoir. Mais quelles peuvent être les conséquences sur l’apprentissage si un individu est confronté à une multitude d’institutions présentant chacune des rapports institutionnels aux objets de savoirs différents ? Selon Chevallard (2003), c’est par le fait qu’il est le sujet d’une multitude d’institutions que 141 l’individu se constitue en une personne (ensemble formé par l’individu et les rapports personnels qu’il entretient avec les différents objets). Mais le fait que le rapport personnel émerge d’une pluralité de rapports institutionnels peut avoir aussi plusieurs conséquences : le rapport personnel n’est jamais parfaitement conforme à tel ou tel rapport institutionnel parce que « son rapport s’est formé par l’intégration, au fil du temps, des influences exercées par les divers rapports institutionnels auxquels il a été assujetti » (Chevallard, 2003, p. 84). Le rapport personnel n’est jamais original parce qu’ « il reflète, en les altérant plus ou moins, les rapports institutionnels sous l’influence desquels la personne x s’est formée » (Chevallard, 2003, p. 84). Ainsi la formation à la santé et à la sécurité, parce qu’elle prétend construire ou développer de nouveaux rapports aux savoirs, doit prendre en compte les rapports institutionnels aux objets au sein de chacune des institutions car le savoir et le savoir-faire dispensés par une institution peuvent venir en contradiction avec ceux déjà constitués par la famille ou une autre institution. Dans ce contexte, on peut envisager que le rapport personnel à un objet de savoir « prévention des risques professionnels » peut fluctuer, voire être complètement remis en cause dès lors que le sujet change d’institution. Ceci pourrait créer des tensions quand le sujet passe d’une institution à une autre. Selon nous, ces tensions sont décelables aux travers des obstacles et/ou des changements d’idées qui peuvent se manifester durant le cursus de formation.

QU’EST CE QU’UNE IDEE ?

Selon Givry, une idée est « un élément de connaissance permettant de rendre compte d’une ou plusieurs situations. Chaque individu possède un ensemble d’idées, qu’il a construit tout au long de sa vie, en interagissant avec de nombreuses situations » (Givry, 2003, p. 58) Une idée est donc un élément de connaissance qui se construit et se développe dans l’interaction en situation et présuppose que les contextes sociaux influencent et déterminent les types de connaissances et de pratiques qui y sont construites. Cette position est celle de Fleck (1935) qui écrit : « La connaissance de la vérité est l’activité de l’homme la plus conditionnée socialement, et le savoir, la création sociale souveraine. La structure même du langage véhicule une philosophie obligée caractéristique de cette communauté, et un simple mot peut représenter une théorie complexe » (cité par Douglas, 2004, p. 43). Ainsi, la connaissance est conditionnée socialement et le savoir, une création sociale. « Tout être humain est avant tout un être social qui, au cours de son histoire, se trouve confronté à des rapports de savoirs et des rapports aux savoirs ; savoirs qui, par essence, sont eux-mêmes sociaux » (Figeat, 2004, p. 119). L’environnement social peut donc être la source de conceptions et de modes de raisonnement. Des différents travaux sur les conceptions, on peut distinguer les travaux qui portent sur les connaissances dans un domaine spécifique comme par exemple le concept de force en mécanique (Viennot, 1979) et ceux qui relèvent d’aspects plus transversaux comme par exemple le raisonnement causal (Viennot, 1993). Avec le concept d’idée, nous entendons, d’une part, des conceptions et des modes de raisonnement « anciens et bien ancrés, parfois bien adaptés à la très grande majorité des situations de la vie courante » et des « savoirs plus techniques exigeant une rupture avec le sens commun » (Johsua et Dupin, 1993, p. 133) qui relèvent de connaissances spécifiques au domaine de l’ES&ST et, d’autre part, des conceptions et des modes de raisonnement qui relèvent d’aspects plus transversaux. Une idée est donc un élément de connaissance, conceptions et modes de raisonnement, qui se construit et se développe dans l’interaction en situation. Compte tenu des différents sens attribués au terme « situation », nous allons définir ce que nous entendons par situation dans le cadre de notre étude. Celle-ci devrait nous permettre de confirmer les différents rapports institutionnels à l’objet « prévention des risques professionnels » qu’il existe au sein de chacune des institutions composantes de l’institution de formation afin d’envisager les premières hypothèses sur l’évolution des idées des élèves dans le cadre du cursus de formation proposé. 

LES SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT DANS UN ENVIRONNEMENT SCOLAIRE

Dans un environnement scolaire les situations proposées sont généralement des dispositifs que les enseignants conçoivent, mettent en œuvre et évaluent à partir des contraintes qui relèvent en grande partie de la transposition didactique externe. En effet, les situations d’enseignement qui sont proposées aux élèves ne dépendent pas seulement des choix des enseignants mais également des organisations curriculaires qui régissent leur enseignement, des contenus proposés dans le cadre des dispositifs de formation et des ressources pédagogiques disponibles. Nous avons vu que le transfert des savoirs et des savoir-faire des préventeurs vers les enseignants reposait sur une stratégie de démultiplication. Cette politique de transfert par démultiplication s’appuie essentiellement sur la transmission des aspects méthodologiques, scientifiques et techniques dans le cadre des actions de formation organisées à l’échelon national et académique par l’institution de prévention. Cette transmission de savoirs et de savoir-faire est d’autant plus efficiente que, dès le début du partenariat, un ensemble de ressources adaptées et spécifiques à l’enseignement de la prévention des risques ont été mises à la disposition des enseignants pour qu’il devienne « le plus rapidement opérationnel » (accord-cadre, 1993, p. 9). Les situations d’enseignement qui vont être mises en œuvre par les enseignants d’HPS secourisme et les enseignants de l’enseignement professionnel (EP) devraient intégrer majoritairement les démarches de prévention (approche par l’accident, approche par les risques et approche par le travail) déjà éprouvées par les professionnels de la santé et de la sécurité au travail (experts de l’INRS, fonctionnels de sécurité). L’analyse des tâches prescrites qu’une enseignante de biotechnologie, option environnement, a proposées pour traiter « le risque électrique » dans un ouvrage scolaire d’Hygiène Prévention et Secourisme de 2006 (Faure-Brac, 2006) et, l’analyse des tâches prescrites dans le cadre du module spécifique « certificatif » de formation à la prévention des risques devrait confirmer le constat précédent.

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