L’opacité du document en histoire, un atout pour l ‘appropriation des savoirs ?

Le document en histoire-géographie 

Comme nous l’avons abordé en introduction, un colloque s’est tenu à Paris en 2002 sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Le fait qu’un des actes soit consacré à la place du document dans l’enseignement de la discipline montre, si preuve il fallait, que le document est au cœur des enjeux didactiques et pédagogiques de l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Cela confirme également le fait que le document au sein de l’enseignement en France génère régulièrement de nombreux questionnements quant à son utilisation en classe. Si le rôle prépondérant du document dans l’enseignement de l’histoire-géographie n’est donc plus à prouver, nous pouvons nous interroger sur sa nature et son usage en cours. D’un point de vue pédagogique, Henri MONIOT, dans son ouvrage Didactique de l’histoire , définit le document comme étant « un élément de taille modeste mobilisable à convenance, porteur d’information avant qu’on ne le convoque pour usage scolaire… une matière première ». Un document en classe, ne prend alors tout son sens que par le rôle et l’utilisation qu’en fait le professeur.
Durant une heure de cours d’histoire-géographie, l’enseignant peut mobiliser un nombre important de documents, de nature extrêmement variée:
Le document texte : il s’agit du document le plus fréquemment utilisé, comme le rapporte Gérard PINSON, se référant à une étude menée en 1997 sur le type de documents employés, indiquant «le pourcentage de leçons dans lesquelles a été utilisé au moins un document des trois types principaux»:
Le document iconographique : photographie (aérienne, satellite, etc), peinture, graphique, etc. Le document cartographique : aussi bien utilisé en histoire qu’en géographie, avec des variations (cartes topographiques, planisphères…).
Le document sonore : il peut s’agir d’un enregistrement radiographique ou de la retranscription d’un discours, etc.
Le document audiovisuel : il peut s’agir d’un documentaire, d’un extrait de film, un reportage d’actualités, etc. Les documents de cette nature sont encore peu fréquemment utilisés, car chronophages dans leur application au sein de la classe mais aussi car ils requièrent du matériel additionnel (télévision, vidéoprojecteur…) qui n’est pas toujours présent dans les salles de classe ou maitrisé par les enseignants.

La place du document dans les épreuves finales d’histoire-géographie

Le rôle majeur des documents dans l’enseignement de l’histoire-géographie au second degré se vérifie également lors des épreuves finales, aussi bien en ce qui concerne le brevet national des collèges que le baccalauréat général.
Au baccalauréat des séries générales, l’épreuve d’histoire-géographie est composée de deux partie, dont la deuxième – s’il ne s’agit pas d’un croquis à réaliser en géographie – est « une étude critique d’un ou de deux document(s) ». Le Bulletin Officiel relatif à l’épreuve d’histoire-géographie commune aux séries ES et L, décrit cette partie de l’épreuve de la manière suivante : « L’exercice d’étude critique de document(s), en histoire comme en géographie, comporte un titre, un ou deux document(s) et, si nécessaire, des notes explicatives. Il est accompagné d’une consigne visant à orienter le travail du candidat ». En ce qui concerne cette étude critique d’un ou de deux document(s), le Bulletin Officiel explicite les attendus : «Cette étude doit permettre au candidat de rendre compte du contenu du ou des document(s) proposé(s) et d’en dégager ce qu’il(s) apporte(nt) à la compréhension des situations, des phénomènes ou des processus historiques évoqués.
Le candidat doit mettre en œuvre les démarches de l’étude de document en histoire : en dégageant le sens général du ou des document(s) en relation avec la question historique à laquelle il(s) se rapporte(nt) ; en montrant l’intérêt et les limites éventuelles du ou des document(s) pour la compréhension de cette question historique et en prenant la distance critique nécessaire ; en montrant, le cas échéant, l’intérêt de la confrontation des documents».
Nous le voyons alors à travers ces instructions officielles, lors de l’enseignement de l’histoire-géographie, l’utilisation des documents va avoir des objectifs divers en ce qui concernent les élèves. Ceux-ci doivent acquérir au cours de leur scolarité différentes capacités, telles que le la présentation d’un document, le prélèvement d’informations, la mise en relation et la confrontation de celles-ci et la capacité à pouvoir porter sur le ou les document(s) un regard critique.

L’ «opacité» du document 

Comme nous l’avons abordé en introduction, le terme d’ «opacité» est ici utilisé en référence aux travaux de Laurent GAJO15. L’opacité dans ses travaux est utilisé en référence à l’utilisation de la langue étrangère dans le cadre de l’enseignement d’une discipline non linguistique.
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous nous situons dans l’enseignement de l’histoire- géographie «classique», autrement dit en langue française, la langue maternelle de la majorité des élèves français. D’après le dictionnaire Larousse, le mot «opacité» est dérivé du latin opacitas, atis, qui signifie «ombre». L’une des définitions proposées, est : «État de ce qui ne peut être pénétré par l’intelligence : Ce texte reste d’une grande opacité». Il est intéressant de constater que l’exemple fourni par le dictionnaire concerne un texte, ce qui est également le cas pour ce travail de recherche.
Nous pouvons alors nous demander quels seront les facteurs d’opacité d’un document pour les élèves, si celui-ci n’est pas en langue étrangère.

Quelle opacité en histoire-géographie ?

Le poids des représentations mentales : Didier CARIOU est maître de conférences en didactique de l’histoire à l’université de Bretagne occidentale et ses recherches portent sur les modalités d’apprentissage de l’histoire dans l’enseignement primaire et secondaire. Dans un article intitulé «Quels exercices pour apprendre l’histoire scolaire ?» et paru dans Les Cahier Pédagogiques en 2009, il écrit «quand ils sont placés en réelle situation d’apprentissage, on constate que les élèves transforment tout d’abord le savoir historique en un savoir du sens commun afin de lui donner du sens. Ils entrent dans le texte de l’histoire en l’interprétant à l’aide de théories sur le monde socialement construites, d’une sociologie et d’une psychologie naïves forgées dans leur propre expérience sociale». Nous le voyons alors, quelque soit le document auquel l’élève va être confronté, il va initialement l’aborder à travers le prisme de ce qu’il sait ou croit être vrai. Il s’agit ici d’un enjeu fondamental dans l’appropriation des savoirs, puisque l’enseignant, par son choix de document et surtout par le questionnement qu’il met en place va devoir surmonter l’obstacle que représentent, initialement en tout cas ces représentations mentales. L’enseignant va devoir amener les élèves à confronter leurs représentations à la réalité des savoirs historiques.
Une opacité variable selon les élèves : D’après la définition que nous en avons donner précédemment, le terme d’opacité va ainsi pouvoir être associé à celui de «difficulté». Il peut apparaître compliqué d’appréhender ce qui est opaque ou au contraire ce qui ne l’est pas pour un élève lorsqu’il est confronté à un document écrit. Outre les représentations mentales des élèves, qui vont pouvoir former un premier élément d’opacité pour les élèves, d’autres facteurs vont pouvoir venir s’ajouter à l’opacité initiale d’un document pour les élèves.
Le vocabulaire même s’il n’est pas en langue étrangère représente parfois un premier obstacle à la compréhension des élèves, d’autant plus s’il s’agit d’un concept historique avec lequel ils ne sont pas familier. De la même manière, les connaissances historiques qu’auront les élèves à propos d’un sujet donné va nécessairement varier en fonction de chaque élèves.

Les différentes étapes vers l’assimilation des savoirs 

De la déconceptualisation à l’assimilation des savoirs : De nombreux chercheurs se sont intéressés à la manière dont les élèves s’approprient les savoirs. Ainsi Nicole LAUTIER et Nicole ALLIEU-MARY montrent que cette appropriation des savoirs va pouvoir se construire par le biais de différentes étapes : «observation, recueil de données, description, et explicitation par rapport aux modèles théoriques» .
Ce processus et ses étapes successives a également été étudié par psychologue russe spécialiste du développement, L.S VYGOTSKY et démarre «à partir d’une représentation confuse, son emploi par l’enfant lui-même, et en bout de chaîne seulement, son assimilation effective». Si nous considérons ce processus, l’étape initiale, dans le cadre de cet écrit réflexif sera alors la confrontation des élèves à un document et à un questionnement plus ou moins « opaque », alors que l’objectif final, la dernière étape du processus sera l’acquisition par les élèves des savoirs disciplinaires. Une première remarque s’impose alors, le document tout seul ne suffit pas pour démarrer l’apprentissage, c’est le questionnement que nous allons lui associer qui va permettre de lui donner du sens et de lancer le processus.
Le degré de guidage : Le degré de guidage à fournir aux élèves est également une source constante de questionnement lors de l’élaboration d’activités. Dans le cadre de ce travail de recherche, il s’agit de savoir s’il est possible de parvenir à trouver un équilibre dans ce guidage, qui permettrait aux élèves de dépasser l’opacité, la densité du document, de le décortiquer, puis d’en assimiler les concepts nouveaux de manière certaine et efficace. Nous pouvons avancer l’hypothèse que la méthode de travail mise en place durant le cours d’histoire-géographie sera fonction du document et des objectifs visés, même s’il ne semble pas possible de trouver une solution unique.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Délimitation du cadre théorique
A. Le document au cœur du dispositif
1. Le document en histoire-géographie
2. La place du document dans les épreuves finales
B. L’ «opacité» du document
1. Définition du terme
2. Quelle opacité en histoire-géographie ?
a) Le poids des représentations mentales
b) Une opacité variable selon les élèves
3. Les différentes étapes vers l’assimilation des savoirs
a) De la déconceptualisation à l’assimilation des savoirs
b) Le degré de guidage
II.Le procédé expérimental mis en place
A. L’élaboration du procédé expérimental
1. Le choix du document
2. La fiche d’activité des élèves
a) L’activité au degré d’opacité le plus faible
b) L’activité au degré d’opacité le plus fort
III. Analyse des données
A. Déroulement de la séance
B. Recueil et analyse des fiches d’activité des élèves
1. L’activité au niveau d’opacité le plus faible
a) Première question
b) Deuxième question
c) Troisième question
d) Quatrième question
2. L’activité au niveau d’opacité le plus élevé
a) Première question
b) Deuxième question
c) Troisième question
3. Quelles conclusions tirer de ce protocole expérimental ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Annexes

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