Imagerie d’avenir de l’ostéoporose

La densitométrie osseuse d’aujourd’hui 

Fonctionnement et régions explorées :Le but de la densitométrie osseuse est de mesurer la quantité minérale osseuse. Cette densité minérale osseuse (DMO) est calculée en grammes par centimètre carré. Le calcul se base sur l’atténuation des rayons X en fonction du tissu traversé. Elle est donc différente si elle traverse un tissu mou ou minéralisé (donc calcifié). Ainsi la différence d’atténuation entre la zone contenant la région osseuse d’intérêt et celle des tissus mous adjacents (ligne de base) permet le calcul de la densité minérale osseuse de la région mesurée.
Les sites classiquement mesurés sont l’extrémité supérieure du fémur (gauche par convention), les quatre premières vertèbres lombaires, et l’extrémité distale du radius. Une densitométrie du corps entier peut aussi être pratiquée, elle est utilisée principalement pour l’évaluation des masses maigres, notamment en cas de sarcopénie.
Concernant le rachis lombaire, sa mesure est primordiale car c’est dans cette zone que la perte minérale est la plus importante en post ménopause. Cette région est le reflet de l’os trabéculaire. L’examen se pratique par incidence antéropostérieure, en atténuant la lordose par surélévation des jambes. Sa mesure peut être artefactée par la présence d’une scoliose lombaire, de fractures vertébrales, de ciment, ou d’arthrose articulaire postérieure. Ces éléments peuvent surestimer les mesures densitométriques du rachis et les rendre ininterprétables. D’autres situations extra rachidiennes peuvent fausser les mesures, comme la présence de calcifications dans les parties molles (lithiases par exemple), de matériel chirurgical, ou de produits de contraste si un scanner ou un lavement baryté ont précédemment été pratiqués. Dans ces cas, la mesure de l’extrémité supérieure du fémur prend toute son importance, car ne présente pas d’artefacts notamment liés à l’âge. Cette région est le reflet de l’os cortical. Les régions d’intérêt mesurées sont le col et sa région dans son ensemble (dite totale).
Concernant l’extrémité distale du radius, sa principale indication se situe dans le cadre d’hyperparathyroïdie qui affecte surtout l’os cortical. Le tiers distal est la zone la plus importante car composée à 75% d’os cortical. L’utilisation de cette région dans le cadre de la quantification d’une ostéoporose reste discutée car elle ne semble pas être prédictive du risque fracturaire.

Densitométrie 3D du rachis lombaire

Concernant le rachis lombaire, le même procédé est utilisé pour obtenir des images 3D de DMO. Une étude cas témoin de López Picazo et al avait pour but d’analyser les densités osseuses des vertebres lombaires, et d’évaluer leur puissance diagnostique pour reconnaitre les patients à risque de fracture. Cette étude était composée de 74 patientes, avec 37 patientes avec antécédent de fracture vertébrale et un groupe contrôle du même effectif. Comme dans les publications précédentes, la puissance diagnostique a été évaluée par calcul d’ASC.
Concernant la densitométrie osseuse 2D du rachis, le groupe fracturaire avait une densité osseuse lombaire 9,3% moins importante que le groupe contrôle (0,936 gcm² contre 0,849 g/cm²), son ASC pour distinguer les patients fracturaires des contrôles est de 0,682. Concernant la densitométrie 3D, la densité minérale globale vertébrale était de 10,2% moindre que les contrôles (255,7 mg/cm3 contre 229,7 mg/cm3). Cette différence était plus prononcée dans l’os trabéculaire du corps vertébral (-16%, 132,7 mg/cm3 contre 111,2 mg/cm3 ) et il n’y avait pas de différence significative pour l’os cortical. Pour le calcul des puissances diagnostiques, c’est la densité trabéculaire qui présente le meilleur résultat avec une ASC à 0,733. L’ASC de la densité globale du corps vertébral est tout juste inferieure à la précédente (0,711). Une analyse plus fine des ASC voxel par voxel a été faite afin de déterminer les régions d’intérêt les plus pertinentes. On retrouve les meilleurs ASC au niveau de l’os trabéculaire à proximité des plateaux , avec une valeur maximale de 0,815. Ainsi la densitométrie osseuse 3D présente des résultats encourageants, avec une mesure plus fine des densités calciques, mais aussi l’exploitation de données biomécaniques par analyse en éléments finis. Nombreux de ces nouveaux paramètres semblent plus performants que la densité osseuse actuellement calculée dans les recommandations officielles. Cependant les effectifs des études sont encore trop peu importants pour extrapoler. Le rajout de ces analyses en systématique nécessite encore des publications de plus gros effectifs.

Imagerie par résonance magnétique et ostéoporose

L’IRM est un examen non irradiant dont les principes de fonctionnement reposent sur le mouvement (Spin) des noyaux atomiques. Les plus fréquemment étudiés sont l’hydrogène (H1), le phosphore (P31) et le sodium (Na23). Placés dans un champ magnétique et après avoir appliqué une impulsion radiofréquence spécifique du noyau, il est possible d’identifier voire de quantifier ces noyaux.
D’une façon générale, l’IRM cible le noyau d’hydrogène et plus spécifiquement l’eau et la graisse. Le sujet est positionné à l’intérieur d’un aimant supraconducteur et des antennes radio-fréquence sont positionnées en regard de la zone à explorer. Ces antennes assurent la transmission transitoire d’impulsions radiofréquence perpendiculairement au champ magnétique principal. A l’arrêt de ces impulsions, le retour à l’équilibre peut être mesuré par l’antenne (le plus souvent la même antenne donne l’impulsion et récupère le signal). Plusieurs séquences d’impulsion peuvent être utilisées en fonction du mode de relaxation recherché. Les plus connues sont celles privilégiant la pondération T1 ou T2. Le contraste sur l’image sera alors fonction des temps de relaxation des tissus explorés. Pour exemple, au niveau musculaire, le T2 de la graisse est supérieure au T2 de l’eau tissulaire. Sur une image pondérée T2, la graisse apparaîtra en hypersignal.
Cette technique d’imagerie est largement utilisée dans toutes les spécialités médicales. Concernant l’appareil locomoteur, elle dispose de multiples indications, que ce soit dans le domaine inflammatoire, mécanique ou osseux. Dans le cadre du diagnostic de l’ostéoporose, c’est une technique peu utilisée car le gold standard est la densitométrie osseuse par ABP. L’os est un constituant faiblement riche en eau et présente des temps de relaxation très brefs. De ce fait, dans des conditions standards, (1,5 et à 3 teslas), il n’est pas détectable en IRM, le signal correspondant est noir. Seules des séquences permettant d’accommoder des temps d’echo très courts, sont susceptibles de permettre la visualisation de l’os et éventuellement des travées osseuses. L’IRM ultra haut-champ (7 teslas), d’apparition récente, a donné des résultats prometteurs. Très peu d’appareils de ce type sont disponibles à ce jour (environ 80 dans le monde).

Étude directe du tissu osseux par résonnance magnétique

Une autre approche est de mesurer directement la qualité de la microstructure osseuse. Cette approche est fortement dépendante de la qualité des images (rapport signal/bruit et de la résolution). L’étude de Kijowski et al a évalué la trabéculation osseuse du poignet par IRM 1,5 T (résolution 137x137x400µm) chez 36 femmes ménopausées non ostéoporotiques (statut défini par DMO), dont 18 fracturaires. Deux critères étaient évalués pour la qualité de l’os trabéculaire. Le premier était le rapport plaque/tige, du fait de la forme des trabéculations saines (plaque) et ostéoporotiques (tige).
Le deuxième était le degré de connexion des trabéculations. On retrouvait une différence significative de ces deux critères entre les deux groupes. Il n’y avait pas de différence significative entre les deux groupes concernant la DMO, l’âge, la taille ou le poids.
Link et al ont fait de même avec la trabéculation osseuse calcanéenne chez 50 femmes dont 23 ostéoporotiques fracturaires. L’appareil utilisé était une IRM 1,5T (résolution 195x195x500 µm). Les paramètres mesurés étaient le volume de fraction osseuse VFO (rapport quantité de tissus osseux sur volume total), l’espace inter trabéculaire, l’épaisseur et le nombre de trabéculations, ainsi que la dimension fractale. Cette dernière correspond à la rugosité des trabéculations. Tous les paramètres sauf l’épaisseur trabéculaire montraient une différence significative entre les deux groupes. Chang et al ont également évalué la trabéculation osseuse de l’extrémité supérieure du fémur par IRM 3 T (résolution 234µmx234µmx1,5mm) chez 30 patientes ménopausées avec antécédent fracturaire et 30 patientes non fracturaires. La micro architecture osseuse était analysée selon plusieurs critères tel que le VFO, le ratio plaque/tige, l’épaisseur, le nombre, les connections, les perturbations et les séparations trabéculaires. Ces valeurs ont été mesurées au niveau du col et au trochanter fémoral. Les puissances de ces critères pour distinguer un patient fracturaire d’un patient sain ont été analysées par calcul de courbes ROC et d’aires sous la courbe (ASC). Les ASC des DMO fémorales ont aussi été évaluées (0,490 au col et 0,537 au total fémur). La totalité des critères mesurés avaient des ASC supérieures aux DMO fémorales, la valeur maximale en col était de 0,683 avec le rapport plaque/tige, et en trochanter de 0,694 avec les perturbations trabéculaires. Certaines de ces caractéristiques ont été combinées avec le FRAX. La combinaison la plus performante concernant le FRAX sans DMO avec l’épaisseur trabéculaire au col avec une ASC à 0,806. La dernière partie de l’étude consistait à chercher une corrélation entre la DMO et l’ensemble de ces critères. Aucune corrélation n’a été retrouvée.
Avec l’arrivée de l’IRM à ultra-haut champ magnétique (7 teslas), l’exploration de la structure osseuse a été possible sur des images à plus haute résolution (150 mm environ). La taille d’une travée osseuse étant de 170-150 microns environ, une telle résolution est mieux adaptée pour la mesure de paramètres de micro architectures osseux évoqués précédemment comme le VFO, l’espace inter trabéculaire, l’épaisseur, le nombre et les connections trabéculaires.
Cette imagerie a été utilisée in vivo par Chang et al(58) qui ont analysé la trabéculation osseuse du fémur distal par IRM 7 teslas (résolution 0,234 µm x 0,234 µmx 1mm). L’étude comprenait 56 femmes dont 31 fracturaires. Les caractéristiques étudiées étaient le VFO, l’épaisseur, le nombre, la résorption et les connections trabéculaires, ainsi que la proportion de trabéculations en plaque et en tige. Une DMO a aussi été pratiquée pour chaque patiente. Les meilleurs résultats se localisaient en épiphyse fémorale, on y remarque des différences significatives des tous les paramètres, hors épaisseur trabéculaire, entre les deux groupes. Il n’y avait pas de différence significative à la DMO. Cette étude montre ainsi l’intérêt de l’IRM 7 teslas dans le dépistage de sujets à risque de fracture, et notamment dans les cas où la DMO n’y parvient pas.

L’apport des facteurs de risques d’ostéoporose dans le dépistage des sujets à risque par échographie ultrasensible

Une approche complémentaire a été envisagée pour optimiser le dépistage des populations à risque par cette technique.
Il s’agit de combiner le résultat de l’échographie ultrasensible aux facteurs de risque d’ostéoporose. Durosier et al en 2008(94) a établi un score de probabilité de fracture du col du fémur à 10 ans. Ce score comprend le paramètre SI et six facteurs de risque d’ostéoporose tel que le tabac, l’antécédent de fracture dans les 12 mois ou chute récente. Ce score a été calculé à partir de la cohorte EPISEM, composée de 12,958 femmes.
Ont été définis des seuils pour distinguer une population à haut risque, une population à risque intermédiaire et une population à bas risque. Ainsi on retrouvait dans la population à haut risque presque 80% de fractures du col (78,1%), chiffre assez proche de la proportion d’ostéoporotique dans la cohorte (83,8%, différence non significative). Cependant parmi les ostéoporotiques, seulement 64,4% faisaient partie du groupe à haut risque, le coefficient Kappa est relativement bas (k=0,16).
Ainsi ce procédé permet de distinguer les groupes à risque, mais pas au même niveau de concordance que la densitométrie. Cela peut être expliqué l’absence de facteur de risque chez certains ostéoporotiques, c’est le cas chez 86% des patient ostéoporotiques qui sont dans le groupe faible risque. Une autre discordance concernait les patients à DMO normale mais à haut risque. 94% des patients de cette population comportaient au moins un facteur de risque. Ainsi cette méthode parait efficace pour dépister les sujets à risque ayant des facteurs de risque, mais la présence de ceux-ci chez des patients non ostéoporotiques, et inversement, la rend peu comparable avec la densitométrie. De plus amples études sont encore nécessaires pour étudier cette piste.

Table des matières

Introduction 
Revue de la littérature des imageries d’avenir de l’ostéoporose 
Ostéodensitométrie osseuse et ostéoporose 
1. La densitométrie osseuse d’aujourd’hui
2. Etats des lieux des technologies plus récentes
3. Conclusion
Scanner et ostéoporose 
1. Principes généraux
2. Etat de la littérature par région anatomique
3. Conclusion
Imagerie par résonance magnétique et ostéoporose
1. Analyse indirecte de la qualité osseuse
2. Étude directe du tissu osseux par résonnance magnétique
3. Conclusion
Echographie et ostéoporose 
1. Echographie Quantitative Ultrasensible (QUS)
2. L’échographie par technologie REMS (Radiofrequency Echographic Multi Spectrometry)
3. Conclusion
Imageries de fusion 
1. Fusion Intertechnique
2. Fusion de séquences
3. Conclusion
Conclusion
Micro-architecture osseuse explorée in vivo par IRM UHC chez un patient atteint de rhumatisme psoriasique : suivi avant et après un an de traitement par antiTNF
Conclusion 
Bibliographie

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