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Les récits de fondations des sociétés, un premierndice de la personnalité des membres des sociétés savante manchoises

La Manche présente une certaine variété de sociétéssavantes. Leurs créations, et recréation dans le cas de la Société Académique deCherbourg, s’échelonnent tout au long de cette période qui s’étend du Premier Empire à la Première Guerre Mondiale. Afin d’apporter quelques éclaircissements sur ces fondations, nous avons été amenés à examiner d’une part les archives les plus anciennes dont pouvaient disposer les sociétés savantes, et d’autre part les récits produits par ces sociétés. Ainsi que l’écrivait Jean-Pierre Chaline : « Des statuts et des hommes : cette double nécessité est immanquablement soulignée dans le récit des origines que toute société de quelque importance se plaît à composer à l’occasion de quelque anniversaire marquant ou encore pour remplir tel ou tel questionnaire administratif. Dédoublé dans le cas de groupements anciens reconstitués après la Révolution, cet historique est rarement exempt de quelque hagiographie dans l’évocation des pères fondateurs, de leurs mérites et de leurs intentions ». Nous reviendrons sur ces récits et sur ces personnalités au cours de ce chapitre. A côté de ces faits nous pouvons avancer au moins une hypothèse quant à la localisation des fondations de sociétés. Lorsqu’on examine une carte de la Normandie 48 comportant les densités d’habitants, soit par arrondissement, soit par canton, on remarque immédiatement que les villes abritant au moins une société sont situées dans des circonscriptions où la densité est supérieure ou égale à 100 habitants au Km². En 1801, l’arrondissement de Cherbourg connaît seul cette de nsité. Ce sont également les cantons les plus peuplés qui connaissent des fondations. Cherbourg en 1831 compte 18443 habitants. En 1836, Avranches en compte 16543 et Saint-Lô 14000. En 1851, alors qu’elle voit naître une deuxième société, Cherbourg a quasiment doublé saopulation (28012 habitants). Cette ville voit une croissance constante de sa population pour atteindre 43731 habitants en 1911. Paradoxalement, les nouvelles fondations, après 1870, ont lieu dans des cantons dont la population n’a cessé de diminuer. Coutances a perdu près de 2000 habitants entre 1806 et 1872 (de 14936 à 12768), Valognes près de 4000 entre 1806 et 1876 (de 16790 à 12890).
A. Sous l’Ancien régime, la première société savanteudCotentin
Dans les archives de la Société Nationale Académiquede Cherbourg, on retrouve deux livrets manuscrits, le premier intitulé Procès-verbaux de 1755 à 1776 : Journal académique pour servir à l’enregistrement des délibérations, mémoires, dissertations, discours, récapitulations, réceptions & élections,le second, sans titre, comprend des documents divers dont les plus anciens datent de 1755. Les noms des fondateurs de la Société y sont mentionnés, avec leurs titres et leurs fonctions. Nous rencontrons donc deux prêtres, Anquetil et Delair, deux docteurs en médecine, De la Ville et Dalleaume, un conseilleur particulier du roy [sic], Groult, un inspecteur des forteresses, Avoine de Chantereine [sic], un professeur d’hydrographie, Voisin, un artiste, Fréret et le chevalier du Homméel [sic]. Dans un rapport
publié en 1833, Nicolas-Jacques Noël-Agnès ne retient que six noms de fondateurs
l’abbé Pierre Anquetil, Jean-François-Marin-Joseph Delaville, Thomas-Pierre-Adrien Groult, Avoine de Chantereyne, Jean-Thomas Voisin sieur de la Hougue et Pierre Fréret. Le chevalier du Homméel et le docteur d’Alleaume ont été reçus par la suite, au cours de l’année 1755, de même que l’abbé caennais Pierre Delair. Les six homes se sont donc réunis au début de l’année 1755. Ils rédigent alors un acte fondateur: « L’an 1755, le quatorzième jour de janvier, quelques amis des sciences, de littératureet des beaux-arts désirant se communiquer mutuellement les connaissances qu’ils possèdent et celles qu’ils pourront acquérir, et, dans cette vue, ayant résolu d’ériger en cette ville uneassemblée philosophique, sous le titre de Société Académique, ont par le présent acte formé’établissement. ». La référence ouvertement admise est celle de l’Académie Française. Les premiers membres se réfèrent
Ibidem, pp. 64 & 65.
Nicolas Noël (1794 – 1866), né à Carteret Nicolas Noël fut un brillant maire de Cherbourg et exerça p lus tard un mandat de député. Son action à Cherbourg fut surtout remarquée par le souci qu’il eut d’encourager l’instruction publique et le développement économique et culturel de sa ville. CF. Jean-François HAMEL ,
Dictionnaire des personnages remarquables de la Manche, Tome III. Marigny, Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine normand », 2003, pp. 165-166.
51 Nicolas-Jacques NOËL-AGNES, « Rapport à la Société Académique sur les anciens membres de cette Société. »,Mémoires de la Société Académique de Cherbourg :meto I, 1833. Cherbourg, Boulanger imprimeur-libraire, 1833.
également aux autres fondations qui ont précédé clelde Cherbourg. Ainsi, dans un petit
volume datant de 1755, on trouve un compte-rendu de séance ainsi libellé : « Au commencement du mois d’août, M. de Chantereine nous fit part de ses recherches sur l’origine des académies pour tâcher de nous y conformer », il s’agit en fait d’un discours portant sur « l’utilité des Académies ». Le même Noël-Agnès, dans une « Notice historique 52 er sur la Société Académique de Cherbourg » lue à la séance publique du 1 mai 1855 à l’occasion du centième anniversaire de la société,donne comme date de la première séance le 1er mai 1755, tout en précisant que « déjà plusieurs éunionsr avaient eu lieu, mais elles avaient pour but la constitution de la Société et la rédaction des statuts, et ce n’est qu’à cette époque que commencent les séances où se firent les lectures scientifiques et littéraires. »
La présence d’une Académie à Cherbourg tient probablement plus à la personnalité des fondateurs qu’à tout autre facteur. L’abbé Pierre Anquetil fut le premier directeur mais a laissé peu de traces. Jean-Thomas Voisin, sieur de la Hougue (1717 – 1773) 53, né à Cherbourg, outre ses activités de professeur d’hydrographie et de jaugeur de la marine, a été le premier auteur d’une histoire de Cherbourg, manuscrite, et qui n’a été éditée qu’en 1835 après avoir été complétée par Alexis Géhyn dit Verusmor, membre plus tardif de la société car reçu en 1836. Le docteur Delaville se passionna it pour l’art, la poésie et la botanique et  semble avoir fait de fréquentes communications devant la société . Pierre Avoyne de Chantereyne (1728 – 1790) appartenait à une grande famille de négociants cherbourgeois et était inspecteur des fortifications et receveur de l’Amirauté. Egalement féru d’histoire, il a laissé des manuscrits sur les baillis du Cotentin et des études historiques sur sa ville natale. En tant qu’archéologue amateur, il a beaucoup exploréla pointe de la Hague55. Pierre Fréret (1714 – 1782) se partageait entre la sculpture, il est l’auteur de la chaire de la basilique de la Trinité à Cherbourg, et les travaux scientifiques par la mise au point d’appareils de navigation. Sans chercher à abaisser les mérites des cinq autres cofondateurs, celui qui retient le plus l’attention, et la retenait déjà dans le discours de Noël-Agnès cité plus haut, est sans
conteste Thomas Groult56 : « quel que soit le mérite des travaux dus aux membres que je viens de citer, leurs noms s’effacent, au moins en partie, devant celui de M. Groult, qui paraît avoir eu la plus grande part dans la formation de la Société et qui, pendant tout le cours de sa longue et laborieuse existence, n’a pas cessé d’en être un des plus fermes et des plus constants appuis. » Plus loin, Noël-Agnès poursuit l’éloge de son prédécesseur : « [il] n’était pas seulement un travailleur infatigable, un magistrat intègre, un savant de réputation européenne ; c’était mieux que cela encore, c’étaitun homme de bien d’une admirable simplicité de mœurs, d’une bienfaisance inépuisable, aussi actif à secourir les pauvres et à chercher tout ce qui pouvait adoucir leur misère, qu’à étendre ses investigations dans le vaste champ des connaissances humaines. » La famille Groult est une ancienne famille ème siècle, sous la dénomination de « sieur des cherbourgeoise, connue et citée dès le XV Croix » et a fourni des docteurs en médecine, des ecclésiastiques, des gens de justice et des administrateurs. Thomas Pierre Adrien Groult (Cherbourg 10 août 1733 – 1814), était le fils de Thomas Groult (1692 – 1736), médecin, et Marie-Thérèse Vincent. Il suivit des études de mathématiques, de physique et d’histoire naturelle à l’Université de Caen, mais se lança dans une carrière judiciaire, en particulier à propos de la législation maritime. A côté de son activité académique cherbourgeoise, on le croise àplusieurs reprises au sein des travaux de l’Académie de Rouen devant laquelle il lit quelques-uns de ses travaux scientifiques et donne des conférences sur le droit maritime. On note à ce propos que la moitié des fondateurs est directement reliée à l’Amirauté de Cherbourg.

Table des matières

Remerciements
INTRODUCTION
Première partie : les récits de fondation des sociétés, la mise en place de leurs statuts moyens de leur existence
I. Les récits de fondations des sociétés, un premier indice de la personnalité membres des sociétés savantes manchoises
A. Sous l’Ancien régime, la première société savante du Cotentin
B. De la Révolution à la fin de la Seconde Restauration (1789 – 1830)
C. De la Monarchie de Juillet à la fin de la IIème République (1830 – 1852), création de nouvelles sociétés
D. Sous le Second Empire (1852 – 1870) et le début de la IIIème République
(1871 – 1914)
1. Une stagnation sous le Second Empire
2. Les dernières créations manchoises
II. L’organisation interne
A. Etre en accord avec les textes de lois
B. Une hiérarchie définie
1. Les sources à mobiliser
2. Le bureau
a. Les présidents, vice-présidents et directeurs
b. Les secrétaires, vice-secrétaires et secrétaires-adjoints
c. Les trésoriers, archivistes, conservateurs et bibliothécaires
d. Les autres membres des bureaux
e. Les commission et comités
f. Les élections
3. Les types de membres
a. Les membres résidants et les membres titulaires
b. Les membres libres, adjoints, non-résidents ou vétérans
c. Les membres correspondants ou étrangers.
d. Les membres honoraires
III. L’organisation matérielle
A. Les budgets
1. Quelles sources de revenus ?
a. Les ressources internes : cotisations et droits de diplôme
b. Des ressources exceptionnelles : dons, legs et placements
c. Les ressources administratives : les subventions municipales,
départementales et ministérielles
2. Une étude de cas : les budgets et les « rapports sur la gestion »
Société Artistique et Industrielle de Cherbourg
3. La dépense la plus importante des sociétés savantes : les d’impression et de publication
4. Le devenir de l’actif des sociétés savantes en cas de dissolution
B. Les locaux
1. Les lieux de réunion
a. Des sociétés plutôt sédentaires
b. Des sociétés itinérantes
2. Les musées
a. Les musées municipaux et les sociétés locales.
b. Les musées des sociétés.
Deuxième partie : identification des membres des sociétés savantes de la Manche
I. Répartition géographique des membres des sociétés manchoises
A. Un essai d’évaluation de l’effectif des membres manchois
B. Des sociétés manchoises partagées entre un recrutement local et ouverture vers l’extérieur
1. Les membres titulaires
2. Les membres correspondants
II. Les activités professionnelles et l’origine sociale des membres des sociétés savantes manchoises
A. Les fonctionnaires et les membres du clergé
1. Fonctionnaires culturels
2. Le monde de l’enseignement
3. Les fonctionnaires au sens strict : personnel des préfectures, des mairies autres administrations
4. Les ingénieurs
5. Les militaires
6. Le clergé
B. Les membres des professions libérales et les étudiants
1. La justice
2. Les professions médicales
3. Les architectes
4. Les étudiants
C. D’autres statuts
1. Les « sans profession »
2. Les boutiquiers et artisans
3. Les professions en lien avec l’agriculture et l’élevage
4. Les professions artistiques
a. Les peintres et peintres d’histoire
b. Les sculpteurs et statuaires
c. Quelques artistes divers
d. Le théâtre
e. La musique
5. Les journalistes et les publicistes
6. Les métiers de la banque et des assurances, industriels et négociants
D. Un univers presque exclusivement masculin
Troisième Partie : Les activités des Sociétés
I. Les séances
A. Les séances privées
1. Une définition
2. La périodicité
3. Les assemblées générales
4. Le déroulement de la séance
5. L’assiduité
6. Un cas particulier, la société en excursion
B. Les séances publiques
1. Une définition
2. La périodicité
3. Le public présent
4. Le déroulement de la Séance
5. Des cas particuliers, les célébrations : anniversaire de la société, d’un membre, banquets…
II. La diffusion des connaissances
A. Les publications
1. La diffusion d’imprimés divers
2. Les mémoires et bulletins : forme, nombre de pages, périodicité…
3. Le contenu
a. L’Histoire
b. Les Sciences
c. Un sujet régional : défense et illustration de la langue normande
d. Autres sujets abordés
4. Les auteurs
B. Les concours
C. L’enseignement : la mise en place de cours et de conférences.
D. L’insertion dans la vie culturelle locale
1. La fondation de bibliothèque(s)
2. La création de musées
a. Le rôle des sociétés manchoises dans la fondation des musées
b. Les conservateurs et le personnel des musées
c. Les oeuvres et objets montrés : leur provenance
d. L’avis, parfois tranché, des inspecteurs
3. Les expositions organisées
a. A Saint-Lô
b. Par la Société artistique et industrielle de Cherbourg
c. A Avranches
III. La reconnaissance au plan local, national et international des sociétés savantes
manchoises et de certains membres
A. La diffusion des publications
1. Auprès des membres
2. Auprès de bibliothèques
3. Dans la correspondance, des demandes d’échanges entres sociétés
4. Par la vente
B. Des commentaires à propos des publications
C. Des membres honorés
1. Par des médailles et des récompenses
a. Les récompenses remises au titre des travaux au sein des sociétés
b. Les médailles décernées en France et à l’étranger
c. La distinction d’officier d’académie
2. Une minorité de membres honorés
CONCLUSION
TABLE DES MATIERES

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