Formation de streamers pour les biofilms cultivés en milieu LB

Impact du milieu de culture sur la structure des biofilms de Pseudomonas sp. CT07

Milieux de culture

La préparation des biofilms peut être faite avec différents milieux de culture. La nature et la concentration de la source de carbone, d’azote et d’autres nutriments essentiels peut avoir un impact pour la croissance bactérienne et la formation de biofilms. Le milieu de culture LB est un milieu complexe. La principale source de carbone dans ce milieu de culture est la tryptone, un mélange de peptides résultant de la digestion de la caséine par la protéase trypsine. Un extrait de levures est ajouté dans ce mélange et sert de source de nutriments variés. Afin de contrôler la force ionique du milieu, du NaCl est ajouté. Le pH peut être contrôlé en ajoutant un peu de NaOH.
Les milieux de culture AB et LB sont très différents. Le milieu de culture AB est un milieu de culture minimal. Comme les autres milieux de cultures minimaux, dans le milieu AB, les sources de carbone, d’azote et de phosphore et des différents minéraux essentiels pour la croissance bactérienne sont des sels simples. Dans le cas présent, la source de carbone est le citrate de sodium. Le citrate de sodium est connu comme étant un agent chélatant, ce qui pourrait avoir un impact sur la structure du biofilm. La principale source d’azote est le (NH4)2SO4. Le phosphate provient des sels Na2HPO4 et KH2PO4. On y retrouve aussi du NaCl, du MgCl2, du CaCl2 et du FeCl3. Ces éléments sont importants pour la croissance des bactéries, la formation et le maintien du biofilm [24, 25].
Dans le cas du milieu LB la principale source d’azote et de carbone est la tryptone (mélange de peptide provenant de la digestion de la caséine par la trypsine). Les autres éléments essentiels à la croissance proviennent d’un extrait de levures. Ce milieu est communément utilisé en microbiologie pour la croissance des bactéries. Le milieu AB est considéré comme étant minimal puisqu’il contient des ingrédients simples et en concentration faible. Ces conditions peuvent, par exemple, se retrouver dans certains sols et dans l’eau des tours de refroidissement qui sont des environnements représentatifs du milieu naturel pour Pseudomonas sp. CT07 [70, 98].
Pour la croissance de Pseudomonas sp. CT07 en milieu de culture LB, les travaux du groupe Greener ont montré la formation de streamers par microscopie en champ clair en vidéo intermittente dans un microcanal droit. Dans ce cas, une partie d’une microcolonie se détache en conservant un lien d’attache avec le biofilm [62, 69]. Le suivi in situ de la formation d’un streamer par détachement partiel soudain par microscopie confocale permettra de mieux comprendre ce phénomène. Quelques études dans la littérature sur des biofilms de la famille Pseudomonas préparés dans des milieux de culture minimaux comme le milieu AB indiquent qu’ils ont une structure compacte et hétérogène [8, 104].

Formation de streamers pour les biofilms cultivés en milieu LB

Les forces de cisaillement et le type d’écoulement ont un effet sur la croissance et la structure des biofilms. Dans certaines conditions, il y a formation de structures en forme de filaments nommées streamers. Ils sont importants dans les processus de prolifération des biofilms dans des conditions où il y a un écoulement. Ces structures sont problématiques dans les bioréacteurs puisqu’elles favorisent la prolifération des biofilms en plus de poser le risque de bloquer l’écoulement [118]. Par exemple, les milieux poreux comme les filtres offrent une surface idéale pour leur formation en raison de leur rapport surface/volume élevé. Cela a des implications pour les domaines comme la bioremédiation, la séquestration du CO2 et le traitement des eaux usées. Pour cette raison, il est nécessaire de mieux comprendre les conditions favorisant leur formation et leur détachement.
En dehors du domaine de la microfluidique, les biofilms sont formés dans plusieurs conditions de flux turbulent. Stoodley et coll. ont caractérisé leur formation dans des canaux droits dans le régime turbulent. Ces travaux ont permis d’étudier la relation tension-élongation de biofilms de manière dynamique et de mesurer leurs propriétés mécaniques [119]. Le comportement des biofilms qu’ils ont étudiés dépend des forces de cisaillement. De manière générale, en microfluidique les streamers sont formés dans les dispositifs comportant des structures en serpentin ou avec des micropiliers mimant les milieux poreux [10, 60, 61, 78]. Ces travaux ont permis de montrer que le point d’attache des streamers sont reliés à des paires de vortex tournant en sens inverse. Ces vortex favorisent l’accumulation de matière sur les murs des côtés dans les canaux en serpentin et autour des micropiliers. Plus spécifiquement, ces streamers sont attachés directement au milieu des murs de côté du microcanal. Ils se retrouvent ainsi suspendus entre le haut et le fond du microcanal.
Les travaux récents réalisés dans le groupe du professeur J. Greener ont démontré que des streamers peuvent aussi être formés dans des canaux linéaires pour les bactéries Pseudomonas sp. CT07 en milieu de culture LB [26, 62, 69]. Ces travaux ont montré que les streamers sont formés par détachement partiel soudain et qu’il y a une relation avec une augmentation de la viscosité du biofilm après sa maturation. Dans cette section, la microscopie confocale a été utilisée afin de mieux suivre leur formation à l’intérieur d’un microcanal droit. Dans le cas présent, nous avons utilisé cette technique pour caractériser la formation des streamers pour la première fois avec une résolution en trois dimensions. L’acquisition de plusieurs micrographies confocales in situ durant la croissance permettra de suivre la formation d’un streamer par détachement partiel soudain et son déplacement dans le microcanal lorsque le biofilm est cultivé en milieu de culture LB.

Résultats

La Figure 6-1 montre une projection dans l’axe Z d’un empilement confocal d’un biofilm développé dans un milieu de culture LB. Ces images ont été générées à partir de la projection dans le plan XY des empilements confocaux acquis pendant la croissance d’un biofilm. Au début de la croissance, il n’y a que des bactéries attachées à la surface de la lamelle de verre dans le dispositif microfluidique. Par la suite, des microcolonies se forment autour des premières bactéries. Ces structures continuent de croître et elles deviennent plus hautes. À partir de 30 heures (Figure 6-1 E) la partie supérieure se détache et se déplace dans le sens de l’écoulement. Elle s’éloigne aussi de la base du biofilm. En même temps, le reste du biofilm autour se développe et se densifie. D’autres structures similaires peuvent aussi être vues dans l’empilement confocal. Afin de mieux voir celle qui est décrite ici, seulement cette partie de l’image a été montrée.
Figure 6-1 : Projection dans l’axe Z des empilement confocaux obtenus par microscopie confocale identifiant la formation de streamer dans le dispositif microfluidique après 15 (A), 19,5 (B), 22,5 (C), 27 (D), 30 (E), 31,5 (F), 33 (G) et 34,5 (H) heures de croissance. Le biofilm est formé par les bactéries Pseudomonas sp. CT07 et un milieu de culture LB est utilisé. Les empilements confocaux ont été acquis avec un objectif 40x sur profondeur de 24 µm. Ces images ont été générées en calculant la moyenne des différents plans XY de l’image confocale afin de mieux observer le déplacement de ces structures. Les cercles verts indiquent la position de la base du streamer. Les cercles rouges indiquent la position de la tête du streamer. La ligne brisée orange en (B) marque la région utilisée pour générer les coupes dans l’axe Z à la Figure 6-2. L’écoulement du milieu de culture dans le microcanal se fait du bas vers le haut. La barre d’échelle mesure 25 µm.
Figure 6-2 : Coupe dans l’axe Z de l’empilement confocal CLSM du streamer selon la ligne brisée orange à la Figure 6-1 après 15 (A), 19,5 (B), 22,5 (C), 27 (D), 30 (E), 31,5 (F), 33 (G) et 34,5 (H) heures de croissance. Les rectangles blancs indiquent la position de la base du streamer. Les rectangles rouges indiquent la position de la tête du streamer. Le fond du microcanal se retrouve du côté gauche des images et la direction de l’écoulement est du bas vers le haut. La barre d’échelle mesure 10 µm et est valide pour toutes les images.
La Figure 6-2 montre une coupe dans l’axe Z de l’empilement confocal suivant le streamer observé dans la Figure 6-1. Cela permet de mieux voir la position du streamer pendant la croissance. Pour commencer, on voit un seul point vert pour la bactérie attachée au fond du microcanal et qui sera le point de départ de la microcolonie. La colonie devient graduellement plus large et plus haute. À partir de 19,5 heures (Figure 6-2 B), on commence à observer une colonie qui est placée au point d’attache initial. De plus, à 30 heures (Figure 6-2 E), on voit que la partie supérieure du biofilm qui avait aussi été observée aux Figure 6-2 E à H commence à se détacher de la base. À partir de ce moment, au lieu de voir un biofilm continu, il y a une partie qui reste au fond du microcanal alors qu’il y a une autre qui se trouve un peu plus loin dans le sens de l’écoulement. À 33 et 34,5 heures (Figure 6-2 G et 114 H) la partie supérieure se retrouve complètement détachée de la base et se retrouve pratiquement en dehors de la zone d’observation. Elle reste toutefois stationnaire pendant plusieurs heures. Cela indique que les streamers doivent être connectés avec la base du biofilm. À ce moment, les bactéries ne connectent plus les deux segments ensemble. La microscopie confocale à balayage laser nécessite un échantillon fluorescent. Dans le cas présent, le fluorophore est la protéine fluorescence verte (GFP) qui est exprimée par les bactéries. Par conséquent, seulement les bactéries sont observées pendant ces mesures. Dans le cas présent, nous concluons que cette structure est effectivement un streamer qui est reliée à la base par la matrice extracellulaire. Comme cette dernière ne contient pas de bactéries, elle est invisible bien qu’elle puisse relier la tête du streamer à la base.

Formation de structures compactes pour les biofilms en milieu de culture AB.

Afin de vérifier l’effet du milieu de croissance sur la formation des streamers, une expérience a été faite dans les mêmes conditions hydrodynamiques avec un milieu AB modifié. La Figure 6-3 montre la projection dans l’axe Z de l’empilement confocal sur une profondeur de 13 µm à différents temps de croissance dans ces conditions. Contrairement à la Figure 6-1 où un streamer est identifié, le biofilm est relativement homogène avec quelques petites structures en surface. De plus, il n’y a pas de partie qui se détache pendant la croissance. Afin de voir si ces petites structures sont localisées à la surface d’attache du biofilm, des projections dans l’axe Z du même empilement confocal sur une profondeur de 2,2 µm pendant la croissance ont été faites (Figure 6-4). On observe alors que la présence de structures est beaucoup moins importante qu’en milieu riche et que le biofilm est beaucoup plus uniforme. On peut donc conclure que la partie inférieure du biofilm couvre le fond du microcanal de manière uniforme dans la région observée. Les parties supérieures du biofilm sont toutefois plus structurées.
Ces observations indiquent que la source de nutriments et de minéraux a un impact important sur la croissance et sur la structure du biofilm. Ce type de croissance est comparable à ce qui a été précédemment observé pour la croissance de biofilms de la famille Pseudomonas en milieu de culture minimal [8, 104]. Il a notamment déjà été démontré que des effets comme la concentration en sel est importante pour les propriétés mécaniques comme la viscosité.

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