Fiscalité locale

Fiscalité locale

Selon une idée largement répandue, la décentralisation aurait transféré aux collectivités locales des dépenses non maîtrisables, à forte croissance, et il faudrait assurer à ces dernières les recettes permettant d’y faire face. Cette idée ne résiste pas aux analyses : en dehors même des processus liés au transfert des compétences, depuis plusieurs décennies les collectivités territoriales se sont engagées dans une courbe continue de dépenses. La réforme de la fiscalité locale est un serpent de mer des finances publiques françaises. Peu après son apparition, la taxe professionnelle était déjà désignée comme un « impôt imbécile ». Il a pourtant fallu attendre 2010 pour que les pouvoirs publics s’y attèlent. Ce chapitre revient en premier lieu sur les avancées de cette réforme, tout en en soulignant les défauts. La réforme de la taxe professionnelle est dans l’ensemble favorable aux entreprises et se veut garante de la stabilité fiscale au niveau local, mais se caractérise par plusieurs écueils : pertinence relative de la valeur ajoutée de l’entreprise comme référence de la capacité contributive, obligations déclaratives lourdes dans le cadre de la localisation de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, difficile conciliation entre spécialisation fiscale et territorialisation de l’impôt. Subsiste aussi un défaut consubstantiel à la fiscalité moderne, qu’il serait bon de pouvoir un jour amoindrir : la très forte complexité du système – nouvelles impositions, transfert de nombreuses impositions entre niveaux de collectivités et de l’État vers les collectivités.

Pourtant, cette grande réforme fiscale venant de s’achever, il serait illusoire et irréaliste d’appeler à une nouvelle refonte du cadre fiscal local. C’est plutôt sur deux enseignements essentiels et que nous voudrions insister. Premièrement, l’autonomie financière des collectivités, garantie par la Constitution, ne doit pas être comprise comme une autonomie fiscale. Or les risques d’augmentation des impôts dans les années à venir ne sont pas absents : le bloc local peut décider de faire usage du levier fiscal, notamment s’agissant de la taxe d’habitation et de la cotisation foncière des entreprises. La pression fiscale pourrait aussi s’accroître sur les entreprises assujetties aux impositions pour lesquelles les collectivités disposent d’une marge de manœuvre, comme par exemple celle ouverte pour le taux du versement transport. Certes, il existe des freins aux augmentations d’impôt au niveau local : la réforme de la fiscalité locale de 2010 conduit en effet, à des degrés divers selon les collectivités, à une mise sous contrôle du pouvoir de taux. Pour les régions, une demande d’autonomie fiscale accrue semble par ailleurs difficile à justifier et à satisfaire. Mais il importe de continuer à raidir les contraintes sur l’augmentation des impôts locaux tout en s’attaquant au véritable défi de la fiscalité locale, la restauration de l’équité fiscale entre les contribuables par la réforme des valeurs locatives (à rendement constant). Il s’agit là d’une reforme difficile, constamment repoussée à la faveur de l’utilisation du levier facile qu’est l’augmentation des recettes.

En second lieu, il ne faudrait pas attendre des ajustements de recettes qu’ils viennent régler des questions relatives au niveau des dépenses. Après avoir épuisé nombre de leviers fiscaux, et face au constat inévitable de la raréfaction des ressources, il devient inévitable pour les collectivités de s’engager dans la maîtrise de leurs dépenses. Alors que jusqu’à présent l’augmentation des taxes semblait la seule réponse à celle de la dépense locale, il s’agit d’inverser cette logique. À cette fin, il est impératif de clarifier la question des conséquences des transferts des compétences sur la gestion et les finances des collectivités. Les analyses portant sur les dépenses de personnel montrent ainsi qu’en dehors même des processus liés au transfert des compétences, les collectivités territoriales se sont engagées sur une courbe de dépenses continue, conduisant à la création de plus de 35 000 postes d’agents publics locaux par an depuis 1990, hors transferts de compétences. Eu égard à la démarche de maîtrise de la dépense, déjà engagée pour l’État depuis les années 2000, les quelques avancées proposées par le projet de loi de décentralisation pour accroître la transparence des dépenses des collectivités territoriales semblent bien modestes. Dans ce contexte, la première question, fondamentale, devrait être celle de la nécessaire clarification des compétences des collectivités. Nous prônons donc l’interdiction des financements croisés entre collectivités, afin d’instaurer un système fiscal plus transparent et plus responsable ; une révision voire suppression de la clause de compétence générale ; enfin une prééminence du fait métropolitain sur l’organisation juridique actuelle, ce qui supposerait la suppression de certains départements, particulièrement en zone urbaine.

 

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