Une entrée en emploi progressive

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Une entrée en emploi progressive

La participante a été engagée en avril 2013 dans deux commissions scolaires. Elle dit avoir attendu la fin de ses études avant de travailler parce qu’elle était stressée et ne se sentait donc pas prête à intégrer le marché du travail tout de suite.
Pour se préparer à ses entrevues d’embauche, la participante a reçu des exemples de questions d’entrevue de la part de ses collègues. Elle a également bénéficié d’une entrevue de pratique offerte par le service de placement de son université, ce qui lui a rendu un grand service.
J’ai fait l’entrevue préparatoire avec, et ça, ça m’a vraiment aidée. Sincèrement, par chance que j’ai fait ça parce que je me suis rendu compte que je n’étais vraiment pas tant préparée. (….) Moi, je pensais que j’étais préparée, mais
finalement, la fille nous a vraiment, elle nous a super bien guidés. Ça, c’est le fun.
À ses débuts, la nouvelle enseignante décide de travailler dans deux commissions scolaires, d’une part, parce qu’elle veut apprendre à connaitre les deux milieux avant de faire son choix, d’autre part, pour pallier l’insécurité financière liée à la suppléance. Cette insécurité financière issue de la précarité d’emploi l’amène également à occuper deux autres emplois durant cette période.
Tu ne le sais jamais au début de l’année comment ça va s’enligner. (….)
Septembre et octobre, ce n’est pas des mois où on travaille beaucoup, mais là j’avais quand même travaillé vu que j’avais fait les deux commissions scolaires. (….) [Un des emplois], c’était vraiment de trop quand j’y pense, mais c’était payant. (….) Des fois, je pouvais avoir des semaines de deux jours où je travaille [en suppléance]. Je m’en foutais.
Notre participante juge ses premières expériences de travail difficiles et stressantes, ce qui peut d’abord s’expliquer par le fait qu’elle acceptait toute offre de travail : « Tu commences à travailler, ça fait que tu ne refuses rien au début. Tu prends tout ce qui passe. » Ses toutes premières suppléances se sont relativement bien déroulées comme elles se sont faites dans un environnement qu’elle qualifie de rassurant, soit son école de stage IV. Les suivantes ont été plus difficiles : les écoles lui sont inconnues, la journée de suppléance n’est pas planifiée, l’accueil est absent, le soutien, faible, les élèves sont turbulents, etc.
Je me souviens quand on commence à travailler, souvent on est appelé par l’urgence du matin, donc on fait les pires suppléances, les suppléances de dernière minute avec rien du tout qui est laissé. Souvent, tu vas arriver à l’école et c’est déjà commencé. Tu ne vas trouver personne et là les élèves sont super agités. (….) Tu arrives tout le temps dans des nouvelles écoles. Là, tu es vraiment laissé à toi-même et tu ne connais pas le monde avec qui tu vas travailler. Ce n’est pas sécurisant.
J’ai eu deux suppléances en particulier que ça n’avait pas de bon sens. (….) Ça n’avait aucune limite. (….) C’était n’importe quoi. Aucun contrôle sur le groupe. La TES [technicienne en éducation spécialisée] était semi-aidante aussi.
Ç’a été des suppléances pas drôles. Vraiment n’importe quoi. Perte de contrôle.
Après environ cinq mois de suppléance répartie sur deux années scolaires et dans deux commissions scolaires, la nouvelle enseignante obtient un contrat à la leçon dans une école de la commission scolaire ciblée par notre recherche. Il s’agit d’un contrat particulier puisqu’il vise la scolarisation d’un seul élève à domicile à raison de deux heures par jour, quatre jours par semaine. Le contrat est offert à l’enseignante par la direction de son école de stage IV et s’échelonne de novembre à mars, bien qu’il soit initialement prévu de novembre à juin. La participante comble ses après-midis en faisant de la suppléance, principalement dans son école de stage IV. Elle dit avoir apprécié cette expérience qui lui permettait de s’insérer tranquillement dans la profession.
Moi, ça me convenait vraiment. Il y a beaucoup de monde qui veut avoir une classe vraiment rapidement, mais moi j’avais le gout de faire de la suppléance, j’avais le gout de voir un peu… On dirait que je ne me sentais pas prête tant que ça à être, tout de suite, à avoir ma classe. On dirait que j’avais besoin de voir des choses et des façons de faire. (….) Puis c’est bien payé et c’est intéressant, tu n’as pas toutes les charges de l’enseignant non plus. Au fur et à mesure, j’ai eu aussi des tâches à prendre, à faire de la planification davantage parce qu’on n’était pas capable de suivre la classe. Ça fait que j’ai vraiment plus appris à planifier.
L’autre avantage de ce type de contrat selon la participante, c’est qu’elle pouvait être soutenue par l’enseignante de l’élève.
Ça me permettait de travailler en collaboration avec l’enseignante de cet élève qui était en dépression. (….) J’étais coachée entre guillemets par la prof qui me donnait des trucs à faire. Ça fait que c’était, j’ai trouvé ça sécurisant de commencer avec un contrat comme ça. (….) Je voyais un peu ce qu’elle faisait
[l’enseignante de l’élève], elle, dans sa classe, ça fait que ça me donnait une bonne idée.
En mars, le contrat à la leçon prend fin, car l’état de l’élève s’aggrave : il est hospitalisé.
L’enseignante termine alors l’année scolaire en faisant de la suppléance. Cette fois-ci, elle se permet de refuser des suppléances, si bien qu’elle concentre son travail dans trois ou quatre écoles, parfois dans d’autres si la suppléance est au préscolaire ou en première année, les niveaux scolaires qu’elle préfère. L’aspect financier devient secondaire.
Je n’étais pas bien d’aller dans des écoles que je ne connaissais pas, d’aller dans n’importe quelle classe. Ça fait que moi, à partir de là, j’ai décidé que je choisissais, je sélectionnais un peu où j’allais. Je travaillais moins, mais je m’en foutais. (….) Je me sentais mieux de faire ça donc je me suis permis de le faire.
À la fin de cette année scolaire, la participante choisit la commission scolaire ciblée par notre étude pour exercer sa profession.

La liste de priorité : si près du but

L’année scolaire suivante, l’enseignante est en attente d’un contrat pouvant la mener à la liste de priorité. Inscrite sur la liste d’attente, l’année débute mal alors qu’elle rate, au mois d’aout, trois appels de la commission scolaire : possiblement des contrats ou des remplacements.
Ça n’avait pas de bon sens, j’étais tout le temps à côté de mon téléphone à attendre qu’on m’appelle pour un contrat. Puis, admettons mon grand-père il me criait de l’extérieur pour me dire une affaire, je sortais pour aller répondre, je rentrais j’avais un appel manqué. C’était des affaires pas bons sens où j’étais dans ma douche, pendant que j’étais dans ma douche, ma sonnerie.
Elle commence donc l’année en suppléance. Ce n’est qu’en mars qu’une opportunité s’offre à elle dans une nouvelle école grâce à une enseignante qu’elle a connue en stage IV. Notre participante remplace alors une enseignante du préscolaire en congé de maladie pour une durée indéterminée. Après un mois de remplacement, l’enseignante titulaire revient de manière progressive : une journée par semaine durant deux semaines, puis deux journées par semaine durant deux semaines, etc. Puis, deux mois s’écoulent depuis le début du remplacement de la participante : elle se voit alors offrir un contrat.
À ce moment-là, elle travaille certains jours dans la classe à titre d’enseignante à contrat à temps partiel dans le cadre du retour progressif de l’enseignante titulaire, mais travaille également certains jours dans cette même classe à titre d’orthopédagogue et remplace parfois l’enseignante de manière imprévue à titre de suppléante. Pour que l’enclenchement du processus de probation locale soit possible, lequel mènerait la participante à la liste de priorité, son contrat doit durer plus de 20 jours. La commission scolaire refuse de considérer les journées travaillées dans cette classe par la participante autre que celles officiellement attribuées dans le cadre de son contrat à temps partiel. Il lui manquera ainsi deux jours de travail pour que le processus de probation locale s’amorce. La commission scolaire demeure sur sa position, et ce, même si la direction de l’école l’encourage à permettre à notre participante de se qualifier pour la liste de priorité, jugeant que cette dernière a démontré une bonne maitrise des compétences professionnelles de la profession enseignante : « Même la directrice était venue m’évaluer au cas où. Elle avait écrit aux ressources humaines pour dire que si jamais elle considérait que je pouvais [accéder à la liste de priorité], mais ça n’a pas passé. »
À la suite de cet évènement, l’enseignante est frustrée et déçue, mais demeure confiante que l’année prochaine sera la bonne pour voir son nom apparaitre sur la liste de priorité.
Hey!! Je me sentais frustrée. Je me sentais frustrée, mais en même temps je ne trouvais pas ça si pire. J’étais là, l’année prochaine, je me disais l’année prochaine, je vais avoir mon contrat [menant à la liste de priorité]. Mais non, non, j’étais quand même frustrée. Non, ce n’est pas vrai parce que j’avais beaucoup d’amis qui rentraient sur la liste cette année-là, ça fait que j’étais quand même assez déçue. J’étais vraiment déçue, mais je n’étais pas… le moral allait encore, je me disais bon là, ils vont retenir que l’année prochaine, je suis disponible.

La liste de priorité : le scénario se répète

Aout 2015 : une nouvelle année scolaire s’amorce. Notre participante attend patiemment un appel de la commission scolaire. Elle ne contacte pas les ressources humaines tel qu’on le lui a conseillé. Mais notre participante n’obtient pas de contrat durant cette forte période d’attribution de tâches. Cela la contrarie particulièrement puisque ses amies ayant appelé à la commission scolaire décrochent un contrat.
La conseillère pédagogique était venue me voir dans ma classe puis je lui avais raconté que j’aimerais ça avoir un contrat puis tout ça. Puis elle a m’avait dit de ne pas appeler aux ressources humaines en début d’année parce que ça « gossait » [la responsable de l’attribution des tâches] qu’on appelle pour avoir un contrat. Moi, je n’avais pas voulu la « gosser », ça fait que je ne l’ai pas appelé alors que toutes mes amies qui l’ont appelé ont eu un contrat. Ça fait que là, LÀ, ça m’avait vraiment fait chier.
À la mi-septembre, l’enseignante est appelée par les ressources humaines. On lui propose de remplacer une enseignante en épuisement professionnel. Elle accepte ce remplacement indéterminé dans une classe du préscolaire : une expérience très exigeante. Sur le plan comportemental, il s’agit d’une classe « extrêmement difficile », tellement qu’elle considère que ce sera sa « pire classe en carrière ».
Les relations avec l’équipe-école ne l’aident malheureusement pas dans le cadre de son travail. Sa classe étant difficile, l’enseignante a « vraiment besoin des services de la TES [technicienne en éducation spécialisée] ». Or, cette dernière la réprimande souvent sans que la participante ne sache vraiment pourquoi. Un jour, l’éducatrice spécialisée lui lance plusieurs reproches au sujet du matériel de la classe : « Je n’étais pas encore au courant de tout ce qui appartenait à la classe parce que ce n’est PAS ma classe et PAS mon matériel. »
L’enseignante a pensé qu’il s’agissait d’une blague tellement elle considérait la réprimande insensée. Cela a choqué l’éducatrice davantage et créé un malaise important. À partir de ce moment, la participante ne se sentait plus à l’aise de demander l’aide de l’éducatrice!; elle s’est donc mise à gérer seule les élèves en grave difficulté de comportement. Le soutien dont elle avait besoin ne se trouve malheureusement pas chez sa voisine de classe, l’autre enseignante du préscolaire, ni chez d’autres collègues de l’école.
J’avais une collègue, vraiment, qui ne m’aidait pas du tout de l’autre côté, qui n’était vraiment pas smatte avec moi. Elle ne m’accueillait pas, elle s’en allait et elle ne me disait pas : « Bye ». Elle ne me donnait pas… Ah non, c’était vraiment. Hey!! C’était vraiment ordinaire là. (….) Moi, si je savais que j’avais une collègue qui commence l’autre côté avec une classe difficile, j’aurais été vraiment, j’aurais été fine, je l’aurais vraiment intégrée. Je lui aurais donné des idées d’activités. Whatever. (….) Hey!! Il n’y avait personne qui me parlait dans l’école. C’était vraiment, c’était vraiment poche là l’équipe-école.
Quant à la direction, elle était super, « mais elle avait bien d’autres choses à faire dans l’école ».
L’enseignante, sans ressources, est triste et découragée. Elle songe à abandonner son remplacement.
Sincèrement, je ne pleure jamais pour… je suis vraiment quelqu’un de positif et de mollo et ce n’est pas grave et prendre le bon côté des choses, mais là il y a plein de fois où j’ai pleuré à la fin de mes journées et ça c’est, ça ne m’arrive jamais. Mais c’est tout le contexte de pas de soutien de la TES, pas de soutien de ma collègue. (….) J’étais tellement découragée là, ça, c’était quand la TES
m’avait parlé et m’avait envoyé chier. Déjà, j’étais brulée de ce qui se passait avec mes élèves, puis la seule personne avec qui je parlais c’était la TES à ce moment-là. Ça fait que là, qu’elle me chie dessus, je ne voyais comme pas de bout.
Un jour que l’enseignante se décide à appeler l’éducatrice spécialisée parce qu’un de ses élèves est violent envers elle et les autres élèves, c’est la direction qui arrive dans sa classe, la technicienne étant indisponible. La direction se rend alors compte de la gravité de la situation et engage une éducatrice spécialisée à temps plein spécifiquement pour cet élève qui influence et désorganise le reste du groupe. Cela aide considérablement notre participante.
Mi-octobre, j’ai eu une TES, une perle, qui travaillait au service de garde, qui était en soutien tout le temps dans ma classe, « nonstop », avec cet élève pour le recadrer. Puis ça a été tellement aidant là. Sincèrement, dès qu’il se désorganisait, elle le sortait de la classe. (….) Ça fait qu’à partir de là, j’ai vraiment pu reprendre le contrôle de la classe.

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